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Le blog de hugo,

Dupond-Moretti. Le ministre anti-MeToo doute de la gravité des violences sexuelles , femmes, violences,

29 Juillet 2020, 23:53pm

Publié par hugo

 Dupond-Moretti. Le ministre anti-MeToo doute de la gravité des violences sexuelles
"La grande cause du quinquennat" a de nouveau fait surface dans le débat public face à Dupond-Moretti. Interrogé par le député PS Hervé Saulignac sur les propositions du nouveau ministre pour résorber l’écart entre le nombre de viols et leur condamnation, l’avocat le plus connu de France a mis en doute des chiffres qui, "s’ils étaient avérés", "seraient effrayants".

Dupond-Moretti. Le ministre anti-MeToo doute de la gravité des violences sexuelles
Elsa Méry

jeudi 23 juillet
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CRÉDIT PHOTO / AFP

Ce sont les chiffres du ministère de la Justice - 93 000 femmes victimes de viols ou tentatives de viol chaque année - que reprenait le député Hervé Saulignac lors de l’audition du ministre auprès de la commission des lois ce lundi. Le site de Libération CheckNews recense les différents documents pouvant attester de la véracité des déclarations du député. Ainsi, la lettre annuelle de 2017 de l’Observatoire des violences faites aux femmes énonce le chiffre de 93 000 viols et tentatives. En 2019, on trouve dans ce même rapport le fait que seuls : « 0,4% des femmes de 18 à 75 ans, soit environ 94 000, ont déclaré avoir été victimes de ces faits. » Par ailleurs, d’après le ministère de l’Intérieur les services de police et de gendarmerie ont enregistré 22 900 plaintes pour viol en 2019, soit une nette augmentation (+18%) par rapport à 2018. Enfin, en 2018 seuls 1 269 viols ont été sanctionnés.
 
Des chiffres donc avérés et effrayants mais très partiels. En effet, le nombre de viols déclarés est évidemment inférieur au nombre de viols commis. Tout d’abord parce que l’enquête n’interroge qu’une partie des femmes, celles qui ont entre 18 ans et 75 ans, évacuant ainsi l’ensemble des viols commis sur des mineurs. Mais aussi parce qu’il ne concerne que les personnes qui ont « déclaré » leur viol. Or, alors que dans un contexte où la majorité des viols sont commis par une personne de l’entourage de la victime, rares sont celles qui décident de se « déclarer ». Partiels enfin car ils ne tiennent pas compte de la procédure pénale qui permet de « correctionnaliser » les viols et donc d’en requalifier un certain nombre en agressions sexuelles pour éviter leur passage aux assises.
 
Une séquence qui révèle la position délicate du nouveau Garde des Sceaux. Célèbre pour ses prises de position contre le mouvement Me too à l’occasion de la défense de George Tronc, il est rattrapé par la contradiction selon laquelle la « première cause du quinquennat » semble loin derrière le gouvernement. Le nouveau ministre semble en effet tiraillé entre ses positions anti-féministes qui l’ont propulsé au poste de Garde des Sceaux et l’enjeu de ne pas incarner la risée du jeune et instable gouvernement, pour qui il représente déjà dans les sondages le maillon faible. Alors que les manifestations se multiplient contre la nomination de Darmanin à l’intérieur et de Dupont-Moretti à la Justice, la pression exercée par la contestation féministe depuis le mouvement Metoo promet d’accentuer la défiance de la population envers une justice au service des classes dominantes.

MOTS-CLÉS violences sexistes   /    Remaniement   /    Remaniement   /    Violences faites aux femmes   /    Du Pain et des Roses


https://www.revolutionpermanente.fr/Dupond-Moretti-Le-ministre-anti-MeToo-doute-de-la-gravite-des-violences-sexuelles

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Déconstruire les masculinités toxiques (3/4): "On ne naît pas homme, on le devient", articles femmes hommes,

29 Juillet 2020, 23:45pm

Publié par hugo

 Déconstruire les masculinités toxiques (3/4): "On ne naît pas homme, on le devient"
Déconstruire les masculinités toxiques (3/4): "On ne naît pas homme, on le devient"
Déconstruire les masculinités toxiques (3/4): "On ne naît pas homme, on le devient" - © Christopher Furlong - Getty Images
 
 
Déconstruire les masculinités toxiques (3/4): "On ne naît pas homme, on le devient"
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Felwine Sarr: "Il suffit d'une pandémie pour que les représentations négatives sur le  
 
 
 
France : l'essayiste d'extrême droite Alain Soral interpellé et placé en garde à vue à Paris
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212 défenseurs de l'environnement tués en 2019, un record
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Coronavirus à Anvers : le couvre-feu ne visera pas les sans-abri
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 29 juillet 2020
Coronavirus en Espagne : le gouvernement catalan allège le confinement à Lerida
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Jehanne Bergé
 Publié le mercredi 29 juillet 2020 à 12h02
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Cet été, Les Grenades décortiquent les stéréotypes de genre qui engendrent des comportements masculins toxiques. Quatre articles pour creuser le sujet et faire valser les étiquettes. Parce que l'égalité femmes-hommes passe aussi par une remise en question des rôles sociaux qu’endossent ceux qui forment la moitié de la population. Pour ce troisième article, on s’intéresse à la base de la construction : l’éducation.


Premier article - "Sois fort, ne pleure pas"

Deuxième article - "Je suis un monstre qui vous parle"

Que ce soit au niveau intra-familial ou dans la cour de récré, l’éducation des petits garçons est un enjeu majeur pour une société plus égalitaire. Comme l’indique la Déclaration de Pékin, une éducation et un enseignement non-discriminatoires sont dans l’intérêt de l’humanité tout entière.

"Tu seras viril, mon fils"
L’enfant évolue dans un foyer, il n’y a pas de secret, ses premiers modèles de genres sont ses parents. Il ou elle est ensuite confronté·e e à toute une série d’autres modèles dans ses activités de socialisation. Il peut y avoir de grandes différences en termes d’étiquettes de genre entre ce qui est proposé à la maison et à l’extérieur. Pour permettre à l’enfant de se construire une identité propre, il est important (si possible) de mener la lutte contre les stéréotypes au sein de la famille.

Noah Gottlob est psychologue clinicien et spécialisé dans les questions liées au genre. Il accompagne et fait le suivi psychologique des enfants, adolescent·e·s et leur famille. Il nous explique : "En règle générale, l’enfant grandit dans une famille et y construit un noyau de sécurité qui lui permet d’aller explorer le monde et de revenir, de faire des allers-retours entre sécurité de base et l’extérieur. Il faut réfléchir aux clés pour donner suffisamment de sécurité, construire un socle fort pour ne pas que l’enfant puis l’adulte se sente angoissé·e quand la société le fait ne pas se sentir pas à sa place."


Les injonctions multiples de la société poussent les individus à se corriger pour qu’ils ou elles correspondent à "la norme". "Par exemple, si quelqu’un qui se genre masculin croise ses jambes dans le métro, quand sa position suscite des regards, il ressentira probablement de l’inconfort et de l’angoisse et il changera de posture."

Pour le psychologue, l’enjeu de l’éducation est de permettre à l’enfant de se sentir quand même en sécurité en apportant d’autres réponses à l’angoisse que la correction de son comportement. "Pour ça, il faut avoir une sacrée base de confiance, d’estime de soi et de sécurité pour pouvoir parvenir à se dire que le problème est lié aux injonctions."

Aux hommes la technique, les qualifications bien définies de l'industrie et les propédeutiques du pouvoir ; aux femmes, la relation personnelle, quasi privative, les qualifications moins définies du tertiaire, et de bien moindres garanties pour percer le "plafond de verre" du pouvoir

Noah Gottlob est le co-fondateur de l’asbl Transkids "les enfants qui se posent des questions ou en situation de transidentité viennent souligner l’absurdité des injonctions. Mais il ne faut pas être en situation de transidentité pour aller à l’encontre des injonctions. On peut essayer de transmettre l’esprit critique et la remise en question des injonctions liées au genre à tous les enfants. Il n’y a jamais de vérité par rapport aux catégories même si les stéréotypes sont nécessaires au bon fonctionnement du développement psychique."

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

"Les garçons sont plus forts en math"
S’il n’est pas toujours simple d’avoir une emprise sur le comportement des parents, l’école occupe une place stratégique en termes d’apprentissage, de construction et de transmission des rôles sexués. Comme le rappelle l’Université des femmes, les pratiques éducatives qui prennent place dans les établissements scolaires contribuent à forger et figer le genre des enfants et des adolescent·e·s au sein de notre société.

À travers l’Histoire, l’école a joué un rôle très important dans le combat pour l’égalité femmes-hommes. Il y a eu de grandes avancées, mais malheureusement, la bataille est loin d’être gagnée. Dans une analyse, l’UFAPEC souligne que les parcours et les chances d’émancipation sociale des filles et garçons sont largement déterminés par leur genre et les inégalités qui leur sont inhérentes.

"Les garçons sont forts en sciences, les filles sont douées en poésie." La phrase est clichée, certes, mais quand on voit le nombre d’inscrit·e·s en première en romane et en ingénieur, il y a de quoi faire de gros yeux. "L’effet Pygmalion" avance que les attentes des professeurs quant aux résultats de leurs élèves sont des prophéties auto-réalisatrices. Si l’enseignant.e croit en la capacité d’un enfant de bien réussir, celui-ci a de plus grandes chances d’améliorer ses aptitudes.

"C’est au niveau inconscient, mais le ou la professionnel·le va investir ou désinvestir tel profil d’élève et les stimulations vont être différentes et donc les capacités vont-elles aussi être différenciées", explique Noah Gottlob. On le voit, les biais cognitifs inconscients ont un impact important sur le futur des élèves, filles comme garçons. Selon le sociologue Roger Establet : "aux hommes la technique, les qualifications bien définies de l'industrie et les propédeutiques du pouvoir ; aux femmes, la relation personnelle, quasi privative, les qualifications moins définies du tertiaire, et de bien moindres garanties pour percer le "plafond de verre" du pouvoir."

Les garçons ont plus tendance à prendre la parole sans lever la main, à se sentir légitimes. Les filles sont timides et suivent mieux les consignes, quand elles prennent la parole, on ne les entend pas

Au niveau de l’enseignement technique aussi, l’orientation scolaire a un immense impact sur le futur des jeunes, malheureusement, les choix sont souvent dictés par le genre.

►►► À lire : Étudiante en mécanique auto, Anissa a essuyé 20 refus avant de trouver un stage

Dans la salle de classe, ils prennent beaucoup de place
Outre les orientations, les inégalités s’opèrent aussi au sein de la classe. Les garçons prennent plus de place. Près de quarante ans après l’introduction de la mixité scolaire en Belgique (décision du Conseil des ministres du 1er octobre 1982 de rendre la mixité obligatoire dans tous les réseaux à partir de l’année scolaire 1983-1984), les filles sont toujours plus discrètes sur les bancs de l’école.

Sur le plan quantitatif, les filles et les garçons, en primaire, ont plus ou moins le même nombre d’interactions avec le corps enseignant mais en secondaire, de grandes disparités sont observées concernant la prise de parole en classe et l’occupation de l’espace sonore.

Dans ma formation de prof, on ne nous a pas parlé de genre. Tout ce que j’ai découvert sur le terrain, je ne l’ai pas vu à l’agrégation

Morgane Someville est prof d’art plastique dans plusieurs écoles, elle témoigne : "les garçons ont plus tendance à prendre la parole sans lever la main, à se sentir légitimes. Les filles sont timides et suivent mieux les consignes, quand elles prennent la parole, on ne les entend pas."

Le patriarcat, en tant que système de domination s’installe dès le plus jeune âge, légitimant la parole des uns et réduisant celles des autres. Comme le rappelle de nombreuses études, les programmes scolaires comportent peu de femmes que ce soit au niveau des sciences, de la politique ou de l’histoire. Les enfants ont trop peu de rôles modèles féminins auxquels s’identifier.

