Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de hugo,

maternite

Mères prisonnières : quelles réalités pour les femmes incarcérées ?

30 Octobre 2023, 23:48pm

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Mères prisonnières : quelles réalités pour les femmes incarcérées ?

© Tous droits réservés

aujourd’hui à 10:12

9 min
Par Jehanne Bergé pour Les Grenades
PARTAGER


Écouter l'article
Être mère en situation d’incarcération, qu’est-ce que cela signifie ? Comment vivre son enfermement accompagnée de son bébé ? Ou au contraire, comment maintenir le lien lorsqu’on est séparée de son enfant, que les murs de la prison font barrage ? Derrière chaque situation, une histoire singulière et complexe. Les Grenades ont tenté de saisir les enjeux de ces réalités silenciées.

Octobre 2023, prison de Haren, nord Bruxelles. De hauts murs de béton. À l’entrée : "l’access", où les proches de détenu·es forment une longue file en attendant l’autorisation de rentrer.

Marie Mornard, responsable de la section femmes, nous accueille. Badge à la main, nous passons des portiques, des sas, des portes, beaucoup de portes. Après les espaces autorisés au "public", nous pénétrons dans les enceintes fermées de la prison, dans les milieux dits "de vie".

Dans les haut-parleurs, les messages d’annonce d’appels retentissent. À gauche, la maison d’arrêt d’où sortent des cris. À côté, la maison de peine. Et tout au fond de la cour, le bâtiment des femmes.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Nouvelle prison, les femmes en minorité
"Pour l’instant, il y a 109 femmes, c’est trop, nous allons devoir opérer des déplacements avec d’autres prisons", introduit Marie Mornard en entrant dans la section femmes. Derrière les portes, les détenues vont et viennent. Certaines sortent du "travail", d’autres discutent du paiement du salaire, des objets permis à l’intérieur des murs, de la planification de leur sortie prochaine.

La directrice répond aux questions des femmes, des gardien·nes. Avant Haren, Marie Mornard a dirigé la prison non-mixte de Berkendael pendant 12 ans. C’est en novembre 2022 que les détenues ont été transférées dans la maxi-prison mixte de Haren. Selon plusieurs travailleuses sociales en milieu carcéral, ce changement aurait entrainé une perte d’humanité et une réduction de marge de manœuvre.

"C’est vrai qu’il y avait quelque chose de plus simple au niveau de l’organisation et de la flexibilité. Ici, le règlement est le même pour tout le monde, c’est plus rigide", concède la directrice. Ce qui se passe à Haren est symptomatique de la réalité carcérale générale : les femmes ne forment que 4 à 5% de la population en prison. Le fait qu’elles soient largement minoritaires en prison peut faire d’elles des "variables ajustables".

À lire aussi
Même en prison, les femmes sont "les variables ajustables"
Accueillir un bébé en prison
Concernant la maternité, les femmes incarcérées (le cadre légal parle de parent, mais dans les faits, jusqu’ici, il n’y a que les femmes qui seraient concernées !) peuvent dans certains cas, garder leur enfant avec elles jusqu’à l’âge de 3 ans. "Il y a plusieurs possibilités : certaines dames sont arrêtées et enfermées directement avec leur bébé. D’autres déposent une demande pour faire venir l’enfant", éclaire Marie Mornard.

Parfois il y a plusieurs bambins en même temps, parfois il n’y en a pas. Pour l’instant à Haren, aucun enfant ne court les couloirs froids, mais les espaces de la section femmes ont été pensés (plus ou moins) pour leur accueil. Il y a des préaux spéciaux (un petit espace extérieur avec des jeux accrochés au sol en balatum) accessibles à la demande de la mère, peu importe le moment de la journée.

Concernant les cellules mères-enfants, comme le bâtiment a été conçu pour (et probablement par) des hommes principalement, les espaces comptent quelques manquements. Les unités mères-enfants sont constituées de deux pièces séparées par une porte. "Quand nous avons eu ici une maman avec son bébé, nous les avons installé·es dans une cellule duo, c’était plus confortable", livre Marie Mornard.


© Tous droits réservés
Assurer le lien maman-enfants entre les murs
Derrière une porte, une petite salle remplie de jeux, de livres, de coussins. Par la fenêtre, à l’horizon, un tag anti-prison. L’espace aux allures de mini-garderie a été aménagé par l’ONE ; comme le préau pour enfants, il doit rester accessible à tout moment de la journée aux mères incarcérées avec leur enfant.

Au sein de la prison, à la suite du protocole d’accord, l’ONE assure un accompagnement médico-social ainsi qu’un soutien à la parentalité aux femmes enceintes et aux mères incarcérées avec leur enfant de moins de trois ans. "Nous construisons dans un lieu qui n’est pas du tout propice à ça le projet le plus bienveillant possible au déploiement d’une relation mère-enfant", explique Stéphanie Blondeau, psychologue pour l’ONE.

Il y a des règles et il nous arrive régulièrement de devoir les rappeler : dès qu’une femme est en présence de son bébé, on doit lui enlever les entraves

L’Office crée également des partenariats avec les crèches aux alentours des prisons pour pouvoir accompagner l’enfant dans sa vie à l’intérieur et à l’extérieur des murs. "La maman doit confier son enfant à une crèche qu’elle n’a jamais vue. Ce n’est pas facile. Nous assurons le lien", ajoute Aurore Dachy, coordinatrice du projet prison l’ONE.


© Tous droits réservés

© Tous droits réservés
Aux côtés des bébés et des mamans
Si la mission première de l’ONE est d’assurer le bien-être de l’enfant, de facto, les équipes prennent également soin des mères. "Les femmes comprennent assez vite que le soutien est souvent bon à prendre au sein des murs de la prison. Nous leur apportons une aide concrète, parfois il s’agit de fournir des biberons, des bodys, un lit cododo…. Comme l’enfermement les rend très dépendantes, elles s’appuient sur nous pour à peu près toutes les démarches qui concernent l’enfant", témoigne Stéphanie Blondeau.

Elle continue : "Être une mère seule en dehors des murs de la prison, c’est déjà très lourd, mais être une mère seule sous le regard des équipes de gardien·nes à longueur de journée, avec les contraintes imposées par une prison sans jouir de la liberté de ses mouvements, c’est extrêmement lourd."

Concernant les naissances, les femmes accouchent dans des hôpitaux partenaires. "Il y a des règles et il nous arrive régulièrement de devoir les rappeler : dès qu’une femme est en présence de son bébé, on doit lui enlever les entraves", souligne la psychologue. Certaines mises au monde se déroulent dans des contextes très critiques : il peut arriver que la justice décide au moment de la naissance de retirer le bébé à sa mère.

"Les décisions sont prises au moment de la naissance. C’est alors extrêmement violent. Sans pouvoir préparer les choses en amont, le bébé se retrouve placé dans l’urgence et pas toujours dans les meilleures conditions, car les services d’aide à la jeunesse sont complètement débordés et manquent de moyens", indique Aurore Dachy.

À lire aussi
La santé des femmes en prison : "On est complètement infantilisées"
La double peine d’enfermement
Les deux expertes témoignent de la complexité des conditions dans lesquelles les enfants grandissent avec leur mère en prison et de l’impact inévitable sur la construction de l’attachement. "Dans cet environnement sensoriel extrêmement particulier, ce n’est pas simple de les rassurer autrement que par le peau-à-peau."

Elles continuent : "Quand on est jeune maman, il arrive qu’on puisse se sentir enfermées par toutes les nouvelles contraintes liées à l’arrivée du bébé. Les mères incarcérées sont donc potentiellement soumises à une double peine d’enfermement."

Beaucoup craignent que leur parent soit victime de violence ou pas bien nourri·e. Les petit·es veulent protéger leur parent, c’est important de leur expliquer les choses clairement,

Concernant les aménagements de Haren, l’ONE a pointé de nombreux manquements avant le déménagement des femmes. "Il y a le problème de la porte qui sépare les deux pièces de la cellule mères-enfants, mais aussi toute une série d’autres soucis. Par exemple, chaque femme se lave dans sa propre douche, c’est super mais l’eau sort du plafond et la température est automatique, Comment on remplit un bain de bébé dans ces conditions ? Quand nous sommes arrivées avec ces questions, nous nous sommes rendu compte que c’était un impensé dans le chef de la prison. Heureusement, nous avons travaillé (et continuons à le faire) de manière constructive avec la direction pour pouvoir faire avancer les choses", commente Stéphanie Blondeau.

À lire aussi
In Stéphanie Blondeau We Trust, accompagner les mères incarcérées et soutenir le lien avec leur enfant malgré les murs de la prison
Les enfants en visite
Après l’âge de trois ans pour les enfants qui ont grandi en prison, ou dès n’importe quel âge pour celles et ceux qui restent à l’extérieur des murs, c’est l’asbl "Relais Enfants-Parents" qui prend la main de l’accompagnement. Nous retrouvons Pauline Anne De Molina, psychologue du Relais Enfants-Parents dans une salle de visite de la prison de Haren.

Dans cet espace, pas la moindre verdure, mais de grandes vitres qui laissent passer la lumière naturelle. Ce lieu est réservé en priorité aux activités du Relais. Un petit carré de jeu intérieur et un autre à l’extérieur sont installés. "L’accès extérieur ne fait pas rêver, mais il y a du potentiel : j’espère un jour pouvoir amener des bacs à potagers pour que les enfants puissent planter avec leur parent." Dans une armoire, des crayons de couleur, des jouets. "J’aimerais que bientôt ces murs gris soient couverts de dessins colorés ; je suis convaincue que l’environnement dans lequel on se trouve et circule a un impact important sur les relations."

Et les relations, c’est sa spécialité. En effet, Pauline Anne De Molina œuvre, quand c’est dans l’intérêt de l’enfant, au maintenir du lien entre l’enfant et son parent incarcéré·e, père ou mère. "Parfois, il s’agit juste d’un échange de courrier, de photos, d’un carnet de correspondance…. Mais l’autre manière de maintenir le lien ce sont les visites, elles constituent la plus grosse partie de notre travail."


© Tous droits réservés
Ensemble, un peu de joie
Concernant l’organisation des visites, le Relais Enfants-Parents opère selon deux modalités différentes. Premièrement, des visites individuelles, par exemple dans des situations de fait de mœurs ou de longues ruptures ; l’équipe est alors présente en soutien.