Souvent, dans les énoncés des exercices, les femmes dans des rôles stéréotypés. "Les stéréotypes – et particulièrement les stéréotypes sexués - induisent des comportements à celles et ceux à qui ils s’appliquent et forgent le regard des autres ; attribuent des compétences, des qualités ou défauts en niant l’expression de l’individualité ; projettent des représentations et des attentes liées au masculin ou au féminin sur les enfants, les jeunes, les adultes", indique les CEMEA dans une analyse des manuels scolaires et stéréotypes sexués.

Aussi, on enseigne actuellement le "masculin neutre" aux enfants, répéter que "le masculin l’emporte sur le féminin" n’est pas neutre, cette affirmation a un impact sur la construction identitaire.

Former celles et ceux qui forment
La question de la formation des enseignant·e·s est au cœur de nombreux débats. Comme l’explique la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation, il faut mettre en place, au sein de la formation initiale et continue, des cours théoriques et pratiques autour de la notion de genre, ce qui fait, aujourd’hui, particulièrement défaut en Fédération Wallonie-Bruxelles. "Dans ma formation de prof, on ne nous a pas parlé de genre. Tout ce que j’ai découvert sur le terrain, je ne l’ai pas vu à l’agrégation. Moi, je suis féministe et je fais attention au quotidien, mais je ne sais pas si les profs masculins se rendent compte pourtant, c’est trop évident la différence de comportements dans la manière dont les enfants interagissent en fonction de leur genre", confie Morgane Someville.

Comme dans d’autres systèmes de domination, la première étape est la prise de conscience. Isabelle Collet a beaucoup travaillé sur la question du genre dans les sciences et techniques, elle explore et élargit les questions de mixité à l'école et la manière dont les différents rapports sociaux s'entrecroisent dans le domaine de l'éducation et la formation. "La pédagogie de l'égalité s'apprend et ne va pas de soi, car nous avons tous et toutes été élevé·e·s à l'inégalité. Elle commence par une prise de conscience : accepter une remise en cause de ses pratiques et parfois même une remise en cause de son identité professionnelle, voire personnelle. Elle nécessite de constater que le genre s'invite de manière transversale dans tous les espaces de l'école et d'en déduire que le genre est un analyseur supplémentaire pour comprendre les situations scolaires", écrit-elle.

On enseigne actuellement le "masculin neutre" aux enfants, répéter que "le masculin l’emporte sur le féminin" n’est pas neutre, cette affirmation a un impact sur la construction identitaire

Gaëlle Chapelle est experte en éducation et réfléchit à la question du genre dans la formation initiale des enseignants, elle nous explique : "Il y a un déséquilibre entre hommes et femmes dans l’enseignement. 95 % des instits maternelles sont des femmes et on compte aussi 80 % d’institutrices en primaire. Les stéréotypes se construisent très tôt. Plus l’enfant est petit, plus les hommes sont absents. En termes de construction de l’identité masculine et féminine, ça ne peut pas ne pas avoir d’impact, en effet, le cerveau se construit par interactions avec son environnement." Une proportion qui s’inverse dans le monde académique. "Les femmes ont beau être de plus en plus nombreuses parmi les diplomé.e.s, les fonctions académiques restent principalement masculines."

Alors, oui, il y a encore beaucoup de travail, mais les choses bougent (un peu), l’éducation des adultes de demain est questionnée, les constructions sociales sont remises en question. La prise de conscience est encore timide, mais qu’on se réjouisse, elle est bien réelle.

Que ce soit à l’école ou autour de la table du salon, il est important que chaque enfant puisse trouver la place qui lui convient pour qu’il ou elle puisse s’exprimer librement. Construire de nouveaux systèmes de pensée, tel est le défi des parents et des pros du système éducatif pour établir des rapports égalitaires et des chances égales d’émancipation sociale pour les filles et les garçons…

A la semaine prochaine pour le dernier épisode de cette série. Au programme, la masculinité toxique dans les rapports sexuels.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_deconstruire-les-masculinites-toxiques-3-4-on-ne-nait-pas-homme-on-le-devient?id=10551329

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Pourquoi écrire "AOC" pour Alexandria Ocasio-Cortez n'est ni sexiste, ni réducteur , ARTICLES FEMMES HOMMES ,

29 Juillet 2020, 23:40pm

Publié par hugo

 Pourquoi écrire "AOC" pour Alexandria Ocasio-Cortez n'est ni sexiste, ni réducteur
 Pourquoi écrire "AOC" pour Alexandria Ocasio-Cortez n'est ni sexiste, ni réducteur 
Pourquoi écrire "AOC" pour Alexandria Ocasio-Cortez n'est ni sexiste, ni réducteur - © Chip Somodevilla - Getty Images
 
Une chronique de Rosanne Mathot
 Publié le mardi 28 juillet 2020 à 11h24
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Remarque nous a été faite qu’user de l’acronyme "AOC" pour évoquer la femme politique américaine Alexandria Ocasio-Cortez, dans notre article "USA: Alexandria Ocasio-Cortez, ou l'allumette craquée dans la grotte", était "réducteur", "chosifiant" voire "inapproprié".


Ce faisant, d’aucuns ont établi un état des lieux aussi succinct qu’inexact, estimant que – même dans une chronique féministe – les femmes restent toujours à la queue, réduites à la trop simple expression d’un acronyme, chétive suite de majuscules qui les réduit à une "chose" ou à un "concept". Rien ne saurait être moins pertinent, en ce qui concerne la 2e personnalité politique dont l’Amérique parle le plus, après le Président Trump.

"L’acronyme remonte à la plus haute Antiquité"
L’usage de l’acronyme, comme pourrait le dire le merveilleux écrivain Alexandre Vialatte, précurseur historique de la chronique de presse, "remonte à la plus haute Antiquité" et n’a jamais eu pour vocation de sentir la haine, la méchanceté ou le combat de rats dans une poubelle. De fait, le plus ancien acronyme connu est "INRI", acronyme dit "titulus crucis" qui émane de la formule latine "Iesvs Nazarenvs, Rex Ivdæorvm", le plus souvent traduit par : "Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs". Sa première trace archéologique date du IVe siècle, avec une inscription à la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem, à Rome.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

"I’m a bitch, I’m a boss" ("Je suis une salope, je suis une boss")
S’il est vrai que résumer quelqu’un.e à ses initiales peut parfois être perçu comme une familiarité excessive, voire comme la marque d’un certain manque de respect, force est de constater que c’est loin d’être le cas, en ce qui concerne "AOC". De fait, la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez use elle-même volontiers de cet acronyme qui constitue d’ailleurs son pseudo sur Twitter.

Depuis bientôt deux ans, que ce soit dans la culture populaire américaine, dans les médias ou encore dans le milieu politique, gauche, droite et centre usent tous de ce même acronyme, sans que ce dernier ne soit porteur de la moindre trace de moquerie, de sexisme ou de quoi que ce soit de négatif

Très présente sur les réseaux sociaux, la femme politique démocrate retweete ainsi elle-même des messages comportant le hashtag #AOC, mot-dièse qui domine très souvent les tendances nationales américaines sur Twitter.

Le 21 juillet dernier, sur son compte Instagram, elle a tenu à répondre à l’insulte de "fucking bitch" ("putain de salope") émanant de son confrère républicain Ted Yoho, par cette story, sur laquelle elle se filme sur la musique de la rappeuse Doja Cat, “Bitch Boss” ("Salope Boss "), un post repris sur Twitter par le profil @itsbecrose et likée plus de 266 000 fois.


Depuis bientôt deux ans, que ce soit dans la culture populaire américaine, dans les médias ou encore dans le milieu politique, gauche, droite et centre usent tous de ce même acronyme, sans que ce dernier ne soit porteur de la moindre trace de moquerie, de sexisme ou de quoi que ce soit de négatif.

JFK, BHL, PPDA & Co. :  tous  "chosifiés" ?
Viendrait-il à l’esprit de quelqu’un.e de dire que l’on "chosifie" le président Kennedy en l’appelant JFK ? Quid alors de PPDA, de BHL, NKM, VGE ou encore de MAM ? En général, lorsqu’un acronyme désigne une personne, c’est que ladite personne est dotée d’une grande notoriété et que l’acronyme qui lui est associé est agréable à l’oreille ou encore qu’il constitue une référence positive fortuite avec un acronyme existant.

De fait, jusqu’à l’arrivée de l’ouragan politique Alexandria Ocasio-Cortez, l’acronyme "AOC", aux États-Unis (extrêmement laudatif) devait se comprendre comme "Architect Of the Capitol" (Architecte du Capitole). Nommé.es par le Président des États-Unis, confirmé.es par le Sénat, il n’y a eu que onze architectes du Capitole dans l’histoire des États-Unis. L’on comprend aisément qu’Alexandria Ocasio-Cortez n’en ait pas pris ombrage. Bien au contraire.

De tout temps, les reines et les rois, les empereurs et hommes d'Eglise ont usé d’acronymes pour armer leur blason ou sceller leurs édits. L’on retrouve ainsi le "CM" (Carolus Magnus) de Charlemagne ou encore le  "EIIR" (Elizabeth II Regina) d'Elizabeth Windsor.

L’acronyme dans le champ journalistique
Par ailleurs, dans le cadre du champ journalistique, l’acronyme a indiscutablement une utilité dans le procédé narratif. Il permet de donner du rythme à un récit, d’en alléger le poids. Si les articles de presse recourent aux acronymes "UE", "OTAN" ou encore "FBI" ou "OMS", c’est à des fins de confort de lecture. Ni plus, ni moins.

L’article de presse qui a fait l’objet de critiques cite bien le nom de la députée, in extenso, dès son titre, dès sa première phrase, et elle le reprend, plusieurs fois, dans le corps même de son texte. S’il existe des gens qui fourbent pour le plaisir de fourber, d’insulter pour le plaisir d’insulter, de chosifier pour le plaisir de chosifier, les journalistes de l’équipe des Grenades n’en font et n’en feront - par essence - jamais partie.

Alexandria Ocasio-Cortez, la tornade du monde politique américain

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be.

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_pourquoi-ecrire-aoc-pour-alexandria-ocasio-cortez-n-est-ni-sexiste-ni-reducteur?id=10550660

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Tinder Surprise , articles femmes hommes, AMOURS ,

29 Juillet 2020, 23:37pm

Publié par hugo

 Tinder Surprise
Tinder Surprise 
Tinder Surprise - © Tous droits réservés
 
Une chronique de Cindya Izzarelli
 Publié le samedi 25 juillet 2020 à 09h50
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Cette chronique a été écrite pour l'émission radio "Les Grenades, série d'été", à retrouver chaque samedi de l'été sur La Première, de 9h à 10h.


Épisode 4 : sommes-nous tous égaux, toutes égales face aux applications de rencontre ?

Toutes les machines ont un cœur, paraît-il. Nous, en tout cas, ça fait un bail qu’on a sous-traité les nôtres, de cœurs, aux machines...

Les machines, c’est pas toujours ce qu’on croit. Celle dont je vous parle aujourd’hui ont des courbes douces, de tendres sentiments, et de jolis noms tout ronds : Fruitz, Lovoo, Badoo, Bumble, Meetic, Happn. Des noms qui glissent en bouche comme des bonbons. Je les ai à peu près tous goûtés, au cours des 20 dernières années. C’est pas ma faute à moi si j’ai reçu la puberté en même temps que l’ADSL.

Quand les apps de rencontre ont débarqué, 10 ans plus tard, me proposant la même chose, en mieux, j’étais déjà mûre à point pour y croquer à pleines dents

C’était l’époque où il fallait prendre le bus et être rentré avant minuit, l’époque où on n’avait pas encore le monde dans sa poche et où internet n’était encore qu’un vaste territoire non cartographié, un champ des possibles où on avançait masqué ou à découvert, et où la mise en scène permanente de nos avatars n’était pas encore de mise. C’est dans ce tiède océan d’anonymat que je cherchais l’amour. Ou plutôt “de l’amour”. C’est à dire qu’à 17 ans, chercher de l’amour revient à chercher quelqu’un qui vous entend, qui vous comprend, qui vous ressemble, qui vous espère, depuis la solitude de sa chambrine personnelle, sous les mêmes posters que vous.