La deuxième formule (qui est la plus fréquente) consiste en l’organisation de visites collectives : plusieurs parents avec plusieurs enfants en même temps. "Ici pendant une heure et demie ça crie, ça rigole, ça saute. Nous tentons de créer un contexte presque normal de mise en relation", relate Pauline Anne De Molina. Pour garantir la mise en lien, le Relais accompagne les parents enfermé·es et les enfants à l’extérieur. Selon les chiffres de l’asbl, quand le père est incarcéré, dans 75% des cas, l’enfant reste chez la maman. Par contre, quand la maman est incarcérée, seulement 20 à 30% des enfants sont gardés par leur papa.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Dès lors, quand une maman est incarcérée, dans la majorité des cas, les enfants sont placés en institution ou chez des proches, ce qui change évidemment l’impact de l’emprisonnement du parent sur leur vécu. Qu’ils ou elles vivent en famille ou dans un service d’aide à la jeunesse, dans le cadre des visites organisées par le Relais, les enfants peuvent être emmené·es par des volontaires de la Croix Rouge jusqu’à la prison. "Nous, on les attend à l’entrée, à ‘l’access’. Nous insistons pour qu’aucun adulte extérieur ne puisse entrer, afin de garantir un contact privilégié entre parent et enfant sans que les problèmes d’adultes ne prennent le dessus", continue la psychologue.

À lire aussi
Femmes proches de détenus : quand la prison s’insère dans leur quotidien
Rassurer, réconforter, sécuriser
L’accès aux chambres et espaces communs des détenu·es est interdit aux visiteur·rices. Une règle qui se révèle parfois très difficile à accepter pour les enfants. "L’avantage d’une nouvelle prison, c’est qu’il y a plein de photos sur le Net. Ça permet aux enfants de visualiser, ça peut aider à les rassurer. Quand on les rencontre en amont de leur visite, on essaye de déconstruire les peurs légitimes autour de la prison. Beaucoup craignent que leur parent soit victime de violence ou pas bien nourri·e. Les petit·es veulent protéger leur parent, c’est important de leur expliquer les choses clairement, de les aider à mettre des mots sur la prison", insiste la psychologue.

À savoir, en dehors du Relais, les enfants peuvent se rendre aux visites "à table", c’est-à-dire aux visites normales, mais ils et elles doivent être accompagné·es d’un·e adulte de l’extérieur. Les détenu·es peuvent aussi réserver des mini-studios familiaux pour quelques heures.

Alors que nous nous apprêtons à quitter les murs sécurisés de la prison pour retrouver le monde de dehors, Pauline Anne De Molina nous souffle : "J’assiste à tant de situations injustes et violentes pour les enfants… Ça vient parfois me chercher très loin, mais j’ai envie de croire que redonner aux détenu·es leur rôle de père, de mère permet de leur redonner une place dans la société aussi."

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/meres-prisonnieres-quelles-realites-pour-les-femmes-incarcerees-11279427

Voir les commentaires

Accoucher à l’hôpital comme à la maison : c’est de plus en plus courant

7 Mai 2023, 01:11am

Publié par hugo

 Accoucher à l’hôpital comme à la maison : c’est de plus en plus courant

Hôpital : accoucher comme à la maison à la maternité
Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement


Connectez-vous
vendredi dernier à 21:09

Temps de lecture2 min
Par Alain Lechien, d'après un reportage de Sophie Mergem et Clara Weerts
Santé & Bien-être
Belgique
Les Grenades
Info
Accueil
Vidéo
Santé physique
Accouchement
Hôpital
PARTAGER

Écouter l'article
Mettre au monde à la maternité comme à la maison : cela peut paraître incompatible. Pourtant de plus en plus d’hôpitaux proposent aujourd’hui aux futures mamans d’accoucher dans des salles alternatives, avec baignoire ou tapis. C’est une manière de répondre à cette tendance aux accouchements plus naturels et moins médicalisés.

Publicité

De futurs parents visitent pour la première fois leur salle d’accouchement. Ici, il n’y a aucun matériel médical visible. La pièce est plongée dans la pénombre, avec certains des objets un peu spécifiques, comme une écharpe de portage ou des chaises d’accouchement. Une sage-femme accompagne les futures mamans du début à la fin.

Dans un autre hôpital, des sages-femmes indépendantes peuvent venir prendre en charge les accouchements. Dans la salle, il y a des ballons et une baignoire spécifique : l’accouchement naturel est de plus en plus tendance, sans doute en réaction à une surmédicalisation.

Mais l’accouchement physiologique n’est possible que pour les grossesses à bas risque, même si en cas de problème, les médecins sont directement à proximité.


https://www.rtbf.be/article/accoucher-a-lhopital-comme-a-la-maison-cest-de-plus-en-plus-courant-11193749

Voir les commentaires

Faustine Cros : "À travers ma mère, le film questionne la maternité dans notre société"

28 Avril 2023, 03:08am

Publié par hugo

 Faustine Cros : "À travers ma mère, le film questionne la maternité dans notre société"

© Dérives

26 avr. 2023 à 14:36

Temps de lecture5 min
Par Elli Mastorou pour Les Grenades
Les Grenades
Cinéma
Culture & Musique
Accueil
Cinéma
Féminisme
Film
Maternité
réalisatrice
PARTAGER

Écouter l'article
"C’est ma mère, Valérie. Elle est maquilleuse pour le cinéma. Il y a quelques années, elle a fait une tentative de suicide. Elle m’a dit ça sur Skype, l’air de rien…"

Dans Une vie comme une autre, entre images au présent et archives vidéo filmées par son père, Faustine Cros compose un portrait à rebours de sa mère, afin de comprendre le geste de celle-ci et ce qui l’y a amenée.

A l’intersection de l’intime et du politique, Une vie comme une autre questionne sans détour et avec tendresse les aspects difficiles et souvent non racontés de la maternité. Rencontre avec la réalisatrice.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe


Comment est née l’envie de raconter l’histoire de Une vie comme une autre ?

Faustine Cros : J’ai grandi avec une mère qui a beaucoup souffert d’être mère. Quand elle a fait une tentative de suicide, j’ai eu besoin d’aller comprendre ce qui lui était arrivé. C’était quelque part aussi une façon de relire ma propre histoire, pour mieux comprendre notre relation mère-fille. Depuis ma naissance jusqu’à mes 10 ans, y a une quantité énorme d’images, filmées par mon père. Ces images sont devenues un outil pour revoir toute une partie de ma vie. J’ai cherché ma mère dans ces images, et j’ai essayé de comprendre son parcours. A travers ma relecture de ces archives, à travers ce qu’on voit – mais aussi ce qu’on ne voit pas, petit à petit, j’ai vu se dessiner le portrait d’une femme qui tombe en dépression. Et en fait, ça commence avec la maternité.

C’est-à-dire ?

Quand je suis née, ma mère a choisi d’arrêter de travailler. C’était temporaire, elle espérait retrouver du travail ensuite – mais elle n’a pas réussi. Dans le milieu du cinéma, où elle travaillait comme maquilleuse, déjà c’est très difficile de trouver du boulot de base – alors en tant que femme, qui fait des enfants… En fait, elle a été confrontée au sexisme de la société. Ce que le film questionne à travers ma mère, c’est toute une manière d’organiser la maternité dans notre société. C’est une situation vraiment très précaire.

Des femmes m’ont souvent dit : "Je n’ai jamais senti le patriarcat autant que quand j’ai eu des enfants"

 


© Dérives
Il y a une scène très puissante dans le film : celle du frigo, où elle se lâche et crie devant la caméra toute sa rage et sa frustration, le poids du quotidien…

Oui. Elle dit tout. Je pense que cette scène résonne fort avec beaucoup de femmes, car on m’a souvent dit "Je n’ai jamais senti le patriarcat autant que quand j’ai eu des enfants".

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Quelles sont les réactions qui reviennent le plus souvent devant votre film ?

Un des retours qui m’a le plus marquée, c’était à Dok Leipzig (célèbre festival documentaire allemand, où le film a été primé, NDLR). Une jeune fille est venue me voir, et elle m’a dit : "Votre film m’a bouleversée, il m’a vraiment fait repenser mon rapport à ma mère, et pendant que je pleurais, une dame que je ne connaissais pas m’a pris la main pour me calmer, et après le film on est allées boire un café, on a parlé de nos mères, c’était bien". Je me suis dit, waw ! Un autre souvenir, en Finlande, quand j’ai raconté l’histoire de ma mère à une docteure mère de deux enfants, et elle m’a regardé avec des grands yeux écarquillés ! Elle m’a que cette question de choisir entre carrière et famille ne se poserait jamais pour elle aujourd’hui. Pourquoi ? Car la société là-bas a organisé le congé parental de manière totalement égale. Rien que ça, ça permet de penser la parentalité différemment.

Le film questionne aussi beaucoup les hommes

Et les réactions des hommes devant le film ? Y compris votre père et votre frère, qu’on voit dedans ?

Ça dépend des générations. Mon père, on le voit dans le film, est encore dans une forme de déni. Bon, moi je trouve ça touchant, je n’ai pas envie d’aller le confronter. Il appartient à une autre époque. Par contre, de manière sous-jacente, ça le questionne. Mon frère adore le film, il a un rapport aux femmes aussi totalement différent de celui de mon père. Et puis j’ai eu des retours d’hommes, qui me disent "je comprends, ma copine vit la même chose, on vient d’avoir un bébé, et ça me fend le cœur parce qu’on ne la rappelle plus mais on m’appelle moi pour faire les jobs qu’elle faisait avant… Je leur dis qu’elle est prête à revenir, et on me répond " Maintenant on préfère travailler avec toi…" Le film questionne quand même aussi beaucoup les hommes.

 

À lire aussi
Vers un an de congé de paternité et de maternité ?

Quelle est la place du féminisme, comme regard politique sur le monde, dans votre cinéma ?

Je me sens féministe, mais ça devrait être normal : tout le monde devrait l’être ! Quand j’ai commencé à faire ce film, je n’avais pas lu beaucoup sur le féminisme. C’est vraiment en m’intéressant à ma mère et à son vécu que j’ai ressenti un truc dans mes tripes. J’ai commencé à lire des ouvrages, sur l’histoire du cinéma du point de vue féminin, des podcasts qui déconstruisent la masculinité comme ceux de Victoire Tuaillon… ça a nourri ma réflexion en parallèle à la création de ce film. Je dirais que mon féminisme n’est pas un engagement militant au quotidien, mais plutôt un regard sur les petits détails de la vie ordinaire. Là où moi, à ma petite échelle, je peux interroger tous ces rapports de domination, toutes ces injustices.

C’est important de montrer des histoires "banales", parce que c’est aussi un geste politique : dire voilà, c’est une vie comme une autre, il y en a plein partout, et ça vaut autant que la vie de quelqu’un qui a eu un trajet extraordinaire. Les joies et les difficultés de ma mère sont aussi importantes que celle d’une héroïne. Tu peux toucher à du politique en restant sur des choses très intimes.

C’était important de pouvoir lui dire : maman, maintenant je te vois, je te comprends


© Dérives
Et votre mère alors, comment a-t-elle reçu le film ?

Je lui ai posé la question : "Maman au fond, est-ce que tu regrettes ?" Elle m’a dit, "Mais enfin Faustine, évidemment que non. Mais il faut dire ce qui est : faire des enfants, c’est un tsunami. Ça a bouleversé ma vie. Mais je suis fière de qui vous êtes, jamais je ne regretterai.’’ Et c’est aussi ce qui m’a fait tenir, pour faire ce film, durant toutes ces années. Je voyais qu’elle était invisibilisée, que tous ses sacrifices elle les a faits par amour, et quelque part, ils se sont retournés contre elle. Je voulais aussi pouvoir lui dire "Maman, maintenant, je te vois, je te comprends." C’était hyper important de pouvoir lui faire ce cadeau d’amour. Elle l’a pris comme ça. Elle m’a dit "Maintenant, tu me vois".

Une vie comme une autre de Faustine Cros. En salles ce mercredi 26 avril.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be.

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/faustine-cros-a-travers-ma-mere-le-film-questionne-la-maternite-dans-notre-societe-11189004

Voir les commentaires

"Pas d'enfant pour la vie" : le choix des Japonaises

15 Avril 2023, 23:35pm

Publié par hugo

 "Pas d'enfant pour la vie" : le choix des Japonaises
©<a href="https://pxhere.com/fr/photo/343373">flickr</a>
©flickr
12 AVR 2023
 Mise à jour 12.04.2023 à 08:32 par 
TerriennesLiliane Charrier
 
avec afp
La lutte contre la chute de la natalité est une priorité pour le Japon, mais les femmes ont peu voix au chapitre sur ce sujet. C'est donc sur les réseaux sociaux qu'elles se tournent pour se faire entendre, rassemblées sous le mot-dièse "pas d'enfants pour la vie".

En 2022, l'archipel nippon recensait moins de 800 000 naissances. Jamais la natalité n'avait été aussi faible depuis l'établissement des statistiques, en 1899. Beaucoup de pays industrialisés enregistrent un faible taux de natalité, mais le problème est particulièrement aigu au Japon, qui a la deuxième population la plus âgée au monde après Monaco, et connaît une pénurie croissante de main-d'oeuvre, en raison, également, de strictes règles d'immigration.

Le fonctionnement du pays menacé ?
En janvier 2023, le Premier ministre Fumio Kishida alertait face à cette tendance qui, dit-il, menace la capacité du Japon "à fonctionner en tant que société". Le Premier ministre a promis des aides financières pour les familles, un accès plus facile aux services de garde d'enfants et plus de congés parentaux.

Avant, je croyais qu'avoir des enfants était la chose 'normale' à faire.
Tomoko Okada, 47 ans

Depuis, d'innombrables articles sur la question ont été publiés. L'un d'entre eux, notant que le Japon a le plus fort taux de femmes de plus de 50 ans sans enfant dans l'OCDE, a déclenché des torrents de commentaires en ligne sous le mot-dièse "sans enfant pour la vie". 

Le Premier ministre japonais Fumio Kishida devant le Parlement, le 23 janvier 2023, à Tokyo. Environnement, sécurité, mais aussi reprise des naissances étaient à l'ordre du jour afin que le pays puisse rester une grande puissance. 
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida devant le Parlement, le 23 janvier 2023, à Tokyo. Environnement, sécurité, mais aussi reprise des naissances étaient à l'ordre du jour afin que le pays puisse rester une grande puissance. 
©AP Photo/Eugene Hoshiko
Être mère : la normalité ?
Au départ, Tomoko Okada redoutait de lire sur les réseaux sociaux les habituelles critiques envers les femmes sans enfant, mais elle a finalement découvert avec plaisir des discussions nuancées et empathiques. Les femmes expliquent pourquoi elles n'ont pas pu, ou voulu, être mères. "Avant, je croyais qu'avoir des enfants était la chose 'normale' à faire", explique cette écrivaine de 47 ans.

Par le passé, elle s'est inscrite, sans succès, sur des sites de rencontre dans l'espoir de trouver un partenaire. Elle a fait l'amère expérience de se sentir coupable quand son père lui a demandé un petit-enfant le jour de la fête des pères. Mais partager son expérience avec d'autres lui a fait réaliser que son "mode de vie était aussi acceptable", se félicite-t-elle.

Deux femmes sur des vélos électriques font une pause pour admirer la vue près du pont Tatara sur l'île d'Ikuchijima à Hiroshima, dans l'ouest du Japon, le 20 janvier 2023. 
Deux femmes sur des vélos électriques font une pause pour admirer la vue près du pont Tatara sur l'île d'Ikuchijima à Hiroshima, dans l'ouest du Japon, le 20 janvier 2023. 
©Toru Hanai/AP Content Services for Hiroshima Tourism Association
N'accusez pas les femmes !
Mais alors que le Japon compte seulement deux femmes dans son gouvernement et plus de 90% d'hommes à la chambre basse de son Parlement, beaucoup se sentent mises à l'écart du débat public, voire attaquées. "N'accusez pas les femmes du faible taux de natalité", tweete Ayako, une Tokyoïte de 38 ans sans enfant qui plaide en ligne pour la reconnaissance de "différents choix" de vie. À ses yeux, la répartition traditionnelle des rôles au Japon est au coeur du problème, alors que selon une étude du gouvernement en 2021, les Japonaises consacrent quatre fois plus de temps aux enfants et aux tâches ménagères que les hommes, pourtant de plus en plus nombreux à télétravailler.

J'ai l'impression que les femmes sont très critiquées lorsqu'elles expriment leurs opinions.

Ayako, 30 ans

Si elle n'hésite pas à s'exprimer sur internet, Ayako se sent "mise à l'écart" lorsqu'elle aborde ces questions dans la vie réelle : "J'ai l'impression que les femmes sont très critiquées lorsqu'elles expriment leurs opinions", regrette cette trentenaire qui préfère ne donner que son prénom.

Pour Yuiko Fujita, professeure d'études de genre à l'université Meiji, les réseaux sociaux sont un moyen pour les femmes de discuter de politique et de questions de société sans craintes, souvent sous couvert d'anonymat. Des mots-dièse s'indignant que les mères s'occupent seules des enfants ou se plaignant de demandes d'inscription en crèche rejetées sont aussi devenus viraux sur Twitter, mais cela n'a eu que peu d'impact hors de cette "chambre d'écho" en ligne, souligne-t-elle.


Les raisons de la décroissance
Les experts pointent de multiples causes au problème complexe de la baisse de natalité au Japon, dont sa rigide structure familiale. Seules 2,4% des naissances du pays ont ainsi lieu hors mariage, le plus faible taux parmi les pays de l'OCDE. D'autres pointent les conditions économiques, estimant que la faible croissance du pays décourage les couples d'avoir des enfants.

Des actions concrètes pour permettre un meilleur accès aux services de garde d'enfants peuvent contribuer à stimuler les taux de natalité, mais de manière souvent "temporaire", note Takumi Fujinami du Japan Research Institute. Selon lui, outre une meilleure répartition des tâches ménagères, "la stabilité économique à long terme et l'augmentation des salaires sont primordiales" pour inverser la tendance.

La ministre japonaise de l'Egalité des sexes, Seiko Noda, illustre la situation en 1955 et 2020, le 26 juillet 2022, à Tokyo. Elle qualifie de crise nationale la baisse record du nombre de naissances et la chute de la population, l'imputant à "l'indifférence et l'ignorance" d'un Parlement japonais dominé par les hommes. 
La ministre japonaise de l'Egalité des sexes, Seiko Noda, illustre la situation en 1955 et 2020, le 26 juillet 2022, à Tokyo. Elle qualifie de crise nationale la baisse record du nombre de naissances et la chute de la population, l'imputant à "l'indifférence et l'ignorance" d'un Parlement japonais dominé par les hommes. 
©AP Photo/Eugene Hoshiko
(Re)lire dans Terriennes : 

► #MeToo au Japon : une victoire contre l'oubli pour Shiori Ito
►​ Nouvelles féministes chinoises : "Ni homme, ni enfant"
► Stagiaires étrangères au Japon : pas le droit d'être enceintes
► Au Japon, des femmes victimes de stérilisation forcée témoignent
► Ne pas être mère, le choix d'une autre délivrance selon Chloé Chaudet

TerriennesLiliane Charrier
 
avec afp
 Mise à jour 12.04.2023 à 08:32
SUR LE MÊME THÈME


https://information.tv5monde.com/terriennes/pas-d-enfant-pour-la-vie-le-choix-des-japonaises-493435

Voir les commentaires

Baromètre des parents : 6 mamans sur 10 trouvent la période après l’accouchement difficile

2 Décembre 2022, 05:04am

Publié par hugo

 FAMILLE

Baromètre des parents : 6 mamans sur 10 trouvent la période après l’accouchement difficile
Finies les représentations parfaites de la maternité, la Ligue des familles veut briser le tabou sur le post-partum.
© Getty images

26 nov. 2022 à 07:00 - mise à jour 28 nov. 2022 à 16:17

Temps de lecture
6 min
Par Marie-Laure Mathot
Famille
Belgique
Les Grenades
Info
Santé & Bien-être
Accueil
Vie pratique
Maternité
Famille
Naissance
PARTAGER


Tu n’as pas le temps de manger, de te changer, de te laver et ça c’était assez choquant. Personne ne m’a dit." Les premières semaines après une naissance sont bouleversantes pour les parents mais en particulier pour la mère qui se retrouve, après les 15 jours de congé légaux de son/sa partenaire si elle est en couple, seule en journée pour s’occuper de ce nouvel être humain et pour se remettre physiquement de l’accouchement.

Solitude, culpabilité, convalescence et surtout manque d’informations sur cette période… 62% des mères ont trouvé les premières semaines après l’accouchement difficile. Seule une maman sur dix a trouvé cette période facile. C’est ce qu’il ressort du dernier Baromètre des parents de la Ligue des familles (réalisé avec l’institut de sondage Ipsos).


"Ce qu’elles ont mal vécu, c’est qu’elles n’étaient pas au courant de ce qui allait leur arriver", explique Lola Galer, chargée d’étude et d’action politique à la Ligue des familles. "Elles n’étaient pas au courant de l’existence-même du post-partum. Elles sont préparées à l’accouchement, ce qui est nécessaire. Mais tout ce qu’il se passe après la naissance, elles ne sont pas au courant."

Les femmes tombent des nues car elles ne ressentent pas un bonheur absolu

"Or, ce n’est pas rien. Il peut y avoir des lochies, des tranchées, des pertes de sang, des difficultés liées à l’allaitement, des montagnes russes au niveau hormonal. Mais comme la maternité est complètement encensée et liée au bonheur absolu, les femmes tombent des nues car elles ne ressentent pas exactement ce que la société leur dit qu’elles devraient ressentir, c’est-à-dire, être dans un bonheur absolu avec leur enfant en ayant récupéré leur corps d’avant."