J’ai excellé dans le flirt épistolaire, la romance à distance, l’amourette anonyme. Ce faisant, toutes à mes passions virtuelles, j’ai loupé quelques rendez-vous, persuadée que les gens qui m’aimaient étaient forcément ailleurs, loin, je n’ai jamais songé à répondre aux œillades discrètes de Boris, Wesley, Quentin, Laura ou Giancarlo. Tout ça pour dire que quand les apps de rencontre ont débarqué, 10 ans plus tard, me proposant la même chose, en mieux, j’étais déjà mûre à point pour y croquer à pleines dents.

L'arrivée de Tinder, un point de bascule
Dans l’histoire encore récente de la rencontre amoureuse sur internet, on note un point de bascule clair dans les rapports: c’est l’arrivée de Tinder en 2012...

Tinder, c’est la lanterne magique qui a déchaîné nos cœurs et libéré nos culs, l’entremetteur 2.0, le pourvoyeur de bonne compagnie, sorte de catalogue Neckermann de la drague qui, d’un simple effleurement du doigt quasiment reptilien, te permet de te procurer une dose d’amour à usage unique sans sortir de chez toi.

“Usage unique” ou pas en fait, vu qu’il y en a même qui disent qu’ils connaissent quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a trouvé le grand amour sur internet. En attendant, ça marche: Tinder, c’est plus de 10 millions d’utilisateurs journaliers qui, pris dans la valse infernale du choix infini, mus par l’espoir d’un baiser, d’un orgasme du cœur, d’un élan du cul, effectuent 850 millions de “swipe” par jour.

La performance n'est pas sans risques, car une IA n'est jamais neutre. Elle se nourrit des bases de données qu'on lui fournit, qui peuvent comporter des biais que l'algorithme va ensuite généraliser. Dans une société régie par le Big Data et les algorithmes, une IA pourrait par exemple déduire une situation socio-économique d'un code postal et ne proposer que des profils issus du même milieu à ses utilisateurs 

Beaucoup s’y perdent aussi, pris dans la multipotentialité de ce dédales de corps et d’âmes présélectionnées pour toi, oui rien que pour tes yeux, parce que cette sublime blonde aux yeux bleux ou ce grand brun plein d’humour ne feront jamais le poids face au fantasme de la photo suivante, celle qui est peut-être encore mieux, encore plus sur mesure, cachée en dessous de la pile qui ne se réduit jamais.

►►► A lire : Les femmes et Tinder : Je t'aime moi non plus

Nous sommes toujours aussi seul.es
Et en tout cas, ça paie: Tinder aujourd’hui c’est plus de 6 millions d’utilisateurs premium, donc payants, et c’est aussi, depuis 2015, une action cotée en Bourse...

Oui, célibataire en goguette, depuis 2015, on a part de marché sur ta lune ! C’est même la tête de gondole qui fait battre pavillon aux actions du groupe Match depuis plus de 5 ans. Cette entrée en Bourse nous montre surtout que le marché de la solitude se porte bien.

France Gall chantait la solitude dans les villes de l’an 2000. 20 ans plus tard, on est toujours aussi seuls, mais on a moins de temps à consacrer à régler le problème, et on tolère de moins en moins l’incertitude, celle de devoir, peut-être, sortir de sa zone de confort physique et mentale, de s’ajuster à la différence de l’autre, à l’inconnu, à l’incertain. Alors, on sous-traite nos vies aux intelligences artificielles, sans vraiment assumer. Parce que swyper, ça reste un peu tricher.

Cette entrée en Bourse nous montre surtout que le marché de la solitude se porte bien

Pas sans risque
Plus romantique, l'app de rencontre française Happn se démarque en proposant à ses utilisateurs et utilisatrices de faire un premier pas virtuel avec des personnes croisées "dans la vraie vie". Mais, il y a forcément un mais...

Contrairement à ce que l'app affirme officiellement, elle ne peut pas géolocaliser les rencontres qui ont lieu à moins de 250 mètres, pour des raisons évidente de sécurité et de respect de la vie privée. C’est surtout l’algorithme derrière Happn qui, gavé de nos multiples faits et gestes géolocalisés, se charge de trianguler des corrélations qui dépassent l’entendement de nos petits cerveaux humains pour nous proposer des gens, pas loin de chez nous, qui ont tout pour nous plaire et s’insérer clé sur portes dans le programme de nos petites vies bien remplies. Parce que rencontrer quelqu’un OK, mais décaler ma session de crossfit, ça jamais ! 

Si on a inventé l’hyperchoix, on n’a pas encore mis la main sur l’hypertemps qui irait avec. Je t’engagerais donc, grand explorateur des multipotentialités romantiques, à poser ton téléphone et à ouvrir les yeux et les oreilles

Évidemment, la performance n'est pas sans risques, car une IA n'est jamais neutre. Elle se nourrit des bases de données qu'on lui fournit, qui peuvent comporter des biais que l'algorithme va ensuite généraliser. Dans une société régie par le Big Data et les algorithmes, une IA pourrait par exemple déduire une situation socio-économique d'un code postal et, constatant un phénomène d'endogamie dans ses bases de données, ne proposer que des profils issus du même milieu à ses utilisateurs.

►►► A lire : Quand les algorithmes reproduisent les stéréotypes sexistes


Des machines stupides
Idem, par exemple, avec la couleur de peau. C’est déjà ce qui se passe régulièrement. Et cela nous force à un constat un peu décevant pour nos imaginaires complotistes: les machines, ne sont pas malveillantes, elles sont juste stupides, trop limitées par leur logique pour saisir la pleine mesure d’un système aussi complexe et irrationnel que les envies et les attirances humaines. Dans la grande soupe des probabilités, parfois ça marche.

Mais ça prend du temps. Et si on a inventé l’hyperchoix, on n’a pas encore mis la main sur l’hypertemps qui irait avec. Je t’engagerais donc, grand explorateur des multipotentialités romantiques, à poser ton téléphone et à ouvrir les yeux et les oreilles. A te reconnecter avec ton voisin ou ta voisine de table avant que les gestes barrières, les confinements à répétition et les apps de rencontre n’atrophient définitivement nos mœurs. Parce que je pense sincèrement que le plus beau des profils ne remplacera jamais un face à face, si imparfait soit-il.

Épisode 4 : sommes-nous tous égaux, toutes égales face aux applications de rencontre ?

 

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USA: Alexandria Ocasio-Cortez, ou l'allumette craquée dans la grotte , femmes , feminisme,

29 Juillet 2020, 23:34pm

Publié par hugo

 USA: Alexandria Ocasio-Cortez, ou l'allumette craquée dans la grotte
USA: Alexandria Ocasio-Cortez, ou l'allumette craquée dans la grotte 
USA: Alexandria Ocasio-Cortez, ou l'allumette craquée dans la grotte - © AFP
 
 
Une chronique de Rosanne Mathot
 Publié le samedi 25 juillet 2020 à 09h18
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Face à l’insulte misogyne, la rhétorique calme et puissante de la députée américaine démocrate Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), ce jeudi 23 juillet 2020, évoque irrésistiblement l’allumette craquée au fond d’une grotte.


Après avoir été traitée de "fucking bitch" ("putain de salope" ou "sale pute", selon les traductions) par un confrère républicain lundi dernier, suite à un différend politique, l’élue démocrate AOC a tenu, ce jeudi 23 juillet 2020, devant le Congrès américain, un discours puissant qui pourrait faire date.

►►► A lire : Qualifiée de "f* bitch", Alexandria Ocasio-Cortez recadre publiquement un élu républicain

Et pour cause, dépassant de très loin la simple riposte à une attaque personnelle, ce fut un plaidoyer contre une culture machiste enracinée dans l’establishment américain et encouragée par le président Donald Trump himself qui fulgura l’hémicycle.


De fait, si, par nature, l’allumette peut se borner à n’apporter qu’un furtif rai de lumière dans les ténèbres, elle est tout autant capable d’embraser un système en entier. Grâce au discours d’AOC, la structure mastodonte de pouvoir dans laquelle la parole misogyne est devenue culturelle et "normale" aux USA, pourrait bien prendre feu.

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Des "excuses" en demi-teinte
Aujourd’hui, l’establishment américain se love dans une culture d’impunité et de solidarité machiste, dans laquelle on "attrape les femmes par la chatte". L’insulte dont la femme politique AOC a été victime sur les marches du Capitole, lundi, contient en soi tous les ferments d’un système global de pensée désormais fermement positionné aux Etats-Unis : celui où il est convenu que l’insulte lancée par le législateur républicain de Floride Ted Yoho à la New-Yorkaise démocrate Alexandria Ocasio-Cortez n’est pas l’exception. Elle est la règle. Elle n’est pas "grave". Elle est la norme.

Bien sûr, mercredi, Ted Yoho a présenté des "excuses". Dans l’hémicycle, lui aussi. Si tant est que l’on puisse qualifier d’ "excuses" ce galimatias truffé de contradictions où l’on retrouve - pèle-mêle - des dénégations (Ted Yoho n’aurait jamais proféré les termes "sale pute" - comprendre qu’AOC a menti) ainsi que l’alibi du "bon père de famille" : "Étant marié depuis quarante-cinq ans et père de deux filles, je suis très conscient de mes mots" a ainsi martelé le législateur républicain.

Sauf que – pas de chance pour Ted Yoho – un journaliste du site d’informations politique The Hill a été témoin de la scène opposant AOC et Yoho et maintient, lui, que le "fucking bitch" a clairement été exprimé.

Avoir une femme ne rend pas un homme convenable. Traiter les gens avec dignité et respect est ce qui rend un homme convenable. (…) Je ne laisserai pas le Congrès accepter ces excuses comme légitimes 

"Moi aussi, je suis la fille de quelqu’un" a rétorqué AOC, devant ses pairs. "Heureusement mon père n’est plus là pour voir comment M. Yoho traite sa fille", a-t-elle ajouté. "Avoir une fille ne rend pas un homme convenable. Avoir une femme ne rend pas un homme convenable. Traiter les gens avec dignité et respect est ce qui rend un homme convenable. (…)  Je ne laisserai pas le Congrès accepter ces excuses comme légitimes". Selon le porte-parole de l’élu, Ted Yoho se serait parlé à lui-même et aurait simplement soupiré "Bullshit !" ("Conneries !").

Reste que les dénégations du législateur de Floride n’ont pas été jugées convaincantes par Steny Hoyer, le chef de la majorité démocrate à la Chambre, qui estime que l’élu républicain devrait être sanctionné pour ses propos. Au coeur de l’affaire, l’idée défendue par l’élue démocrate selon laquelle la hausse de la criminalité à New York devait être liée à la pauvreté accrue par la pandémie de covid19.

Yoho ou les pieds dans le tapis
Un sujet qui tient très à coeur du législateur républicain, qui, se prenant les pieds dans le tapis du Congrès mercredi, a tenu – malhabile - à préciser : "I cannot apologize for my passion or for loving my God, my family and my country." ("Je ne peux pas présenter des excuses pour ma passion, ou pour l’amour que je porte à mon dieu, à ma famille et à ma patrie") : effet de manches laborieux d’un homme auquel on a simplement demandé si oui ou non il avait fait usage à l’encontre d’AOC des propos qui lui étaient reprochés. Jamais ne lui a-t-on demandé de justifier sa foi ou son patriotisme.

►►► A lire : A 29 ans, Alexandria Ocasio-Cortez est devenue la plus jeune élue de l'histoire au Congrès

De son côté, rompant avec le cliché sexiste selon lequel la femme qui défend fermement ses idées est à moitié folle, là où la même audace est perçue, chez l’homme politique comme un signe d’assurance, AOC s’est exprimée ce jeudi avec une lucidité et une cohérence implacables, devant le Congrès américain, contre ce dépassement grotesque du langage qui désarticule de façon récurrente la vie (politique) en commun.

Car, derrière le silence, derrière l’acceptation convenue, chaque insulte sexiste lancée à une femme politique raccourcit et endurcit les chemins qui mènent à l’insulte systémique et à la misogynie établie comme système de pensée et de fonctionnement culturel.

Aujourd’hui, AOC repousse les aberrations sexistes et démontre plus que jamais que – face à la misogynie en politique - le silence ne peut plus être une option. En 2018, une autre allumette était craquée dans une autre grotte silencieuse, celle des agressions et du harcèlement sexuel dans le milieu du cinéma, alimentant un feu de paroles désormais résolument impossible à étouffer.

Alexandria Ocasio-Cortez, la tornade du monde politique américain

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Felwine Sarr: "Il suffit d'une pandémie pour que les représentations négatives sur le continent africain remontent" , RACISME , LES GRENADES RTBF

29 Juillet 2020, 23:32pm

Publié par hugo

 Felwine Sarr: "Il suffit d'une pandémie pour que les représentations négatives sur le continent africain remontent"
Felwine Sarr sur le coronavirus: "C’est comme si on avait du mal à admettre que l’Afrique ne s’en sorte pas trop mal 
Felwine Sarr sur le coronavirus: "C’est comme si on avait du mal à admettre que l’Afrique ne s’en sorte pas trop mal - © Tous droits réservés
 
Safia Kessas
 Publié le jeudi 23 juillet 2020 à 08h00
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Une conversation vidéo entre Felwine Sarr et Safia Kessas, réalisatrice et journaliste. Felwine Sarr est écrivain, économiste et musicien. Il est l’auteur d’Afrotopia (2016) et connu pour son innovant "Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain". Cette interview est menée en collaboration avec Les Grenades, CEC-ONG et La Première dans la série "Repairing The Future" lancée par BOZAR.


Vous êtes présenté dans les médias comme l’un des intellectuels les plus importants du continent africain. Vous avez écrit plusieurs livres dont Afrotopia en 2016 et Habiter le monde en 2017. Où êtes-vous dans le contexte de cette crise sanitaire ?

Je suis à Dakar depuis le début, j’ai passé les trois derniers mois à Dakar.

Comment avez-vous vécu cette période ? Était-ce une période simple pour vous ou une période compliquée ?

Elle a été très heureuse parce que cela faisait plusieurs années que je n’avais pas eu le loisir de rester au même endroit plus de deux semaines. J’ai pu faire l’expérience de la crise ici et de choses que l’on ne peut faire que lorsque l’on est sédentaire.

Qu’est-ce que cette crise sanitaire a évoqué pour vous ?

Obligatoirement, on est bien obligés d’y réfléchir et d’avoir une lecture lucide de la réalité, ce qui n’est pas une chose simple puisqu’on est en train de la vivre. En même temps, on est obligés aussi de faire l’expérience de la crise dans sa quotidienneté. Et, ici au Sénégal, on a dû réfléchir à ce qu’on pouvait faire au point de vue économique, intellectuel, individuel, sociétal. Et ce que je trouve intéressant, c’est que j’étais obligé à la fois d’essayer de produire plus et de réfléchir dans l’action journalière.

Et, d’un point de vue plus général, quelle a été votre réflexion sur cette crise par rapport aux métiers en première ligne ? Je sais que vous vous intéressez beaucoup aux métiers du care qui sont majoritairement occupés par des femmes. Vous vous rapprochez de la pensée féministe par rapport à cela. Qu’est-ce que cela a évoqué pour vous de voir ces métiers en première ligne ?

Pour nous, les économistes, on a bien été obligés de réfléchir à ce qu’était une bonne économie pour une société et ce qui était fondamental et essentiel. Je pense qu’on a tous fait l’expérience de l’arrêt de la production industrielle du monde, donc 80% de la production s’est arrêté et de nous rendre compte que les métiers qui étaient les moins bien rémunérés semblaient être les plus essentiels lorsqu’on était en temps normal et aussi en temps de crise. Je pense que cela a induit une réflexion sur leur valeur.

La grande difficulté de la réalité, c’est qu’elle a une épaisseur et que, depuis des siècles, pour l’appréhender, on l’a divisée en micro-portions et les sciences humaines et sociales se sont spécialisées. La grande difficulté que nous avons, c’est d’avoir un regard global englobant

Donc, sur le marché du travail, qu’est-ce qui est valorisé ? Qu’est-ce qui était bien rémunéré ou pas ? Sur la manière dont la richesse est redistribuée. Sur l’importance, la corrélation à laquelle ces métiers étaient confrontés ou pas. Je dirais plus globalement sur une réévaluation globale des fonctions de l’économie, de ses modes de production, de ses modes de relation et ce qui était essentiel ou accessoire et comment réinscrire cette économie dans le vivant de manière beaucoup plus harmonieuse. Cela a été une réflexion obligée de la plupart des économistes et la crise ne nous a pas laissé le choix même si le débat existait déjà.

►►► A lire : Dominique Méda: "Les métiers ultra féminins, ultra mal payés nous permettent de continuer à vivre"

On entend que, pour vous, cette question de l’économie du vivant, c’est quelque chose d’important. Qu’est-ce que vous pouvez dire à travers cela ?

On est dans un système économique qui accroit l’entreprise avec un grand E. Bien évidemment, on est dans une ère que l’on appelle anthropocène, on est dans une économie qui n’est pas durable, qui affecte négativement le biotope, qui rejette plus de déchets dans l’atmosphère que ce qui n’est pas absorbé et qui accélère le processus d’entreprise du vivant.

Et c’est une chose que l’on sait, depuis les années 70 au moins, il y a toute une littérature autour, cette économie avait du mal à s’auto-réguler et la question fondamentale qu’elle pose, c’est celle de la durabilité et en quoi elle peut nourrir le processus du vivant parce qu’elle est un sous-ensemble du vivant et toutes les questions climatiques, toutes les questions de la durabilité, toutes les questions de l’économie verte, ce sont des questions qui nous agitent mais dont la prise charge nous semblait lointaine et que nous pouvions continuer dans le même système sans trop de dégâts.

Et là, nous nous sommes rendu compte que non en fait et que les réponses devenaient absolument urgentes et qu’il fallait que, fondamentalement, on repense le système et qu’on le réinvente. La notion d’économie du vivant et qui n’accroît pas donc l’entreprise, cela me semble, en tous cas pour tous les gens qui réfléchissent à ces questions-là, l’une des questions les plus urgentes à penser et à mettre en œuvre.

Donc, cela veut dire que vous liez économie, écologie, care. Est-ce que vous prenez plutôt une approche pluridisciplinaire pour appréhender tous ces problèmes ?

La grande difficulté de la réalité, c’est qu’elle a une épaisseur et que, depuis des siècles, pour l’appréhender, on l’a divisée en micro-portions et les sciences humaines et sociales se sont spécialisées. En fait, la grande difficulté que nous avons, c’est d’avoir un regard global englobant. On a des difficultés à articuler les différentes portions de la réalité. Aucune perspective n’est à elle seule englobante et suffisante. Elle est intéressante mais elle n’est pas la seule et les phénomènes sont à la croisée du biologique, du vivant, de l’économique, du social, du politique, de l’individuel et, pour avoir un regard lucide sur ce qui nous arrive, sur ce que nous vivons, il est impératif d’être en mesure d’articuler une réflexion pluridisciplinaire, ce qui n’est pas simple au demeurant mais elle me semble absolument importante pour une plus grande lucidité. On est obligés de regarder les choses dans leur ensemble et cette crise sanitaire ou pandémie, elle est à la croisée des phénomènes liés à notre rapport au vivant.

La notion d’économie du vivant et qui n’accroît pas donc l’entreprise, cela me semble, en tous cas pour tous les gens qui réfléchissent à ces questions-là, l’une des questions les plus urgentes à penser et à mettre en œuvre

Nous avons réduit la biodiversité, nous avons réduit les habitats des espèces animales, nous avons créé les conditions de ce que les scientifiques appellent une zoonose et en sur-espèce. En même temps, on est aussi à la croisée de nos modes de vie, de l’époque moderne ou post-moderne. Le fait que nos villes soient denses et peuplées, le fait que la mobilité internationale et globale soit devenue une réalité, c’est à la croisée de ces phénomènes-là que les épidémies ont pu avoir une telle ampleur. Le fait que le virus existe ne crée pas l’épidémie. L’épidémie est aussi accélérée par notre rapport à la vie, par nos modes de vie et le type de société que nous avons. On est obligés, si on veut vivre ce qui nous arrive au présent, d’articuler plusieurs regards qui viennent de plusieurs disciplines.

Au regard de ce que vous venez d’expliquer sur le côté globalisant de la pensée, est-ce que nos élites politiques qui réagissent dans l’urgence ont-elles les grilles de lecture pour vraiment répondre à ces problèmes ? Est-ce que finalement cette crise aussi interroge la question du pouvoir ?

Elle interroge la question de savoir, en fait, sur quoi le pouvoir se fonde. Les sociétés modernes ont prétendu, je pense à juste titre, que le pouvoir se fondait sur le savoir. Il se trouve qu’au plus fort de la crise, la question qui s’est posée à tout le monde, c’était "quelle était la bonne lecture, quel était le bon savoir, quelles étaient les temporalités nécessaires pour produire un savoir utile". Un certain nombre de pays n’ont pas voulu apprendre de la Chine au tout début. Ils ont un peu rigolé, ils se sont un peu moqués. Ce sont les pays occidentaux qui savent et, généralement, c’est eux qui disent ce qu’il faut faire et ils ont perdu un temps précieux qui était un temps d’apprentissage.

Ensuite, lorsqu’il a fallu dire aux populations ce qu’il fallait faire, les pouvoirs politiques n’ont pas voulu s’inscrire dans une forme d’humilité et de relativité. On devait apprendre sur le tas, on n’était pas sûr de tout, il fallait réviser ses propres jugements, ses croyances et ses savoirs. Généralement, le pouvoir renvoyait le sentiment de maîtrise et de contrôle et ce n’était pas le cas. Et l’information évoluait et la situation n’était pas donc la même. Et là, dans certains pays, il y a un certain nombre de décisions qui n’étaient pas très intelligentes à annoncer et les gouvernements ont du mal à revenir là-dessus parce qu’ils se sont trompés. Il fallait reconnaître leurs erreurs et il fallait les dire à tout le monde dans un processus transparent et démocratique.

On est dans un processus d’apprentissage, on a besoin de temps, on a des hypothèses qu’il faudra qu’on étaye, on peut revenir là-dessus et nous sommes dans cet espace-là où notre savoir, qui est généralement assuré, est fragile et nous devons le reconstituer. Et c’était intéressant de voir les processus de constitution de savoir, les différentes temporalités, il fallait répondre à l’urgence et donner le sentiment qu’on maîtrisait la situation. Et il fallait aussi donner le sentiment que, du point de vue de la gouvernementalité, on savait ce qu’on était en train de faire et tous les biais, toutes les incertitudes qui sont en principe dans le processus de constitution du savoir, il fallait les éliminer parce que ce n’était pas apparemment leur rôle tel qu’on le concevait et ça, dans ces dossiers-là, c’est aussi intéressant d’observer comment la géopolitique des savoirs, comment elle s’est exprimée durant cette crise dans différents lieux.

Vous parlez de remise en question des hiérarchies professionnelles, vous parlez aussi d’européocentrisme, d’un nouveau regard sur l’économie, vous prenez un regard changeant sur une série de choses et qui se confirment aussi. Ce changement ne s’est pourtant pas confirmé quand on a vu l’Europe juger l’Afrique sur l’arrivée funeste de ce Covid 19. Cela allait être forcément catastrophique et on a vu évidemment que l’on s’était trompés. Est-ce que cela répond aussi à ce que vous venez d’expliquer sur la manière dont on percevait la Chine ? Là maintenant, comme on perçoit l’Afrique. Est-ce que c’est quelque chose qui vous a fait réfléchir pendant cette crise ?