Briser le tabou autour du post-partum, c’est tout l’objet de la campagne lancée la Ligue des familles en même temps que la sortie de cette étude. L’association parentale emboîte ainsi le pas à des militantes féministes qui avaient lancé le hashtag #monpostpartum au moment de la cérémonie des Oscars 2020. Une publicité pour des produits en lien avec le post-partum avait à l’époque été censurée sur une chaîne américaine car jugée trop dure.


Illana Weizman, sociologue française et militante féministe avait alors publié un post Instagram avec une photo d’elle en culotte filet, cet objet dont on ignore l’existence avant d’avoir accouché et symbole du tabou autour de cette période. "Si on parlait davantage de ces sujets, si on ne les invisibilisait pas de façon systématique, les mères se sentiraient moins isolées, moins démunies", commente-t-elle.


La publication est "likée" presque 4000 fois et le hashtag compte aujourd’hui 23.566 publications reprenant messages de soutien, conseils et témoignages autour du post-partum.

Le post-partum, c’est quoi ?
Suite à cette demande d’informations, Illana Weizman a publié un livre pour lever le voile sur cette période (Ceci est notre post-partum, éd. Marabout). Elle y décrit le post-partum comme pouvant durer de trois mois à deux ans et elle y décrit les symptômes physiques et psychiques.


À lire aussi
Le post-partum, cette période de grande vulnérabilité des femmes

Sur le plan physique d’abord, c’est tout le corps de la maman qui a accouché qui doit se remettre d’une épreuve comparable à "avoir été renversée par un camion". "Le corps de la femme post-accouchement est littéralement en convalescence", explique-t-elle. Elle énumère les symptômes physiques :

Les lochies : ce sont des pertes de sang qui proviennent de la cicatrisation de la plaie du placenta laissée sur la paroi utérine. C’est pour cela que les femmes portent des langes ou "culottes filets" comme Illana Weizman sur son post Instagram.
Cicatrisation : une femme sur cinq a vécu une épisiotomie lors de son accouchement selon une étude de la Plateforme pour une naissance respectée. Cette incision dans le bas du vagin pour faire sortir le bébé plus facilement, sans déchirure doit prendre le temps de cicatriser et peut être douloureuse au moment d’uriner.
Les contractions ou "tranchées" : c’est le corps qui travaille pour remettre tout en place : l’utérus doit reprendre sa taille "normale".
L’inconfort périnéal : on parle souvent des exercices du périnée après la naissance. C’est justement pour éviter les pesanteurs dans le bas-ventre avec cette sensation d’un plancher pelvien affaibli, ce qui provoque aussi des fuites urinaires.
Montées de lait : même si la maman n’a pas décidé d’allaiter, sa poitrine va se gonfler et les seins devenir plus sensibles.
Baisse de libido : en lien avec cette montée de lait, la maman va produire une hormone appelée prolactine et qui diminue le désir.
Épuisement physique : porter son bébé quand on a un corps en convalescence peut provoquer des maux de dos. S’occuper de son enfant non-stop, une fatigue latente.
Hémorroïdes : c’est tout le bas du corps qui a été mis sous pression au moment de la poussée, ce qui peut provoquer des petites varices au niveau de l’anus.
"Je dirais qu’il y a deux volets dans le post-partum", explique Justine, une maman d’un petit de huit mois. "Il y a tout ce qui est physique mais il y a aussi le psychique et ça, ça peut durer beaucoup plus longtemps. Être beaucoup plus insidieux."

On ne comprend pas du tout ce qui nous arrive

Les hormones jouent en effet des montagnes russes pendant cette période. Si elles permettent l’attachement au bébé, elles vont aussi plonger la maman dans des bains de larmes. Larmes de tristesse comme de joie. "On ne comprend pas du tout ce qui nous arrive", témoigne Justine.

Et c’est exactement ce que la Ligue des familles fait ressortir dans son étude. "Il vaut mieux savoir d’une manière ou d’une autre que ça peut être difficile que penser qu’on va être transcendées par le bonheur maternel et qu’on va retrouver son corps d’avant quelques semaines après l’accouchement", explique Lola Galer. Voilà pourquoi la Ligue des familles plaide pour une prise en charge complète du post-partum et une préparation avant la naissance.

"Le post-partum ne se prépare pas une fois qu’on est dedans car on n’est pas en état. À côté des préparations à la naissance, il faudrait des préparations au post-partum pour savoir ce qui peut arriver. Que la mère le sache mais aussi que le partenaire soit au courant et puisse être soutenant. Une fois que la société comprendra de quoi il s’agit, alors, elle sera plus soutenante."

Les soutiens possibles en post-partum
Il existe déjà des soutiens aujourd’hui pour les nouveaux parents en Belgique. À commencer par un congé de naissance pour les partenaires de 15 jours qui passera à 20 jours en 2023, soit un mois. "Mais 15 ou 20 jours, c’est malheureusement insuffisant pour soutenir les femmes et les sortir de l’isolement", réagit Lola Galer. "Il est illusoire de penser que les femmes peuvent se remettre de leur accouchement alors que le père ou le coparent n’est là que trois semaines. Un meilleur vécu du post-partum passe par une égalité entre les deux parents."

Autre soutien possible, en Belgique francophone, 17 visites d’une sage-femme sont programmables jusqu’à un an après l’accouchement. C’est un suivi médical totalement remboursé même s’il n’est pas toujours activé par manque d’informations.


De plus, comme on peut le voir sur ce graphique, "le remboursement des sages-femmes varie en fonction des jours de prestation ce qui engendre moins de visites après le 6e jour post-partum car ce n’est plus assez rentable. Or, si on est en dépression post-partum, ça arrive plus tard et là, il n’y a plus personne", commente la chargée d’études de la Ligue des familles.

Il existe aussi des visites gratuites auprès d’un service de l’ONE (Office de la naissance et de l’enfance) qui sont surtout axées sur l’enfant et où il est possible de poser toutes ses questions. Enfin, les mutuelles proposent des aides ménagères via le système de titre-service. Si ce n’est pas totalement gratuit, le prix est plus abordable.

Une paire de mains en plus dans le ménage. C’est ce qu’il nous faut

Mais pour Lola Galer qui parle au nom de la Ligue des familles, ce suivi n’est pas assez global car il ne prend pas en compte les volets sociaux et psychologiques des parents. L’aide ménagère n’est en effet aucunement formée au post-partum et la sage-femme se penche surtout sur le volet médical.

Une "kraamzorg", comme en Flandre
"Il faudrait un suivi en Wallonie et pour les francophones de Bruxelles qui soit similaire à la 'kraamzorg' en Flandre." Ce service gratuit qui concerne donc la moitié de la Belgique mais qui existe aussi aux Pays-Bas permet d’avoir une aide pendant la période qui suit l’accouchement. Et elle n’est pas que médicale. La personne qui vient aider la famille toute la journée s’occupe du bébé mais aussi de la maman.

"Cette assistante maternelle est formée aux enjeux du post-partum. Elle existe en Flandre mais pas en Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui est assez interpellant", pour Lola Galer. "C’est une paire de mains en plus dans le ménage, pour s’occuper des enfants plus âgés et des trajets vers l’école, donner le bain au bébé, s’en occuper pendant que la maman fait une sieste. Et ces visites viennent en sus des visites de la sage-femme. C’est ce qu’il nous faut."

Selon le Baromètre des parents 2022, 45% des femmes disent avoir besoin d’une aide ménagère pendant les semaines qui suivent l’accouchement. Pour voir les autres besoins énoncés par les mères en plus grand que le graphique ci-dessous, cliquez sur ce lien.


PARTAGER
SUR LE MÊME SUJET


https://www.rtbf.be/article/barometre-des-parents-6-mamans-sur-10-trouvent-la-periode-apres-laccouchement-difficile-11111471

Voir les commentaires

In Michèle Warnimont We Trust, des maternités bienveillantes et féministes

2 Décembre 2022, 04:54am

Publié par hugo

 In Michèle Warnimont We Trust, des maternités bienveillantes et féministes

© © Tous droits réservés

26 nov. 2022 à 12:13

Temps de lecture
6 min
Par Jehanne Bergé pour les Grenades
Les Grenades
Vivre ici - Gens d'ici
Sage-femme
Maternité
Accouchement
Hôpital
CP1000
PARTAGER


Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Aujourd’hui, direction l’hôpital Erasme où nous retrouvons Michèle Warnimont, sage-femme responsable du Cocon, une maternité qui invite à accoucher "comme à la maison".

Hôpital Érasme, quatrième étage, derrière une porte vitrée, un panneau auquel sont accrochés une multitude de faireparts. Dans la salle d’accueil du Cocon, Michèle Warnimont salue les parents et futurs parents qui se rendent à leur consultation.

Un couple entre dans la pièce : "Là, j’ai une contraction environ toutes les cinq minutes, je ne sais pas si ça vaut la peine qu’on retourne chez nous ou si c’est mieux qu’on reste ici, qu’est-ce que tu en penses Michèle ?" "Moi je n’en pense rien, je crois que c’est vous qui devez sentir ce qui est juste pour vous ", indique la sage-femme.

Après réflexions, le couple s’installe dans l’une des deux chambres du service qui lui est réservé. Un lit double, des étoiles au plafond, une baignoire, des suspensions en tissu, des petits mots qui donnent du courage…. Ici tout est conçu pour se sentir chez soi, et organiser un accouchement selon les besoins physiologiques. Pour Les Grenades, la responsable des lieux revient sur son propre parcours et la genèse de cette maison de naissance intra-hospitalière exemplaire.


© Tous droits réservés
Curiosité pour la sexualité et la naissance
Née à Bruxelles en 1959, Michèle Warnimont grandit dans une famille comptant des frères et sœur plus âgé·es. Durant les repas, enfant, elle suit les discussions des adultes, notamment le suivi de grossesse de ses belles-sœurs. "J’ai le souvenir très précis qu’elles avaient laissé trainer le livre ‘J’attends un enfant’de Laurence Pernoud. Comme on m’interdisait de rentrer dans ce mystère de la procréation, de la sexualité, évidemment je me suis empressée d’ouvrir le bouquin…"

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Cette curiosité ne la quitte plus. À l’issue de ses secondaires, elle se lance dans des études d’infirmière et se spécialise en tant que sage-femme. Très vite, pendant ses stages, elle est rattrapée par la réalité de terrain. "On ne peut plus imaginer aujourd’hui comment on travaillait à l’époque… On séparait les nouveau-nés de leur mère, on les enveloppait dans du papier aluminium ; les pratiques étaient très intrusives…"

Une fois diplômée, en 1981, elle entre dans une maternité privée. "Dès la fin des années 70, le gynécologue Frédérick Leboyer a commencé à défendre des naissances sans violence. Dans son service, on accueillait les bébés dans la pénombre, la douceur. Dans ma pratique, je voulais aussi interroger ce nouveau regard."


© Tous droits réservés
Repenser l’accouchement
Après neuf ans, elle quitte la maternité et part travailler aux soins intensifs adultes à l’hôpital Saint-Pierre pendant cinq ans avant de rentrer au service hémodialyse (soin qui consiste à épurer le sang du ou de la patient·e à l’aide d’un rein artificiel) à Erasme.

Dans le courant des années 2000, au sein de l’hôpital universitaire de l’ULB, à l’étage des salles d’accouchement, les idées fusent. "La responsable du service avec qui j’avais suivi mes études souhaitait repenser l’accouchement, le rendre moins technique, puisque pour la majorité des femmes qui accouchent à l’hôpital, il n’y a pas de complication." Michèle Warnimont décide de rejoindre l’aventure et retourne à sa vocation de prédilection. "Je me rendais compte qu’à force d’utiliser la technique, en tant que soignant·e, on finissait par regarder la machine et plus les gens…"

En parallèle, les théories pour une naissance respectée du chirurgien Michel Odent commencent à gagner du terrain. "Il a beaucoup étudié la physiologie de la naissance, il a observé les animaux, l’influence des hormones, notamment, la sécrétion de l’endorphine et de l’ocytocine, sur le corps des femmes. Il s’est passionné pour la mise au monde et a milité pour une autre manière d’accoucher." Sa pensée inspire l’équipe d’Erasme.

Michèle Warnimont avec Michel Odent.
Michèle Warnimont avec Michel Odent. © Tous droits réservés
L’humain avant tout
Lors de cette grande remise en question au cœur des murs de l’hôpital, Michèle Warnimont entend bien se concentrer sur les mères, et le respect dans les soins qui leur sont prodigués. Pour aller plus loin, elle se forme à la physiologie de l’accouchement. "Je me souviens nous étions une quinzaine de sages-femmes, mais j’étais la seule sage-femme hospitalière, toutes les autres travaillaient à domicile. J’étais décidée à changer les choses de l’intérieur, car l’immense majorité des femmes accouchent à l’hôpital."

Je me rendais compte qu’à force d’utiliser la technique, en tant que soignant·e, on finissait par regarder la machine et plus les gens…

Elle s’intéresse alors à des modèles étrangers et découvre les maisons de naissance intra-hospitalière. Les gynécologues du service souhaitent également implémenter cette formule ; petit à petit, le Cocon prend forme et ouvre ses portes en 2014. "C’était quand même challengeant. On avait vraiment l’habitude de schémas, de tout formater. Les soins humanistes requièrent du temps et du personnel. Nous avons mené une étude pour démontrer l’intérêt de ces méthodes en termes de santé. En comparant des populations à risques égales, nous avons remarqué qu’il y a deux fois moins de césariennes et d’épisiotomies avec des mères et bébés en bonne santé dans une structure comme la nôtre que dans une structure classique au sein du même hôpital."

À lire aussi
Une enquête révèle la réalité des violences obstétricales en Belgique : "L’arrivée de ma fille n’est pas un beau moment"

Prendre le temps de l’accompagnement
Ici, les sages-femmes travaillent en autonomie, mais restent en lien avec le personnel médical. Parmi l’une de ses particularités, le Cocon ne pratique pas la péridurale, mais propose des méthodes non médicamenteuses de gestion de la douleur. Évidemment, à la moindre complication, la maternité "plus classique" qui juxtapose le Cocon peut prendre le relais.

"Nous observons que ce qui attire beaucoup de futur·es parents, c’est le suivi, le besoin de rencontrer des professionnelles qui ont le temps de les écouter dans la bienveillance, le non-jugement." En effet, Michèle Warnimont dénonce le système de soin de certaines structures qui pousse à la violence. "Comment avoir le temps d’écouter une femme quand on a que dix minutes de consultation ? C’est impossible et je ne parle même pas du coparent ou de l’accompagnant·e ! Ici, nous travaillons beaucoup sur la place du coparent, pour nous c’est un partenaire de soin."

L’équipe œuvre dans une vision transversale du soin où chacun·e apporte son regard, en partant du principe que ce sont les personnes qui se connaissent le mieux et qui sont le plus à même de savoir ce qui est bon pour elles. Pour ce faire, les patient·es s’engagent à donner leur consentement éclairé. "Ce qui marchera pour une femme va se manifester complètement différemment pour une autre. Qui sommes-nous pour imposer ‘une norme’? Je me souviens d’un père qui avait dit ‘ici on contacte la magie de la naissance’, je trouve ça juste, c’est vrai qu’on se connecte à ce que signifie l’événement et la plus grosse difficulté pour nous est de rester centrées parce que la charge émotionnelle se révèle beaucoup plus importante qu’ailleurs."


© Tous droits réservés
Féminisme et maternité
Très engagée, Michèle Warnimont défend une vision féministe de la maternité, mais elle pointe un paradoxe dans certains mouvements féministes qui relègue les questions de naissance au second plan. "Certaines trouvent que le Cocon, c’est une régression, une remontée du catholicisme en mode ‘tu accoucheras dans la douleur’… Je crois que ce qui importe c’est que les femmes accouchent comme elles le souhaitent que ce soit avec péridural pour celles qui en veulent une, sans pour celles qui n’en veulent pas. La défense des droits des femmes, c’est ce qui est essentiel pour moi."

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Par ailleurs, notre interlocutrice est l’une des fondatrices et membres de la Plateforme une naissance respectée, un collectif regroupant des usagères, des professionnel·les de la santé, des associations féministes. Leur objectif ? Rappeler le droit des femmes à choisir les circonstances de leur accouchement dans l’intérêt des nouveau-nés, des mères et de leur partenaire. En 2021, la Plateforme a publié une enquête dont les résultats ont interpellé l’opinion : 1 femme sur 5 a été victime de violences gynécologiques et obstétricales.

"On sent que les mentalités évoluent, les choses bougent. Dans le monde médical, il y a une véritable curiosité. Erasme est un hôpital universitaire, notre projet commence à faire tache d’huile, nous recevons beaucoup de professionnel·les qui cherchent à implémenter d’autres systèmes dans leur service…. Mais ne nous réjouissons pas trop vite, certain·es nous fustigent aussi", conclut-elle en riant avant de s’en retourner auprès des futurs parents.

À lire aussi
L'accouchement à domicile mis à rude épreuve

Dans la série In… We Trust (Nous croyons en)
In Anne Francotte We Trust, briser les tabous autour des problèmes de grossesse
In Cécilia Ntelo-Wa-Leko We Trust, l’inclusion dès la petite enfance
In Angélique  de Lannoy We Trust, soulager les nœuds du corps
In Médiatrice Mujawamariya We Trust, des livres jeunesses qui enrichissent les représentations
In Astrid Genette We Trust, maman solo et maraîchère


https://www.rtbf.be/article/in-michele-warnimont-we-trust-des-maternites-bienveillantes-et-feministes-11111897

Voir les commentaires

Oui à la PMA pour toutes : la France adopte le projet de loi bioéthique , femmes, feminisme,

30 Juin 2021, 22:56pm

Publié par hugo

 Oui à la PMA pour toutes : la France adopte le projet de loi bioéthique
Selon une récente enquête d'opinion de l'institut Ifop, 67% des Français-es se prononcent en faveur de l'ouverture de la PMA (procréation médicale assistée) à toutes les femmes, célibataires, en couple, et/ou homosexuelles. 
Selon une récente enquête d'opinion de l'institut Ifop, 67% des Français-es se prononcent en faveur de l'ouverture de la PMA (procréation médicale assistée) à toutes les femmes, célibataires, en couple, et/ou homosexuelles. 
©Pixabay
07 JUIN 2021
 Mise à jour 29.06.2021 à 18:50 par 
TerriennesIsabelle Mourgere
 
avec AFP
Ultime étape d'un processus long de deux ans... Le projet de loi de bioéthique, dont la  mesure phare est l'ouverture de la PMA à toutes les femmes vient d'être définitivement adopté à l'Assemblée nationale. Promise par Emmanuel Macron, cette grande réforme de société devrait entrer en vigueur dès cet été.
Neuf ans d'attente pour des milliers de femmes, et pour beaucoup d'entre-elles, cela arrivera sans doute trop tard, mais pour les autres, cette loi sonne l'heure de tous les possibles. Si le président François Hollande a été le premier à en faire la promesse, Emmanuel Macron l'a fait: les couples de lesbiennes et les femmes seules vont désormais pouvoir accéder à la procréation assistée. Après une troisième lecture au début du mois de juin à l’Assemblée, puis au Sénat, le texte de loi Bioéthique a fait son ultime passage pour être définitivement adopté à l'Assemblée nationale ce mardi 29 juin et devrait être promulgué cet été. 326 députés ont voté pour, 115 contre et 42 ne se sont pas exprimés.
 
Ce texte ne satisfera pas tout le monde. Il sera jugé tantôt frileux, tantôt audacieux. Mais il sera jugé équilibré. C’est un texte ambitieux.

Adrien Taquet, secrétaire d'Etat à l'enfance et aux familles
"La PMA pour toutes les femmes était un engagement du président de la République", a rappelé le secrétaire d’Etat en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, "Ce texte ne satisfera pas tout le monde. Il sera jugé tantôt frileux, tantôt audacieux. Mais il sera jugé équilibré. C’est un texte ambitieux". Le projet de loi va terminer son processus législatif pour le moins long de deux ans et repasse devant les députés, qui pourront l’adopter définitivement.
 

"Le texte va arriver au bout de son examen" au Parlement en juillet et les textes d'application doivent "sortir très rapidement" afin que "les femmes qui attendent ce droit nouveau puissent en bénéficier le plus tôt possible", s'est engagé le ministre de la Santé Olivier Véran.


Fabien Joly, de l'association des familles homoparentales, pousse "un ouf de soulagement: cette loi va finalement être adoptée, les jeux sont faits". Il relève cependant "le risque d'avoir une pénurie de sperme" face à la demande, alors que le projet de loi prévoit une levée de l'anonymat des donneurs sous conditions. 

La PMA pour toutes s'inscrit dans un quinquennat de progrès : nous avons allongé le congé paternité, combattu les violences intrafamiliales.

Christophe Castaner, chef de file des députés LREM, dans le JDD
"D'autres pays ont connu une baisse des dons, mais seulement temporaire. Il faudra faire de la pédagogie, rassurer", reconnaît le chef de file des députés LREM Christophe Castaner. "La PMA pour toutes s'inscrit dans un quinquennat de progrès : nous avons allongé le congé paternité, combattu les violences intrafamiliales, assuré le versement par la CAF des pensions alimentaires impayées", vante-t-il dans le JDD.