Le continent n’avait pas beaucoup de cas, il n’en a toujours pas énormément. Il n’y avait pas de problème de mortalité et, pendant que les pays occidentaux étaient l’épicentre de l’épidémie, au lieu de s’inquiéter pour leur situation nationale qui était inquiétante, ils s’inquiétaient pour nous, pour une mort qui n’était pas là, une mort qui nous était promise et qu’il allait advenir des déclarations fracassantes du secrétaire général de l’ONU, Guterres, de Mélinda Gates, du directeur de l’OMS qui nous demandaient de nous réveiller.

Un certain nombre de pays n’ont pas voulu apprendre de la Chine au tout début. Ils ont un peu rigolé, ils se sont un peu moqués. Ce sont les pays occidentaux qui savent et, généralement, c’est eux qui disent ce qu’il faut faire et ils ont perdu un temps précieux qui était un temps d’apprentissage

Cela nous promettait des millions de morts à coup sûr et, les semaines passant, ces morts ne nous arrivent pas. C’est comme si, dans l’inconscient collectif, on avait du mal à admettre que l’Afrique ne s’en sorte pas trop mal puisque la place assignée à l’Afrique, c’était la place du handicap et du manque. Et dans les représentations et dans l’imaginaire, on ne pouvait pas faire face à cette pandémie-là. Il n’y avait pas de structure de santé, c’était le lieu de tous les déchets et de tous les handicaps. On oublie en fait que le continent a une longue expérience dans la gestion des maladies infectieuses. On avait l’impression en fait qu’il avait pris des mesures drastiques très tôt (fermer les écoles, les aéroports, etc…) et qu’il savait apporter des réponses à des situations de ce genre et que sa réalité, ce n’était pas ce que l’on avait articulé dans les représentations et ce qui est d’autant plus intéressant, c’est que les représentations envoient des messages tellement puissants qu’elles ont congédié la réalité. Au lieu d’observer les choses dans leur dynamique, on s’est accordé à nos réalités et durant longtemps.

Et, vers la fin, au bout de deux mois et demi, et bien, on dirait qu’il s’en sort. Qu’est-ce qui se passe au sein des sociétés civiles, quelles sont les réponses apportées. Mais quand même, l’hécatombe n’aura pas lieu mais on entend que la crise économique, la famine va arriver, elle va vous décimer. Et là aussi, c’était hyper intéressant d’observer la manière dont l’altérité était produite, comment l’autre avait le rôle de repoussoir frontal pour se rassurer soi-même en fait et il fallait un double inverse, c’est dans le miroir, il fallait quelqu’un qui représente la droiteur absolue et là, je n’exagère pas, quelles que soient les difficultés auxquelles on a prise, avoir le sentiment que d’autres sont dans une situation pire. Et là, ce n’était pas le cas.

Peu importe, en fait, que ce soit des Africains, des Asiatiques, des Européens qui décèdent, les morts sont une tragédie humaine et, en fait, on ne le souhaite pas qu’elle que soit la géographie d’où ils viennent et c’est ça la vraie question. On devrait être en capacité de se réjouir que, dans certains espaces, il n’y ait pas beaucoup de décès parce que c’est une pandémie globale qui touche l’humanité et la question était pour nous de savoir comment est-ce que nous y répondions, comment est-ce que l’humanité y répondait. Et là, chacun s’est replié dans ses représentations étroites, son territoire, sa géographie, le sentiment identitaire des gens qui lui ressemblent et, nous, nous avions le rôle d’être ce lieu des limbes et des gouffres éternels.

Ça, c’est absolument intéressant à représenter car on pensait qu'on n'en était plus à de l’afro-pessimisme, on s’est rendu compte que si. Il suffit qu’il y ait une pandémie pour que toutes les représentations négatives sur le continent remontent. Ça ne veut pas dire que le continent n’a pas de défi à relever, il en a. Mais le discours qui a été projeté sur lui était de loin totalement déconnecté d’une réalité qui ne semblait pas avoir d’importance en fait. Le récit était plus important que la réalité.

Quel impact, selon vous, peut avoir ce discours misérabiliste justement sur l’Afrique ?

Heureusement, je pense qu’il n’a plus grand impact vis-à-vis des Africains qui font face à leurs défis. Moi, j’étais au Sénégal. Je vois avec les ingénieurs qui sont en train de fabriquer des respirateurs pas chers, ceux de l’école polytechnique. Les designers et les couturiers ont fabriqué des masques en quantité à des prix pas chers. On n’a pas attendu les Chinois, on n’était pas dans une guerre des masques ridicule.

Les académiques, les économistes, les sociologues, les juristes, les médecins ont constitué des découpes de travail, des task force pour apporter des corrections importantes à la lutte contre les effets du Covid dans tous les domaines de la société et j’étais très heureux de me rendre compte que la société se prenait en charge et que bien évidemment nous avons les jeunes gens que nous devons élever dans le respect d’eux-mêmes et dans l’estime d’eux-mêmes et nous ne devons pas laisser le récit contrôlé par les autres.

Ce que je trouve intéressant, c’est qu'il y a une jeunesse blanche libérale qui vient faire jonction avec les mouvements anti-racistes noirs classiques et ce qui me fait espérer, c’est que j’ai l’impression que nous sommes à l’aube d’une nouvelle prise de conscience, d’une nouvelle génération qui n’a plus envie que le monde qui sera le sien soit celui dont on fait l’expérience actuellement. 

Nous ne devons pas laisser le récit nous noircir à souhait ou par excès. Donc, il faut travailler dans l’espace du récit mais, dans l’urgence, le plus important, c’était de retrousser les manches et de contribuer à apporter des réponses aux difficultés des autres. Nos récits, ce n’était pas le plus urgent donc. Bien évidemment, il faut répondre de temps à autre et pas tout le temps mais je pense que la meilleure réponse que nous continuons à apporter, c’est vraiment de se mettre au travail et de faire du continent un lieu de bien-être, de vie digne et de ses propres défis.

Justement, à la différence de cet afro-pessimisme, le Sénégal a eu une réponse intéressante avec la société civile et vous y avez participé. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

En fait, avec un groupe d’économistes, nous nous sommes dit dès le début de la crise, il y a des aspects sanitaires importants donc les médecins sénégalais sont en train de les prendre en charge. Ils ont eu une grosse expertise mais nous, économistes, on doit anticiper les effets de la crise sur la vie économique : les transports, le tourisme, l’hôtellerie, bien évidemment c’était les secteurs qui étaient les premiers affectés. Mais le secteur dit "informel" qui emploie énormément de gens, les ménages les plus vulnérables et on a commencé à réfléchir à des nouvelles mesures appropriées et adéquates et on a demandé un rendez-vous au ministre de l’Economie qui nous a reçus et on lui a proposé notre aide. Et il a accepté que nous travaillions en bonne intelligence avec les services du ministère, ce qui a été fait.

On devrait être en capacité de se réjouir que, dans certains espaces, il n’y ait pas beaucoup de décès parce que c’est une pandémie globale qui touche l’humanité et la question était pour nous de savoir comment est-ce que nous y répondions. Et là, chacun s’est replié dans ses représentations étroites, son territoire, sa géographie, le sentiment identitaire des gens qui lui ressemblent et, nous, nous avions le rôle d’être ce lieu des limbes et des gouffres éternels

Donc, on a eu accès aux bases de données. On a pu apporter notre contribution et, dans le plan qui a été fait, beaucoup d’éléments de notre correction ont été retenus. Donc, on a été très, très heureux de voir que, en temps de crise, on pouvait articuler ce genre de proposition où la société civile, le monde académique apportait sa contribution à des réponses que le gouvernement était prêt à articuler. Et donc, il y a eu un plan qui a été mis en œuvre. On a continué le travail et puis on a continué à réfléchir à l’économie après crise. Quel type d’économie, quel type de restructuration, quel type de réponse apportée d’un point de vue structurel pour ne plus être dans une vulnérabilité qui est la nôtre et le manque d’autonomie qui est le nôtre. Et puis on a un certain nombre de défis qui sont apparus absolument urgents et comment on devait y faire face.

Justement dans votre livre "Afrotopia", vous critiquez cette image dont on vient de parler négative du continent africain, un continent qui serait sous-développé entre guillemets. Vous questionnez aussi ce mythe du développement avec les chiffres qui l’accompagnent, des chiffres sur le PIB. Alors comment est-ce qu’on peut expliquer aussi que, justement, ce mythe continue à persister alors que vous venez d’expliquer aussi, notamment avec le Sénégal, qu’il y a eu des réponses qui étaient des réponses efficaces. Pourquoi ce mythe continue à exister ?

Parce qu’il est puissant en fait, parce qu’au sortir de la seconde guerre mondiale, le concept a été vulgarisé par le président américain Truman et toutes les aspirations vertueuses des sociétés ont été intégrées dans ce mot valise et on oublie juste que le développement est une réponse qu’une société donne à un moment donné à ses défis et à ses besoins. Une réponse qui a plus ou moins été adéquate mais que cette réponse, dans toutes ses dimensions, elle n’est pas valable en tous points et en tous lieux et elle n’est pas la seule moralité de réponse.

Répondre aux défis sociaux, c’est une constante des sociétés humaines. Les modalités de réponses, elles sont plurielles. On peut en emprunter dans d’autres géographies, dans d’autres histoires, dans d’autres cultures et les adapter. Mais l’histoire a démontré que l’on ne peut pas ériger une moralité de réponse comme la seule et donc c’est là où le développement continu idéologique lorsqu’on vient plaquer des procédés, des réponses, des histoires économiques, sociales, culturelles et politiques des pays. C’est pour cela que ça ne fonctionne pas, plus ou moins.

Parmi à peu près 200 pays qui étaient candidats au développement à l’occidentale, il y a deux pays qui ont quitté la catégorie "pays à revenus faibles" et ils sont allés dans la catégorie "pays à revenus élevés". Il y a 13 pays qui sont dans la catégorie "revenus intermédiaires". Et cela ne marche tellement pas que ceux qui s’en sortent, on les affuble du terme "miracle asiatique". Si c’est miraculeux, ça veut dire que pour l’essentiel ça ne fonctionne pas. Et donc, cela veut dire qu’il y a vraiment une réflexion profonde à mener sur comment est-ce qu’on peut apprendre des calques, des modèles sociétaux en faisant fi de l’histoire culturelle, l’histoire économique ou de solliciter les coûts sociaux.

Il faut relever les défis de l’éducation, de la santé, de la dignité humaine, de l’économie, etc, etc, il faut les relever mais les modalités de réponse, elles sont plurielles. Et les nations qui sont candidates à relever les défis doivent se fonder sur une pluralité d’archives, empruntées intelligemment au monde. C’est ça le vrai développement, on ne développe que ce qui est en soi en potentialité et on l’amène à un état de maturité. On est dans de l’enveloppement. Et, en Amérique latine, ce concept a été déconstruit et il y a des pays qui ont produit des innovations conceptuelles intéressantes.

Il faut dire que cette notion-là, elle déborde de l’économie, elle prenait en compte d’autres dimensions de l’être, l’écologie, l’imaginaire, la culture et qu’il ne faut pas être totalement déconnecté de l’endogénéité et ne pas confondre endogène et indigène. Le développement en Europe a été un développement endogène qui est fondé sur ça. Il ne faut pas considérer que, pour chaque problématique, il y a une réponse unique qui est valable en tous points et en tous lieux.