Oui à la PMA pour toutes, pour 67% des Français-es 
Une enquête - intitulée Les Français, la PMA et le vote de la loi bioéthique - a été réalisée par l'Ifop pour l'Association des familles homoparentales. Elle révèle un consensus autour de cette mesure. 67% des Français sont favorables à son instauration dans le cas des couples de femmes, et la même statistique appuie l'ouverture du dispositif à l'avantage des femmes célibataires.

Dans le détail, il apparaît en juin 2021 que 63% des hommes et 70% des femmes soutiennent la PMA pour les couples de femmes. Les catégories de la population les plus enthousiastes sont les 18-24 ans (avec un taux de faveur de 84%), les employés (79%) et les ouvriers (78%).
 


Selon ce même sondage, l'approbation de la gestation pour autrui (GPA) est désormais majoritaire dans la population: 53% y sont ouverts pour les couples homosexuels. Et 66% des gens sont prêts à valider le principe de la mère porteuse pour accoucher des couples hétérosexuels. Plus largement, l'étude d'opinion montre l'évolution profonde du regard jeté sur l'homoparentalité.

Cela constitue un renversement majeur du prisme français autour de cette thématique, opéré en une trentaine d'années à peine. En janvier 1990,  24% seulement y étaient favorables, selon une autre enquête de l'Ifop. L'idée était cependant déjà devenue majoritaire en avril 2004, avec 51% de sondés partisans de la possibilité du recours à l'insémination pour les couples de femmes.
 


La Manif pour tous se remobilise
Mais l'opposition de droite n'a pas dit son dernier mot. Elle a déposé près des deux tiers des 1.550 amendements. "L'exécutif fait preuve d'une absence catastrophique de sens des priorités et des responsabilités" au regard notamment de la crise sanitaire, estiment quelque 80 parlementaires LR dans une tribune récente à La Croix. Ces élus, dont les députés en première ligne Patrick Hetzel et Xavier Breton, ainsi que le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, jugent que "le gouvernement veut passer en force sur le projet de loi bioéthique". Ils suggèrent de laisser plutôt "place à un vrai débat démocratique en 2022".

"Dans ce contexte, le gouvernement, au lieu de retirer le texte, vient de décider d’une troisième lecture dans les deux chambres. Comme cela ne permettra pas de parvenir à un texte commun, tant le clivage est profond, il sait pertinemment que c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Autant dire que la majorité présidentielle aura alors les mains libres, faisant fi du travail du Sénat, de l’opposition de nombreux députés aux mesures les plus clivantes et des conclusions des États généraux de la bioéthique organisés en 2018", écrivent ces députés dans leur tribune.

Malgré cet appel des anti, les députés de la commission spéciale ont adopté le 1er juin, en troisième lecture, le projet de loi relatif à la bioéthique.


Quant à la Manif pour tous, vent debout contre l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, elle appelle à manifester aux abords du Palais Bourbon au nom de "l'égalité des droits pour tous les enfants, à commencer par celui d'avoir un père et une mère".

Le sondage Ifop montre que les segments de la population les plus défavorables à la PMA pour les couples de femmes se situent notamment du côté des 65 ans et plus. 49% de cette partie du panel désapprouvent, comme 50% des artisans et des commerçants. La scène religieuse est très contrastée: 61% des musulmans et 56% des protestants déclarent leur opposition mais 55% des catholiques pratiquants soutiennent cette mesure.


Une attente qui se prolonge pour des milliers de femmes
Le projet de loi a entamé son parcours parlementaire à l'automne 2019. Pour cette nouvelle lecture, les temps de parole des groupes politiques seront limités au total à douze heures et demie, pendant cinq jours.

Il y a un an, le Sénat dominé par la droite avait voté le projet de loi avec sa mesure d'ouverture de la PMA, excluant toutefois la prise en charge par la Sécurité sociale. Mais en deuxième lecture en début d'année, les sénateurs ont adopté dans la confusion le texte amputé de cette mesure emblématique. Députés et sénateurs ne sont pas parvenus à un texte de compromis, d'où cette dernière navette, avec ensuite un examen au Sénat le 24 juin et in fine le dernier mot pour l'Assemblée.

Outre l'ouverture de la PMA, le projet gouvernemental prévoit une délicate réforme de la filiation et de l'accès aux origines, et aborde nombre de sujets complexes comme l'autoconservation des ovocytes ou la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Lors du tour de chauffe en commission spéciale la semaine dernière, les députés ont rétabli leur version et supprimé les ajouts du Sénat comme la mention qu'"il n'existe pas de droit à l'enfant".
 


Une nouvelle fois, a ressurgi le débat sur la GPA (gestation pour autrui c'est-à-dire par mère porteuse), interdite en France. Les élus LR ont dénoncé une "duplicité" de la majorité, du fait notamment de la reconnaissance possible de la filiation des enfants nés par GPA à l'étranger, que les députés ont gravée dans le projet de loi en deuxième lecture pour unifier les décisions de justice sur la question.

Toujours selon la même enquête Ifop, le recours des couples hétérosexuels à des mères porteuses est acceptée pour 66% des Français-es, 34% s'y opposent. 62% des hommes s'engagent en ce sens, et 70% des femmes. Quand il s'agit de la GPA à destination des couples homosexuels, 53% se disent pour, 47% contre. 52% des hommes y sont opposés, alors que 59% des femmes y sont favorables.


>Cliquez ici pour retrouvez tous les résultats de l'enquête Ifop 

Sur le même sujet dans Terriennes:
>En France, le projet de loi bioéthique et PMA à l'examen
>PMA pour toutes : la France dit oui, ou presque
>PMA pour toutes : le projet de loi sur la bioéthique passe en Conseil des ministres
>Ce qu'il faut savoir sur la PMA et la GPA
>La PMA procréation médicalement assistée pour toutes, nouvelle pomme de discorde en France
>OGM / bébés PMA, même combat : nouvelle campagne et nouvelle polémique pour la Manif pour tous
TerriennesIsabelle Mourgere
 
avec AFP
 Mise à jour 29.06.2021 à 18:50
SUR LE MÊME THÈME


https://information.tv5monde.com/terriennes/derniere-ligne-droite-pour-la-loi-bioethique-et-la-pma-pour-toutes-en-france-411833

Voir les commentaires

"Devenir mère" : psychanalyse de la maternité , femmes, feminisme,

28 Décembre 2020, 05:47am

Publié par hugo

 TERRIENNES
La maternité dans tous ses états
"Devenir mère" : psychanalyse de la maternité
<em>La maternité</em>, Pablo Picasso (1905)
La maternité, Pablo Picasso (1905)
24 DÉC 2020
 Mise à jour 24.12.2020 à 10:49 par 
Terriennes
 
Avec nos partenaires suisses Le Temps (Marie-Pierre Genecand)
Nettement moins dangereux et douloureux qu’avant, l’accouchement reste un grand bouleversement, dont les aspects psychiques et psychologiques, souvent, passent au second plan. Dans son livre Devenir mère, la psychiatre Monique Bydlowski, spécialiste des questions autour de la naissance de l'enfant, aborde tous les grands thèmes qui sont au cœur de son travail depuis plus de quarante ans.
Chaise d'accouchement (Musée alsacien)
Chaise d'accouchement (Musée alsacien)
© Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons
Longtemps, l’accouchement a été l’affaire des femmes. Apparue dans l’Antiquité et ancêtre du toujours actuel fauteuil d’accouchement, la chaise obstétricale reproduit "cette tradition d’enfanter entre des genoux féminins", avec ses bras en bois et son assise percée. Dans cet esprit de sororité, les premiers gynécologues de la Renaissance doivent opérer à l’aveugle, sous un drap "tendu du col du médecin à la taille de la patiente". Et quand, en 1676, ils peuvent accéder à l’entrejambe des parturientes, il leur est demandé "d’être fort négligés afin de ne donner aucune jalousie aux maris".
Comme Joseph devant la crèche
Aujourd’hui, médecins et futurs pères sont associés sans réserve à cette étape cruciale, note Monique Bydlowski dans Devenir mère - à l'ombre de la mémoire non consciente, un ouvrage paru chez Odile Jacob. Mais le refoulement est toujours à l’œuvre et de nombreux pères se retrouvent comme Joseph devant la crèche : "Un peu en exil. Il comprend que Marie et Joseph sont séparés pour toujours par cet incendie de clarté. Il ne sait que dire de lui-même. Il adore et est heureux d’adorer", illustre la psychiatre, citant Bariona ou le Fils du tonnerre, un conte de Noël écrit par Jean-Paul Sartre.
"Psychiquement transparente"
Monique Bydlowski a travaillé trente ans à la maternité de l’Hôpital Antoine-Béclère, en région parisienne. Son rôle ? Observer et écouter les mères, depuis les consultations périnatales jusqu’aux lendemains de couches, en passant par la naissance. "Comme l’avait compris le chef de service, pour un travail fécond, aucun lieu ne m’était interdit." C’est que, souvent, l’accent est mis sur le côté physiologique de l’accouchement et le bien-être du bébé. Or, assure la spécialiste, la femme enceinte est "psychiquement transparente". Des réminiscences du passé et des fantasmes habituellement tenus secrets viennent aisément à sa mémoire.

Il suffit parfois de restaurer l’enfant que la future mère a été en exhumant un conflit intrafamilial ancien pour dédramatiser une situation à peu de frais.

Monique Bydlowski, psychiatre et directrice de recherche à l'Inserm​

<em>Madone</em> de Boticelli (XVe siècle).
Madone de Boticelli (XVe siècle).
Une transparence dont témoignent les Madones de la Renaissance, poursuit la psychiatre. "Souvent, ces Madones affichent un regard oblique : leurs yeux sont tournés vers l’intérieur d’elles-mêmes et non vers l’enfant." L’avantage de cet état de transparence ? Etre propice aux réglages ou autres réparations psychologiques. En tant que "crise maturative", la grossesse est comparable à l’adolescence et "il suffit parfois de restaurer l’enfant que la future mère a été en exhumant un conflit intrafamilial ancien pour dédramatiser une situation à peu de frais".

Ce qui n’est pas du luxe, car, en se redressant, l’être humain a rendu l’accouchement plus douloureux sur le plan physiologique et plus compliqué sur le plan psychique. Le physique, tout d’abord. Chez les animaux, le fœtus s’étire transversalement et le travail de naissance ne rencontre pas d’obstacles mécaniques, détaille la spécialiste. A l’inverse, chez l’être humain, "la forme ovoïde de l’utérus et le fait que le fœtus doit tourner la tête la première et franchir un détroit osseux resserré" rend la délivrance plus douloureuse et plus périlleuse. Voilà pourquoi, jusqu’au milieu du XIXe siècle, et même au début du XXe, la mort hante chaque accouchement. Aujourd’hui, dans les pays développés, le taux de mortalité est de moins de 0,3% et tout est tenté, normalement, pour réduire les douleurs à néant.