Cela ne marche tellement pas que ceux qui s’en sortent, on les affuble du terme "miracle asiatique". Si c’est miraculeux, ça veut dire que pour l’essentiel ça ne fonctionne pas

On le voit, vous revenez systématiquement à cette approche globale, complexe. Et, concernant la place des arts et de la science, quel rôle peuvent jouer ces disciplines pour procurer peut-être du confort ou du réconfort aujourd’hui pour les individus qui ont souffert de cette crise d’une manière ou d’une autre ?

En fait, pour les sociétés humaines, il y a les conditions de vie. Je dirais, l’économie, même l’écologie et il y a des autres qui s’occupent des raisons de vivre, du sens de l’existence. Une fois qu’on a répondu à nos besoins fondamentaux, une fois qu’on s’est nourri, qu’on s’est vêtu, qu’on a vécu dans des endroits sécurisés, que faisons-nous du temps qui nous est consacré ? Quelles sont les finalités que nous donnons à la vie, quels sont les sens que nous explorons ? Et, dans ces temps-là, ce sont les arts, la culture, qui fondamentalement nous donnent des raisons de vivre. On ne peut pas nier l’autre, on peut s’occuper des conditions de l’existence mais il faut en même temps s’occuper des finalités de l’existence.

C’est vrai qu’on se trouve dans un monde qui a mis l’échelle des valeurs de l’avoir au-dessus des échelles de l’être, qui est dans une compétition puérile et enfantine, à celui qui a recueilli le plus de richesses, qui en produit le plus, qui sait s’accaparer au détriment des autres 

Il arrive même que des fois l’existence prend un sens beaucoup plus intéressant en dépit du fait que les conditions ne sont pas adéquates, les conditions économiques, l’organisation des villes mais que le sens profond que l’on donne à l’existence va avoir un sens riche et plein. En tant qu’humains, nous avons maîtrisé la nature, nous avons beaucoup évolué en maîtrise de la technique, en notre capacité d’agir sur le réel mais nous avons peu progressé de manière subtile, nous avons peu progressé du point de vue relationnel et du point de vue des finalités du vivre ensemble et les deux doivent être articulés ensemble et ne pas oublier quels sont les ordres qui doivent être ceux qui indiquent des sens et des directions et l’une des crises que nous vivons, bien qu’elle s’exprime en termes de crise économique, de finalité, c’est d’abord une crise philosophique, une crise éthique et une crise du sens. C’est cette crise du sens qui fait que les ordres inférieurs ont pris le pouvoir et déterminent la marche du monde.

Justement, comment est-ce que l’art peut changer la perception qu’on peut avoir de l’Afrique notamment ? Est-ce que cela peut changer les imaginaires ?

C’est une question difficile parce que j’ai le sentiment qu’en fait, la question fondamentale n’est pas tant de changer la perception qu’on a de l’Afrique. Ou, en tous cas, les Africains ne doivent pas investir le plus gros de leur effort dans le fait que les autres changent leur perception. Pour la question des arts, le sentiment que j’ai, c’est que le continent africain de tous temps a disséminé dans sa production artistique dans le monde. Quand les Africains étaient pris, mis dans les cales, réduits en esclavage, amenés dans le temps dans les Amériques, ils ont quand même amené là-bas leur art et leur culture et ils ont influencé de manière douce la plupart des formes d’expression artistique. La musique, c’est évident. Et cela me semble un rapport intéressant à autrui puisque cette puissance d’irradiation et de dissémination de leur production à des sites est culturelle, elle ne s’est jamais démentie y compris durant les moments les plus sombres de leur histoire.

Et je pense que la profession artistique a ceci d’intéressant, c’est qu’elle vous invite sans vous contraindre. En fait, la seule pression qu’elle peut exercer sur vous, c’est celle du ravissement, c’est le fait que vous soyez convaincus par la puissance, par la beauté, par la subtilité et la sensibilité de ce qui vous est produit mais vous avez un espace de liberté absolue d’y aller ou pas. Et je pense que c’est un bon médiateur des rapports humain. Les cultures qui m’intéressent le plus, elles m’ont séduites par leurs productions littéraires, cinématographiques, artistiques mais elles n’ont exercé aucune violence à mon endroit. Je pense que le continent produit cela depuis tous temps et c’est juste un problème d’échelle d’évaluation des valeurs.

C’est vrai qu’on se trouve dans un monde qui a mis l’échelle des valeurs de l’avoir au-dessus des échelles de l’être, qui est dans une compétition puérile et enfantine, à celui qui a recueilli le plus de richesses, qui en produit le plus, qui sait s’accaparer au détriment des autres. Je pense que si on inversait l’ordre des valeurs et qu’on mettait des valeurs esthétiques à leur place et qu’on mettait les valeurs de qualité relationnelle à leur place, le regard que l’on pose sur les autres évoluerait ou changerait.

C’est très intéressant et vous parlez de pollution du mental, de pollution du regard. Comment réussir à se décrasser de tout ça pour regarder la beauté, regarder l’autre autrement ?

Je pense qu’il y a des ordres de la représentation qui sont du discours, le langage, le récit, le cinéma, le théâtre, les médias et qu’il y a un travail fondamental à faire dans les contenus que ces ordres produisent lorsqu’ils produisent un regard qui articule l’altérité. Il y a un travail à faire dans les livres d’histoire pour qu’on ait une histoire globale et mondiale beaucoup plus riche. Il y a un travail à faire lorsqu’on fait des films sur les autres, lorsqu’on aborde les cultures des autres. Il y a un travail à faire dans la littérature, il y a un travail à faire à la télévision et les artistes ont une responsabilité fondamentale dans la manière de poser un regard et dans la manière de poser ce regard-là.

Le continent africain de tous temps a disséminé dans sa production artistique dans le monde. Quand les Africains étaient pris, mis dans les cales, réduits en esclavage, amenés dans le temps dans les Amériques, ils ont quand même amené là-bas leur art et leur culture et ils ont influencé de manière douce la plupart des formes d’expression artistique

Des individus, des groupes d’humains ont été éduqués ou même déséduqués durant de longues décennies à regarder les autres. Rappelons-nous que le premier regard qui a été posé sur nous, cela a été un regard à travers les expositions coloniales jusqu’au milieu du 20è siècle, jusqu’en 1930, dans des zoos humains, exhibés, que la bonne société venait voir le dimanche. On a compté jusqu’à un milliard d’individus. Le rapport aux autres a été construit par cette médiation-là, extrême, et si on reprend l’histoire de la littérature et qu’on regarde la littérature des uns et des autres, on trouve ces représentations-là, qui ont nourri l’imaginaire. Je pense qu’il faut faire un travail. Là, il y a un travail important à faire de déconstruction de ces imaginaires-là.

Regardez les reportages qui sont encore projetés sur nous par les ONG, c’est un regard misérabiliste qui continue à être articulé sur le continent. Et là encore, j’insiste, il ne s’agit pas de nier ces défis, mais il s’agit d’éviter le biais du regard principalement misérabiliste, regard qui vient de l’extérieur qui reproduit des fantasmes et des catégories qui sont là, qui ne sont pas déconstruites. Il y a un travail à faire dans tous les espaces discursifs, dans les espaces du récit et dans les espaces de la représentation et, surtout, c’est un travail à faire de part et d’autre et c’est aussi à nous, Africains, de nous réapproprier la production d’images, de discours, de récits de regards sur nous-mêmes, de ne pas laisser l’espace libre à une production que j’appellerais exogène.

La perception de cette altérité, elle est liée à une prévalence d’une forme de colonialité, c’est ça aussi que vous dites ?

Ah oui, la colonialité, c’est un travail, un processus qui est en cours. On ne peut pas imaginer que, après plusieurs siècles de domination coloniale qui s’est fondée sur plusieurs ordres, des ordres du savoir, des ordres militaires, des ordres systémologiques, des ordres économiques, des relations d’asymétrie et d’assujettissement, qu’en 50, 60 ans que cela disparaisse. Les mécanismes qui ont prévalu à cette situation-là, ils continuent à subsister. Il y a une colonialité qui est latente, qu’il faut traquer dans plusieurs lieux et qu’il faut, je dirais plus patiemment, déconstruire pour fondamentalement articuler une nouvelle forme de relationnalité. Et ça, c’est un processus.

Lors des indépendances, moments historiques, le colon est parti mais il ne désirait pas partir. Quand il a su qu’il ne pouvait plus rester dans la modalité de la domination militaire, il est parti mais il a mis en place des structures qui maintenaient des relations asymétriques : extraire des matières premières, soutenir des élites qui vont défendre leurs intérêts, etc, etc… Assurer sa place dans l’ordre des imaginaires et de représentation, mettre ses universités, ses savoirs ou procéder à des extrêmicides, etc, etc… Et il y a tout un travail de déconstruction vers une relation saine, équitable, mutuellement respectueuse et ce travail, il est en cours mais il relève du processus.

►►► A lire : Colonisation: aux origines de l'hypersexualisation des femmes noires

Justement, que dites-vous à ceux qui considèrent qu’il faut tourner la page et que cela fait partie du passé ?

On ne peut pas toujours avoir le regard qui est rivé sur le passé, bien évidemment, parce que la question qui nous intéresse, c’est la question de construire le présent et le futur. Mais on ne peut pas faire comme si les sociétés n’étaient pas actionnées par leur histoire. Et on ne peut pas évacuer l’histoire d’un revers de la main comme si elle n’existait pas. Aujourd’hui, je vous parle français, c’est un fait d’histoire. Et l’histoire, elle est là au présent. Et justement, pour tourner la page, il faut faire ce travail de déconstruction, de réparation, etc, etc… pour être en mesure d’accéder à un autre stade de la relation.

Mais ça ne se décrira pas par des slogans. A mon avis, l’actualité nous le montre. Nous sommes en pleine actualité qui nous montre ici l’histoire. L’histoire, ce ne sont pas des slogans qui la défendent. Mais ce sont des vraies révolutions sociétales, c’est une prise de conscience aussi et une marche de la société dans différents étages de l’être social et dans les profondeurs de la psychologie sociale. Nous sommes en pleine résurgence des avatars de l’histoire actuellement.

Justement, vous parliez de faits d’actualité et de résurgence de l’histoire avec ce qu’il se passe aux Etats-Unis et le Black Lives Matter. Est-ce que vous pensez que cela fait écho à justement cette histoire qui continue à produire ses effets ?

La lutte pour les droits civiques américains a eu plusieurs épisodes et il y a eu des progrès indéniables. Mais, manifestement, cette histoire n’a pas fini de produire ses effets et c’est intéressant. L’esclavage, qui en est la matrice ancienne, on aurait pu se dire "c’est une vieille histoire" mais on se rend compte que non, en fait. Elle continue à travers le passé colonial, à travers les discriminations, à travers la manière dont la société a affronté cette histoire-là.

Elle continue à produire des effets dans le temps longs et il faut beaucoup plus de temps, beaucoup plus de révolutions, beaucoup plus de changements pour que la société américaine nous fasse pleinement face et qu’elle modifie ses structures imaginaires et qu’elle modifie son architecture dogmatique pour faire en sorte que cette histoire-là soit définitivement enfin derrière nous. Je pense que ce que nous sommes en train de vivre, c’est un nouvel épisode de ce long chemin qui est le chemin de déconstruction d’une société qui s’est aussi construite sur la traite des noirs. Cette histoire continue de produire une idéologie raciste de suprématie blanche, certains types de représentations qui font que, quand le corps qui est sensé assurer la sécurité de tout le monde est gangréné, on a des situations comme celles que nous vivons actuellement.

Mais ce que je trouve intéressant, c’est que là il y a une jeunesse blanche libérale qui vient faire jonction avec les mouvements anti-racistes noirs classiques et ce qui me fait espérer, c’est que j’ai l’impression que nous sommes à l’aube d’une nouvelle prise de conscience, d’une nouvelle génération qui n’a plus envie que le monde qui sera le sien soit celui dont on fait l’expérience actuellement.

Alors, je vais vous demander pour arriver tranquillement vers la fin de cet échange très intéressant et qui fait partie d’une série qui s’appelle "Réparer le futur", comment est-ce que vous le voyez en quelques mots cet avenir avec une multitude de crises qui sont liées à la santé, qui sont liées au climat financier, politique ou à la crise des réfugiés, comment est-ce que vous le voyez en quelques mots cet avenir ?

Je pense qu’au 18è, 19è siècle jusqu’au 20è siècle, on était pris dans l’idéologie du progrès. La modernité avait fait une grande promesse aux sociétés humaines, celle d’un progrès linéaire infini, nous allions toujours vers un mieux. Je pense qu’on est revenus de cette histoire-là. On sait qu’effectivement, nous avons des avancées dans des domaines mais que l’avenir est le lieu de surgissement des possibles et les possibles peuvent être antinomiques et contradictoires. Du coup, ces derniers temps, on est quand même dans un temps où l’avenir n’avait plus de promesses si ce n’est la promesse d’un changement climatique et que toute notre réflexion a été de dire comment redonner à l’avenir un caractère prometteur. Donc, du coup, je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait et je me dis que, fondamentalement, l’avenir est non configurable.

Et dès l’instant qu’il est non configurable, pour moi ce qui est important, c’est quel est l’intentionnel, quelle est la charge, quelle est la théologie, dans quel sens j’agis pour faire advenir l’avenir que j’ai envie de voir à venir. Donc, parmi les possibles qui peuvent surgir, quels sont ceux qui m’intéressent et ceux qui m’intéressent, je les ai identifiés, c’est un avenir où on sort de nos identités étriquées, où on partage plus équitablement les ressources de cette planète, où on articule un rapport au vivant qui est beaucoup plus harmonieux, qui est beaucoup plus intelligent, où on sort d’un certain nombre de problèmes comme le racisme, la colonialité, les inégalités, etc, etc…

Et la question qui est pour moi fondamentale, c’est quels sont les champs d’action, les champs de travail pour mettre assez d’énergie dans le temps présent pour que cet avenir-là puisse advenir. Donc quelles sont les forces qu’il faut mettre en coalition, quels sont les lieux, les espaces d’investissement pour que, parmi les options qui s’offrent à nous, on mette assez de volonté, assez d’énergie, assez de travail pour que l’option qui nous semble la plus lumineuse advienne. Donc, du coup, j’ai cessé d’envisager l’avenir. Je suis plus dans la réflexion sur comment faire advenir la virtualité de l’avenir qui m’intéresse.

Et justement, quel message vous pouvez dispenser à cette jeunesse ?

Je veux dire que le monde est la résultante de leurs actions. Le monde qui est devant eux est un monde à faire et que la genèse, elle est toujours renouvelée, que c’est un monde à construire, que c’est un monde à réinventer. Et je pense que le fait qu’on ait vu énormément de jeunes dans les manifestations de ces dernières semaines, on les avait vus aussi dans les manifestations sur le climat, prouve qu’il y a une repolitisation de la conscience de la jeunesse parce qu’on a quand même déploré le fait que cette jeunesse-là nous semblait moins politisée que celle des années 60/70 et j’ai l’impression que, là, il y a une sorte de prise en charge de leur avenir et c’est ça qu’il faut faire parce que le monde de demain ne sera pas produit par les gens de ma génération, les gens plus âgés que moi. Il sera produit par eux et que, justement, il sera le résultat de ce qu’ils en feront, eux, et que l’avenir demeure ouvert et, à mon avis, c’est un message important et voilà, ils peuvent en faire ce qu’ils souhaitent en faire et que c’est à eux de le produire et de le réinventer.

Je pense que ce sera le mot de la fin et c’est un message d’espoir. Merci beaucoup, Felwine Sarr, d’avoir été parmi nous et merci pour cet échange.


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Déconstruire les masculinités toxiques (2/4): "Je suis un monstre qui vous parle" , article femmes hommes, egalite,

29 Juillet 2020, 20:56pm

Publié par hugo

 Déconstruire les masculinités toxiques (2/4): "Je suis un monstre qui vous parle"
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Une chronique de July Robert
 Publié le mercredi 22 juillet 2020 à 09h42
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Cet été, Les Grenades décortiquent les stéréotypes de genre qui engendrent des comportements masculins toxiques. Quatre articles pour creuser le sujet et faire valser les étiquettes. Parce que l'égalité femmes-hommes passe aussi par une remise en question des rôles sociaux qu’endossent ceux qui forment la moitié de la population. Pour ce deuxième article, intéressons-nous à l'auteur Paul B. Preciado qui critique la binarité qui nous enferme.

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Premier article - Déconstruire les masculinités toxiques: "Sois fort, ne pleure pas"

Né Béatriz Preciado en 1970 dans une Espagne encore franquiste, Paul B. Preciado est diplômé de la prestigieuse université américaine de Princetown. Philosophe, chercheur associé à l’université Paris VIII, il est aujourd’hui une des voix reconnues du mouvement féministe queer à travers le monde francophone. Mais ses réflexions portent bien au-delà de la seule question du genre.

S’affirmant longtemps comme lesbienne, Béatriz Preciado fut la compagne de Virginie Despentes avant d’entamer un long processus de ce qu’il nomme aujourd’hui une libération. Creusant un long tunnel, il a tracé sa voie vers la liberté et l’affirmation de sa transsexualité en s’injectant de la testostérone afin de sortir de la "cage politique" dans laquelle la société hétéro-patriarcale l’avait enfermé. Une démarche salvatrice.

Puisque dans le cirque du régime binaire hétéro-patriarcal, les femmes ont alternativement le rôle de belle et celui de la victime, et puisque je n’étais et ne me sentais pas capable d’être l’une ou l’autre, j’ai décidé de cesser d’être une femme. (…) Je sentais que, à force d’être écrasé entre les deux murs de la masculinité et de la féminité, je finirais par crever, inévitablement

Une binarité qui n'est plus d'actualité
"Je suis un monstre qui vous parle" est la retranscription de sa récente prise de parole devant 3500 psychanalystes réuni.es à Paris à l’initiative de l’École de la cause freudienne. La thématique de la journée était "Femmes en psychanalyse".

Régulièrement coupé, interrompu et hué, ce jour-là, Paul B. Preciado n’a pas eu l’opportunité d’aller au bout de son discours. Au cours de celui-ci, il affirme avoir fait le choix conscient de faire de sa vie une légende littéraire, un show biopolitique, plutôt que de laisser la psychiatrie, la pharmacologie ou encore la médecine construire une représentation de lui en tant qu’homosexuel ou de transsexuel.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Et c’est précisément cette prise de position qui lui vaut d’être conspué par une grande majorité du monde académique. Ayant toute sa vie étudié les "différents types de cages sexuelles et de genres" dans lesquelles les humains s’enferment, il dénonce la société actuelle fondée sur des principes (opposition femme/homme, noir/blanc, etc) forgés et imaginés il y a des dizaines d’années. Il affirme que la binarité sur laquelle elle se base n’est plus d’actualité et qu’il est grand temps de la remettre en question.

Le temps est venu de sortir les divans sur les places et de collectiviser la parole, de politiser les corps, de débinariser la sexualité et de décoloniser l’inconscient

Quatre éléments fondateurs
Dans cette démarche, il pointe quatre éléments fondateurs de ce changement de paradigme : l’apparition de la bombe atomique qui constitue l’apparition, pour l’humain, de la possibilité de détruire la totalité de la vie sur la planète ; l’invention de la notion de genre par un pédopsychiatre américain lorsque ce dernier comprend qu’une part importante de nouveaux nés ne correspond pas au système binaire ; l’invention de la pilule contraceptive comme un système de contrôle et de régulation de la sexualité (selon Preciado, la pilule contraceptive marque l’arrivée de l’industrie pharmacologique à l’intérieur de ce système, elle qui fut introduite avec pour objectif de stopper la reproduction des races non blanches selon la pensée raciste de l’époque. Elle est donc, à l’origine, un outil d’eugénisme et de contrôle racial) ; et enfin la pornographie, devenue culture de masse après la Seconde Guerre Mondiale.

Ces quatre événements constituent pour Paul B. Preciado les jalons de ce changement sociétal auquel le monde de la psychanalyse est incapable de faire face aujourd’hui.

"Ce que je dénonce, c’est la fidélité de la psychanalyse, élaborée au cours du 20ème siècle, à l’épistémologie de la différence sexuelle et à la raison coloniale dominante en Occident", affirme-t-il dans son essai. Il y fait le parallèle, voire assimile, le processus de binarisation des corps à celui des frontières nationales et qualifie ainsi la transition de genre comme un processus de décolonisation du corps dont un des objectifs, moins personnel, est donc pour lui la déconstruction du patriarcat hétéro-colonial.

►►► A lire : Colonisation: aux origines de l'hypersexualisation des femmes noires

Enthousiaste face aux mutations actuelles de la différence sexuelle, le philosophe se positionne comme "un lanceur d’alerte de la violence épistémologique de la différence sexuelle et comme chercheur d’un nouveau paradigme". Selon lui, cela ne peut se faire que par une mutation révolutionnaire de la psychanalyse et un dépassement des présupposés patriarcat-coloniaux.

Empêché de prononcer l’entièreté de son discours à l’époque, Paul B. Preciado entend aujourd’hui par la publication de son texte dans son intégralité, élargir le débat car pour lui "Le temps est venu de sortir les divans sur les places et de collectiviser la parole, de politiser les corps, de débinariser la sexualité et de décoloniser l’inconscient".

Je suis un monstre qui vous parle ; Grasset ; 10 juin 2020

Corps en transition, corps mutilés avec Paul B. Preciado et Paul Rocher

July Robert, traductrice et autrice.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_deconstruire-les-masculinites-2-4-je-suis-un-monstre-qui-vous-parle?id=10546575

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Gisèle Halimi, une grande figure du combat féministe , femmes , femisme,

29 Juillet 2020, 20:54pm

Publié par hugo

29 JUILLET 2020
DÉBATS \ Tribunes
Gisèle Halimi, une grande figure du combat féministe

Le Planning familial a appris avec tristesse le décès de Gisèle Halimi, avocate et militante pour les droits des femmes.

Nous rendons hommage à cette militante féministe engagée contre la torture et dans la défense des militant·es du FLN, et notamment de Djamila Boupacha. Gisèle Halimi a également été une figure majeure des mobilisations pour les droits des femmes, en particulier le droit à l’avortement. En 1971, après le succès du manifeste des 343 femmes ayant déclaré avoir avorté, dont elle est signataire, elle crée l’association Choisir aux côtés de Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig et Christiane Rochefort. Dans un contexte où l’avortement est fortement réprimé, Choisir a pour objet d’une part la défense des femmes poursuivies pour avortement et d’autre part l’abrogation de la loi de 1920, en utilisant des moyens de lutte légaux, comme les procès.

En 1972, lors de celui qui est resté dans l’histoire sous le nom de “procès de Bobigny”, elle défend Marie-Claire Chevalier, mineure accusée d’avoir avorté alors qu’elle était enceinte suite à un viol, ainsi que sa mère et les personnes l’ayant aidé à avorter. Le talent et la force de Gisèle Halimi sont d’avoir fait que ce procès devienne non plus celui d’une femme et de celles qui avortent mais le procès de l’avortement clandestin. Ajouté aux mobilisations féministes, cet événement a été un accélérateur pour la dépénalisation de l’avortement, finalement obtenue dans la loi du 17 janvier 1975, dite loi Veil.

Ce combat est toujours d’actualité pour les droits des femmes, en France et dans le monde. Une femme meurt toutes les 9 minutes d’un avortement clandestin. Nous continuerons ce combat, en permettant à toutes/tous d’accès à ce droit, et l’améliorer.