Expérience existentielle
"Mais ces progrès n’ont pas fait disparaître l’angoisse", note la psychanalyste. Qui ajoute, avec acuité, que, "lors de l’accouchement, la femme fait une expérience existentielle inconcevable : sa volonté est anéantie, son corps prend les commandes et s’ouvre malgré elle". Pas étonnant que ce moment soit souvent sexualisé, puisque, outre le rapprochement anatomique de ces deux expériences, dans la naissance, comme dans la jouissance, le corps impose sa loi à l’esprit.

Etre parent pour la première fois implique de renoncer à sa propre position d’enfant, d’en finir avec l’idéalisation parentale et de reléguer père et mère dans la catégorie des vieux.

Monique Bydlowski, psychiatre et directrice de recherche à l'Inserm

Un autre élément psychique propre à toute naissance ? La rocade de génération. "Etre parent pour la première fois implique de renoncer à sa propre position d’enfant, d’en finir avec l’idéalisation parentale et de reléguer père et mère dans la catégorie des vieux", sanctionne la psychiatre. Or, constate-t-elle, ce mouvement n’est pas simple dans notre société qui célèbre la presque éternelle jeunesse des seniors. Et il n’est possible que si le jeune parent s’identifie "de manière positive à ses propres parents", d’où la nécessité des réglages évoqués plus haut.

A cet égard, la psychiatre se penche spécifiquement sur les liens entre la mère et ses parents. Déjà, dit la spécialiste, reprenant la doxa freudienne, "il n’y a pas de désir d’enfant chez une femme hors du désir incestueux". D’après le fondateur de la psychanalyse, "toute grossesse indique le désir d’obtenir du père le pénis dont la fille a été privée". Et, poursuit l’auteure, ce désir est partagé par le père lors de la première gestation de sa fille, avec, pour conséquence, des manifestations physiques, de "maladie, voire de décès" quand le lien n’est pas sain.

Un enfant pour régler ses comptes
Plus facile à imaginer, "lorsqu’elle enfante une femme rencontre sa propre mère et la prolonge, tout en se différenciant d’elle", poursuit la psychanalyste. "On a ainsi pu dire que les femmes qui détestent leur mère n’ont pas d’enfant, la haine ne permettant pas de s’inscrire dans la continuité." A l’inverse, le besoin d’identification explique qu’une confiance éphémère s’établisse entre mère et fille, même si "d’intenses conflits ont marqué la relation jusqu’à cette date". C’est que, à travers le premier enfant, "une femme règle sa dette de vie à l’égard de sa propre mère et de la Terre-Mère".

Charade
<em>Devenir mère </em>(Odile Jacob)
Devenir mère (Odile Jacob)
Toutes ces données sur l’inconscient permettent à Monique Bydlowski de proposer cette charade psychanalytique en guise de cadeau de Noël. Mon premier, dit-elle, est l’identification à la mère fiable des débuts de la vie. Il s’agit pour la future parturiente de retrouver "l’amour pour sa mère, fontaine de tendresse". Mon deuxième consiste à recevoir, comme elle, un enfant de son père. "L’amour œdipien de la jeune fille culmine dans la réalisation de ce bébé." Mon troisième est constitué par la rencontre adéquate de l’amour sexuel pour "un homme du présent qui va incarner idéalement la synthèse de deux amours précédentes : père et mère". Et mon tout est "la conception et la naissance de cet être nouveau qui, au terme d’une attente, transformera la femme en mère".

Il est né, le divin enfant !
 

► Retrouvez l'intégralité de l'article de Marie-Pierre Genecand sur le site de nos partenaires suisses Le Temps.

Monique Bydlowski
Pionnière de la dimension psychique de la maternité, Monique Bydlowski a été la première chercheuse française à s'intéresser aux aspects inconscients de la grossesse et à alerter le corps médical sur le nécessaire accompagnement psychologique de certaines femmes enceintes. Pour écrire Devenir mère, elle puise à sa longue pratique auprès des femmes qu’elle a suivies à la maternité ou accompagnées en thérapie.

Elle a consacré sa carrière de chercheur à l’exploration psychique de la fertilité et de la maternité en terrain hospitalier. Témoin et acteur de l’aventure des premières procréations médicalement assistées en France, Monique Bydlowski a notamment publié : La Dette de vie (1997), Je rêve un enfant. L’expérience intérieure de la maternité (2000), Les Enfants du désir (2008), Recherches en psychopathologie de l’enfant (2019).

En 2018, elle débattait avec le docteur Pierre Jouannet sur la procréation assistée :


Terriennes
 
Avec nos partenaires suisses Le Temps (Marie-Pierre Genecand)
 Mise à jour 24.12.2020 à 10:49
SUR LE MÊME THÈME


https://information.tv5monde.com/terriennes/devenir-mere-psychanalyse-de-la-maternite-388481

Voir les commentaires

Dans "Mamas", Lili Sohn redessine les contours de l'instinct maternel,femmes,mamans,BEBE

31 Décembre 2019, 05:08am

Publié par hugo

 Dans "Mamas", Lili Sohn redessine les contours de l'instinct maternel
 
La dessinatrice Lili Sohn, en version autoportrait, sur la couverture de son dernier ouvrage Mamas, dans lequel elle s'attaque au sacro-saint tabou de l'instinct maternel.  (Editions Casterman)
©Lili Sohn/Casterman
 
28 déc 2019
Mise à jour 28.12.2019 à 11:07 par
TerriennesIsabelle Mourgere
Dans son dernier livre illustré, Lili Sohn nous fait vivre au quotidien son aventure de future maman, de son désir viscéral de faire un bébé jusqu'à son arrivée. Après son combat contre un cancer du sein dans La Guerre des tétons, puis contre les clichés sur l'identité féminine dans Vagin Tonic, la dessinatrice tente de répondre à cette question : "Faire des bébés, c'est vraiment/pas obligatoire ?"
 
 

Illustrée à la manière d'un journal intime ou d'un carnet de bord, chaque page est un instantané de vie. Celle d'une jeune femme qui, après avoir traversé et vaincu un cancer du sein, et alors qu'on lui prédisait des risques de stérilité, se réveille un matin avec une envie subite et quasi-inexplicable de faire un bébé.
A la lecture du titre, et surtout du sous-titre, on comprend vite de quoi il s'agit : "Petit précis de déconstruction de l'instinct maternel". Et justement, c'est quoi ce fameux instinct maternel que l'on sert à tout bout de champ à toute jeune femme en âge de procréer ? En sommes-nous toutes détentrices ou bien s'agit-il encore une fois d'une théorie, injonction ou stéréotype perpétué au fil de siècles d'histoire patriarcale ?
Voilà les questions que pose le dernier ouvrage de Lili Sohn. La dessinatrice met son autodérision et son crayon bien taillé au service d'une enquête minutieusement menée, avec une interrogation sous-jacente : peut-on devenir maman, se soumettre à ce "soi-disant" instinct maternel tout en restant féministe ? Un guide drôle, utile, efficace et à contre-courant des clichés et autres idées reçues. Rencontre.
 
Lili Sohn, lors de sa venue dans le bureau de Terriennes.
©Terriennes
Terriennes : faire des bébés, c'est obligatoire ? Lili Sohn : (rires!) Non, bien sûr que non, ce n'est pas obligatoire ! C'est dur de vraiment comprendre le désir d'enfant. Il y a tellement d'injonctions sociales. Il faut aller voir ce qui se cache dessous. Selon chaque personne, il y a beaucoup de chose, comme le non-désir d'enfant ou encore c'est quoi l'envie de faire famille, d'avoir une progéniture, d'éduquer, il y a plein de notions différentes autour de ce désir d'enfant.
Vous-même, vous vous êtes retrouvée face à ce désir d'enfant ...
Moi ça m'est vraiment tombé dessus ! J'ai eu un cancer à 29 ans et j'avoue que je ne me posais pas trop de questions sur la maternité à ce moment-là. Mais lors de mon traitement, on m'a annoncé que cela pouvait me rendre infertile et on a fait congeler mes ovocytes. J'ai pu avoir le choix à ce moment-là.
Et puis une fois guérie, j'ai ressenti une envie viscérale d'avoir un enfant, sans vraiment comprendre. Et quand j'ai commencé à m'interroger sur ce désir, je me suis retrouvée enceinte. Là je me suis sentie piégée. Je m'étais jamais vraiment posée la question avant. Quand je dis piège, c'est que la responsabilité de l'enfant repose vraiment sur la mère dans notre société, clairement ! En plus j'étais en pleine lecture de livres féministes, et c'est vrai que Simone de Beauvoir et toutes les féministes de la seconde vague ne parlent pas vraiment de la maternité ou bien en des termes plutôt négatifs.
 
 
©Lili Sohn/ Casterman
Du coup, vous vous êtes penchée sur la notion d'instinct maternel. Il existe vraiment, selon vous ?
L'instinct maternel, on en parle tout le temps. On vous dit "si tu sais t'occuper d'un enfant, c'est grâce à l'instinct maternel," etc... En cherchant un peu, je me suis rendue compte qu'il s'agissait d'une pure construction sociale. Qui existe depuis très longtemps, notamment "grâce" à Rousseau, puis tous ses acolytes, pour donner quelque chose à faire à la femme et l'empêcher ainsi de rattraper l'homme, notamment en ce qui concerne l'accès aux études.
 
 
©Lili Sohn/Casterman
Et en même temps, on ne parle pas vraiment d'instinct paternel...
Pour moi, il n'y a juste pas d'instinct, mais des envies. Un homme peut avoir envie d'avoir un enfant et de faire famille tout autant qu'une femme. Il doit juste se décomplexer par rapport à ça. S'occuper des enfants, il faut que ce soit valorisé.
 
 
©Lili Sohn/Casterman
Vous racontez dans votre livre que votre grand-mère félicite votre compagnon et père de votre enfant, avec cette phrase "Il a vraiment l'instinct maternel !"
Oui, c'est drôle quand même ! Du coup mon conjoint s'occupe d'un enfant comme un adulte s'occupe d'un enfant, mais lui, il est hyper valorisé ! A la crèche, par la famille, on dit de lui "Ah, il est génial", alors qu'on fait exactement la même chose, mais lui, il est vraiment survalorisé !
Qu'est-ce  qui vous énerve le plus dans cette injonction à la maternité ?
Ce qui m'énerve le plus, c'est vraiment la pression qui pèse sur les femmes arrivées à 30 ans. On leur demande sans cesse "T'as un copain ? T'as pas de copain ? Depêche-toi ! C'est quand que tu fais des enfants ?", c'est comme si, pour être épanouie, il fallait obligatoirement passer par la case maternité, comme s'il n'y avait pas d'autres moyens d'accéder au bonheur. Même si on commence à se détendre un peu aujourd'hui, ça reste une vraie pression. Et même après avoir eu un enfant, comme si mon seul moyen d'être épanouie passait par mon enfant, alors que non, il y en a plein d'autres !
 
©Lili Sohn/Casterman
Vous faites parler aussi d'autres femmes ou parents dans votre livre. L'une d'elle, alors qu'elle souffre d'un cancer très rare, fait part de ses craintes au moment de devenir maman.
Oui, c'est au moment de son don d'ovocytes, elle se dit  : "Et s'il est moche ?" Elle m'a fait beaucoup rire. C'est une amie d'une amie. C'est la seule idée qui lui est passée par la tête, comme si c'était sa seule préoccupation à ce moment-là ! D'une certaine manière, son don d'ovocyte était naturel, et sa seule inquiétude, ne connaissant pas la donneuse, c'était quelle tête aurait son enfant. C'était une manière de dédramatiser tout ça.
Qu'avez vous appris de ces autres témoignages ?
Mon questionnement était "qu'est-ce-que faire famille ?" Moi, je savais ce que ça voulait dire pour moi, mais j'avais envie de savoir ce que d'autres en pensaient. J'ai beaucoup appris de ces témoignages, Il y a ce couple où la jeune femme doit aller faire un don d'ovocyte en Espagne. Un couple d'hommes qui fait une GPA aux Etats-Unis. C'est très technique et administratif mais quand on écoute leur histoire aux un.e.s et aux autres, c'est d'abord plein d'amour et puis ce sont surtout des personnes qui ont beaucoup réfléchi à leur parentalité, bien plus que certains couples hétéros, par exemple, ou que deux personnes qui font l'amour une fois après une soirée et qui vont faire un enfant sans vraiment l'avoir voulu. On apprend tellement de choses de ces couples qui ont choisi de devenir parents.
 Mamas, de Lili Sohn (2019, Casterman éditions)

https://information.tv5monde.com/terriennes/dans-mamas-lili-sohn-redessine-les-contours-de-l-instinct-maternel-335079

Voir les commentaires

Consultation maternité-gynécologie et handicap : un lieu unique à Paris,femmes,maternite,bebe,femmes handicapees

12 Février 2019, 20:41pm

Publié par hugo

Accès aux soins
Consultation maternité-gynécologie et handicap : un lieu unique à Paris
À Paris, deux consultations accueillent les femmes en situation de handicap pour leur suivi gynécologique et leur grossesse. Ce lieu atypique tente de combler un manque criant en France. Reportage à l’Institut mutualiste Montsouris.
À 9 heures, en ce matin de semaine, au premier étage de l’Institut mutualiste Montsouris (IMM), peu d’éclats de voix viennent troubler le calme de l’accueil de l’Espace mère-enfant. Femmes enceintes à l’air fatigué et futurs papas tendus patientent en salle d’attente. L’arrivée en trombe de Béatrice Idiard-Chamois ne passe pas inaperçue. En deux minutes, la sage-femme traverse deux fois la pièce, dossiers à la main, éclat de rire au bord des lèvres et énergie débordante. Blouse rose pâle de rigueur, chevelure argentée, la quinquagénaire n’est pas une sage-femme tout à fait comme les autres. Signes particuliers : se déplace en fauteuil roulant et gère d’une main de fer deux consultations uniques en leur genre en France (parentalité/obstétrique et gynécologie pour les femmes en situation de handicap). La première a ouvert en 2006 et la seconde en 2014.
Maternité pas encouragée
À l’origine de ce projet, un triste constat, vécu par Béatrice Idiard-Chamois elle-même. En France, les femmes en situation de handicap ne sont ni encouragées à devenir mères, ni suivies correctement sur le plan gynécologique. « Ça n’intéresse personne, le handicap ! », s’exclame celle qui confie qu’elle n’hésite jamais à « foutre un peu son bordel » quand le sujet est abordé lors de colloques professionnels, par exemple. La Légion d’honneur qu’elle a reçue en 2014 n’a pas affadi ses propos. « Les médecins français ne sont pas du tout formés à ces questions. Le présupposé, c’est que les femmes en situation de handicap n’ont pas de sexualité, voyez-vous ! Alors parler de maternité… », souligne avec ironie celle qui a connu les propos décourageants du corps médical avant de devenir mère malgré sa maladie génétique.
« 90 % des femmes que nous recevons ici n’ont eu aucun suivi gynéco auparavant ! », s’exclame Béatrice Idiard-Chamois. « Nous », c’est elle, la sage-femme, et un gynécologue, le docteur Nathan Wrobel. Ils se chargent à deux des consultations de gynécologie. Béatrice Idiard-Chamois assure, seule, des consultations de préparation à la parentalité/obstétrique et le suivi administratif.
« Pas de regard qui se détourne »
Le docteur Nathan Wrodel, 47 ans de gynécologie, n’avait pas d’expérience particulière avec le handicap quand il a rejoint Béatrice Idiard-Chamois en 2015, mais une solide ouverture à la relation entre le soignant et le soigné… « Ca ne change rien le handicap, souligne-t-il. Cela nécessite juste une accessibilité en plus, quelques aménagements comme cette table d’examen adaptée, plus large et modulable que les tables classiques. Mais le plus important réside dans la tête de ceux qui reçoivent et de celles qui consultent : ne pas avoir de regard qui se détourne face à la patiente ni de mépris. On s’adresse à des personnes, pas à un symptôme, ni à un utérus ».
Les consultations de l’IMM proposent une prise en charge globale : suivi gynécologique, accès à la parentalité, suivi pendant la grossesse et jusqu’au un an du bébé. Cet accompagnement sur le long terme, Kuy l’expérimente depuis plus de six ans et la naissance de son premier enfant. Cette femme de 35 ans vient aujourd’hui discuter de sa contraception avec Béatrice Idiard-Chamois et le Dr Nathan Wrodel.
« Avant de rencontrer Béatrice, se souvient la Francilienne, en fauteuil en raison d’un handicap moteur, j’ai dû poser à deux médecins et un gynécologue différents la question : “Me sera-t-il possible d’avoir un enfant ?” Aucun n’a été capable de me répondre. J’ai heureusement fini par entendre parler de la consultation de Montsouris… Mes deux grossesses ont été suivies par Béatrice. Avec ses conseils, nous avons pu, avec mon mari, apprendre comment adapter un lit de bébé classique à mon fauteuil, je me suis familiarisée avec le portage de l’enfant sur le fauteuil, anticiper comment se passerait le début de la marche… » Autant de questions jamais abordées par ailleurs.
 

Temps et empathie
Au tour de Garance, 20 ans, de passer la porte de la consultation. Ni examen gynécologique, ni prescription : la jeune femme porteuse d’un handicap cognitif, est simplement ici pour une prise de sang. Un acte médical qui n’a rien de simple, ainsi que l’explique Béatrice Idiard : « Jusqu’ici, Garance n’a eu de prélèvement sanguin que sous anesthésie générale ou à l’aide de gaz hilarant ».
Forte de sa formation en haptosynésie (l’haptonomie, ou science du toucher, appliquée au soin médical) la sage-femme va prendre tout son temps, et faire des pauses pour expliquer et pratiquer le geste dans le calme. Chose faite en une vingtaine de minutes : un temps qui ne pourrait pas être pris ailleurs. Ici, les consultations durent de 45 minutes à plus de deux heures s’il le faut. « Dans notre travail, trois facteurs sont importants, sourit Béatrice Idiard-Chamois : le temps, le temps… et le temps ».
Le fait que Béatrice Idiard soit elle-même en fauteuil et mère instaure une empathie incontestable avec les patientes. Lydie, enceinte de 8 mois, vient de Dreux pour trouver ici « une véritable écoute. Et comme Béatrice connaît elle-même le vécu du handicap, on est à l’aise pour parler de nos problèmes : il n’y a pas besoin d’expliquer, elle comprend à demi-mot ! » La future maman attend son deuxième garçon dans quelques semaines et accouchera à l’institut Montsouris. La médecine de ville « classique », elle a donné, et n’en garde pas de bons souvenirs : « L’un de mes premiers gynécos m’a proposé, alors que j’avais un problème à l’utérus, de le retirer toute bonnement, en commentant : “Vous n’avez plus 20 ans, en plus de votre handicap…” »
Ici, Lydie se sent écoutée et prise en compte dans la globalité de sa vie avec le handicap. Ce matin, en plus du suivi de sa grossesse et du monitoring de son bébé, elle passera du temps dans le bureau de Béatrice Idiard-Chamois pour… remplir des documents administratifs.
Trois mois pour un rendez-vous
La consultation tourne à plein régime avec une vingtaine de rendez-vous par semaine. « Nous ne refusons personne, souligne le Dr Nathan Wrobel, mais il faut patienter trois mois pour un rendez-vous gynéco. » Médiatisées et très applaudies, ces consultations pas comme les autres ont-elles fait des émules ? « On nous pose des questions, sourit Béatrice Idiard-Chamois, certains se disent intéressés et deux autres consultations, à Paris et à Lille, proposent un suivi en parentalité. Mais honnêtement ça n’avance pas beaucoup. »
En attendant, ceux qui se décrivent comme des « ovnis » dans le monde médical continuent sans relâche leur accompagnement des patientes en situation de handicap. La nuit dernière, Béatrice Idiard-Chamois a reçu un sms de l’une d’elles lui annonçant qu’elle perdait les eaux. Des soignants qui laissent leur numéro de portable, là encore, c’est peu banal, mais c’est revendiqué. « Il y a dans cette consultation un petit côté artisanal que nous tenons à conserver », assure Béatrice Idiard-Chamois. « C’est beaucoup de tricotage, mais cela doit le rester pour conserver le plus important : l’aspect humain. »
En pratique
Les consultations d’obstétrique, parentalité et de gynécologie de l’Institut Mutualiste Montsouris, à Paris 14e, sont ouvertes aux femmes et couples porteurs de toutes formes de handicap : moteur, sensoriel, et mental. Renseignements et rendez-vous par téléphone ou SMS au 01 56 61 62 63 ou 06 98 02 42 73
Pauline Hervé
Crédit photo : Thomas Gogny
Partager sur les réseaux

https://www.essentiel-sante-magazine.fr/sante/acces-aux-soins/consultation-maternite-gynecologie-handicap-lieu-unique-a-paris?fbclid=IwAR2aOotHpUnR5_-7-CD8EvnT91t8HeKeUij-l0T08VoZBmrZg0AJnu5WHJ4
 
 

Voir les commentaires

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>