En 1978, elle se saisit à nouveau d’un procès, celui intenté par deux jeunes femmes victimes de viol aux trois hommes qu’elles accusent, pour faire de cet événement une tribune contre le viol et faire ainsi changer les mentalités : ce ne sont pas aux victimes de porter la honte et la culpabilité d’avoir été victime de viol. Ce procès ouvre la voie vers une loi faisant du viol un crime, en 1980. Plus tard, à travers l’association Choisir la cause des femmes et la clause de l’Européenne la plus favorisée, Gisèle Halimi a porté le projet d’une Union européenne dans laquelle les femmes auraient accès aux législations qui sont les plus favorables dans les différents pays.

En luttant pour l’avancée des droits des femmes aujourd’hui, l’accès à l’avortement et une meilleure prise en compte de la parole des femmes dans les violences, en affirmant qu’aujourd’hui nous souhaitons être “Libres de nos choix”, nous lui rendons hommage.

Le Planning Familial

Nous rendons hommage à Gisèle Halimi, grande figure de la cause des femmes, décédée le 28 juillet. Elle fut une militante infatigable de la lutte anti-coloniale durant la guerre d’Algérie, où elle défendit en tant qu’avocate des militant·es du FNL.

Son engagement total, en tant que femme et en tant qu’avocate, dans le combat pour les droits des femmes, a pesé d’un grand poids dans la légalisation de l’IVG. Le Manifeste des 343 qu’elle a signé, le retentissant procès de Bobigny qu’elle a gagné, ont été autant d’étapes déterminantes dans la conquête de ce soir. Gisèle Halimi a également œuvré infatigablement pour la criminalisation du viol.

Ces combats sont encore des combats d’une actualité brûlante aujourd’hui, ce sont nos combats et ceux de milliers de femmes, des peuples opprimés, pour leurs droits, leur dignité, leur liberté.

Organisation de Femmes Égalité 

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Étiquettes : Avortement France Société


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Marine Gabriel : La Vérité au bout des lèvres , FEMMES , FEMINISME ,

29 Juillet 2020, 20:52pm

Publié par hugo

 
29 JUILLET 2020
Culture \ Livres
Marine Gabriel : La Vérité au bout des lèvres

C’est par le “ récit d’un cauchemar ” que Marine Gabriel débute son livre, La Vérité au bout des lèvres. Ce cauchemar qu’elle décrit, heure par heure, c’est celui de son accouchement. Des longues minutes de maltraitance, de souffrance, d’humiliation et de prise en charge désastreuse, tout cela vécu au sein de sa maternité. Ce que Marine Gabriel a subi, c’est ce que l’on appelle des violences obstétricales et gynécologiques (VOG). Ces violences elle a décidé, après plusieurs mois de silence, de les mettre à l’écrit et de les partager dans un livre, accompagnées de dizaines de témoignages. 

Le titre de son ouvrage est fort, La Vérité au bout des lèvres. La notion de vérité est extrêmement importante ici, car à travers son livre, la jeune autrice de 23 ans, tend à lever le voile sur ce qu’il se passe parfois, plus souvent que nous le pensons, derrière les portes des cabinets des practicien·nes en gynécologie et obstétrique. Par la nature même des consultations, pendant lesquelles les patientes se retrouvent quasiment nues, face à un·e inconnu·e, prêtes à subir des interventions toujours désagréables, les rendez-vous gynécologiques sont souvent synonymes de gêne, de stress, voire d’angoisse. Et c’est dans ce cadre que des violences, d’une effroyable diversité, peuvent survenir chaque jour et rester dans l’impunité. 

Lors d’un rapport rendu en 2018, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) identifie 6 actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétricale, des actes pouvant dans certains cas relever de violences sexistes et sexuelles. Cela comprend des injures et/ou remarques déplacées et désobligeantes sur le physique, l’appartenance sexuelle, les choix de la patiente, des interventions médicales faites sans aucune explication et non consenties (pouvant donc s’apparenter à un viol), ou encore des agressions et violences sexuelles (1).

Le rôle des témoignages, indice de la multitude des violences

L’histoire de ce livre commence sur Instagram, sur le compte @balancetonutérus que crée Marine Gabriel en avril 2019. Sur ce compte, la jeune femme souhaite donner aux femmes qui ont subi le même genre de violences qu’elle, un support pour parler et pour dénoncer. Car ce sont des expériences extrêmement traumatisantes qui sont encore très peu considérées et prises en compte par notre société, parfois même par l’entourage. “ Quand on parle de ces violences à notre entourage, elles sont toujours minimisées. On nous dit qu’on a pas eu de chance, que ça n’arrive que très rarement. Parfois, on ne nous croit même pas ”. Le réflex fut instantané, naturel : Marine Gabriel, comme d’autres, s’est tue, a menti sur le déroulement de son accouchement et s’est même remise en question. Car qui irait contredire un·e medecin ? Des personnes formées pour soigner, guérir et accompagner leurs patient·es du mieux qu’elles/ils le peuvent. Si comportement déplacé il y a, il est souvent excusable : une longue journée de travail, un stress fort, des problèmes personnels… des justifications qui délégitimisent la douleur et le traumatisme avec lequel de nombreuses femmes doivent désormais vivre. Marine Gabriel a compris que la façon dont les VOG sont aujourd’hui perçues et traitées s’insère dans un schéma sociétal bien plus fort. 


https://www.50-50magazine.fr/2020/07/29/marine-gabriel-la-verite-au-bout-des-levres/
 

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Lopa Banerjee : « Le changement est urgent et ne sera possible que si tous les pays unissent leurs forces pour obtenir l’égalité des sexes », femmes, feminisme, egalite

29 Juillet 2020, 20:37pm

Publié par hugo

 28 JUILLET 2020
Monde
Lopa Banerjee : « Le changement est urgent et ne sera possible que si tous les pays unissent leurs forces pour obtenir l’égalité des sexes »

Le report du Forum Génération Egalité (FGE) n’a pas découragé les organisatrices et organisateurs de cet événement majeur. De l’autre côté de l’Atlantique, le siège d’ONU Femmes à New York continue de travailler sur le FGE. Au cœur de ce processus : Lopa Banerjee, coordinatrice exécutive du FGE et directrice de la branche société civile pour ONU Femmes. Elle coordonne tous les aspects du Forum pour l’organisation onusienne, et représente ONU Femmes au sein de l’organe décisionnel clé du FGE, le « Core Group ».

Où en sommes-nous et que reste-t-il aujourd’hui à faire pour l’organisation du Forum ?

Compte tenu de la crise de la COVID-19, vous le savez, le FGE est reporté au premier semestre 2021. Les nouvelles dates seront annoncées dans les prochains mois. En attendant, une série d’engagements virtuels sera organisée, en collaboration avec les partenaires, afin de stimuler l’élan, la participation et l’engagement de toutes les parties prenantes.

Nous sommes convaincu·es, surtout avec cette crise qui a mis en évidence les inégalités flagrantes et systémiques dans le monde, que les objectifs du Forum sont plus importants que jamais. Toutes les personnes impliquées dans le Forum restent déterminées à mobiliser les actrices et acteurs, en particulier les jeunes, pour élaborer un programme d’actions ambitieux, pour enfin obtenir l’égalité des sexes et pour renforcer les mouvements féministes.

Avez-vous progressé sur le contenu détaillé des 6 Coalitions d’action ? Violence basée sur le genre, Justice et droits économiques, Autonomie corporelle et droits en matière de santé reproductive et sexuelle, Action féministe pour la justice climatique, Technologies et innovations pour l’égalité des sexes, Mouvements et leadership féministes.

Le contenu complet des 6 Coalitions d’action est actuellement en cours d’élaboration, avec la participation des parties prenantes. Nous devrons prendre en compte les impacts de la COVID-19 et remédier et corriger les inégalités fondamentales que la crise a exacerbées.

Certaines associations féministes françaises ont peur de ne pas pouvoir participer au FGE, et certaines pensent que les décisions sont prises à New York, que répondez-vous ?

Les décisions du FGE sont prises en collaboration avec ONU Femmes, la France, le Mexique, et leurs sociétés civiles. Ces 4 parties prenantes participent à la prise de décision, donc tout n’est pas centralisé à New York. 

La représentation de la société civile s’exprime via un groupe composé de 21 dirigeant·es de la société civile du monde entier. Chacun et chacune disposant de ses propres réseaux régionaux et nationaux. En tant qu’ONU Femmes, nous consultons aussi régulièrement nos bureaux à travers le monde, pour nous assurer que les voix de celles et ceux qui sont sur le terrain soient écoutées.

Cela dit, des améliorations sont possibles. Et nous travaillons à renforcer la voix et la participation des organisations féministes françaises locales, ainsi que le leadership actif des jeunes dans les processus de prise de décision du FGE. Nous essayons également de mettre en place des campagnes de sensibilisation et d’engagement, pour que les organisations exclues de la gouvernance du FGE puissent néanmoins contribuer à la planification et aux résultats du Forum.

Les femmes portent le plus gros fardeau de la crise actuelle, pensez-vous que la crise va changer la façon dont le monde perçoit les femmes ?

Les femmes sont en première ligne face à la COVID-19, aussi bien dans les sphères publiques que dans les sphères privées, car leur charge de travail de soins a augmenté de manière disproportionnée dans les familles et les communautés.

La contribution des femmes pour faire face à la pandémie est sans ambiguïté. À l’échelle mondiale, les femmes représentent 70% des travailleuses et travailleurs du secteur sanitaire et social. À l’échelle mondiale, les femmes effectuent 3 fois plus de travail non rémunéré et lié aux soins, que les hommes. La pandémie a ajouté de nouvelles responsabilités aux femmes et a augmenté la charge mentale. Dans de nombreux cas, l’enseignement à domicile est non seulement impossible, mais la pandémie a entraîné une augmentation du taux d’abandon scolaire des filles, car elles devaient assumer la garde de leurs frères et sœurs.

Pour que le monde puisse se reconstruire, il est essentiel que le rôle, la contribution, le leadership et la voix des femmes soient amplifiés et soutenus.

Les impacts économiques sont ressentis en particulier par les femmes et les filles qui gagnent généralement moins, épargnent moins, occupent des emplois précaires ou vivent en situation de pauvreté. La crise mondiale du COVID-19 a mis en évidence le fait que les économies officielles du monde et le maintien de notre vie quotidienne reposent sur le travail invisible et non rémunéré des femmes et des filles. La réponse politique doit inclure l’expansion des protections sociales, l’expansion des programmes de garde d’enfants et la conception de plans de relance économique, qui rendent enfin visibles et valorisent le travail non rémunéré et non comptabilisé dans l’économie formelle.

Il est aussi impératif que tous les pays luttent efficacement contre les violences domestiques et augmentent le financement des organisations de la société civile fournissant des services de protection contre ces violences.

En 25 ans, depuis Pékin, que peut-on dire de l’évolution des luttes pour l’égalité de genre ?

Depuis l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Pékin il y a 25 ans, nous avons constaté des progrès en matière d’égalité des sexes dans certains domaines, notamment dans la réduction de la pauvreté, l’accès à l’éducation, la santé et le leadership politique des femmes. Aujourd’hui, une jeune fille dans un pays en développement a beaucoup plus de possibilités que son homologue il y a 25 ans.

Mais ces gains ont été progressifs, inégaux et insuffisants. Le rapport d’examen et d’évaluation du Secrétaire général de l’ONU sur Pékin +25, avec les contributions de 167 États membres, publié en décembre 2019, a souligné les obstacles auxquels les femmes sont toujours confrontés : les femmes gagnent moins d’argent, elles risquent aussi d’être victimes de violences à la maison et dans les espaces publics. À leurs luttes s’ajoutent d’autres problèmes, comme le changement climatique.

Tout cela est désormais aggravé par les impacts sociaux et économiques de la pandémie de la COVID-19 sur les femmes et les filles. Comme l’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, l’impact de cette crise pourrait inverser les progrès qui ont été réalisés en matière d’égalité des sexes et de droits des femmes. L’impact disproportionné de la pandémie sur les femmes et les filles met en évidence l’immense travail qui reste à faire pour s’attaquer aux problèmes non résolus depuis la plateforme de Pékin en 1995.

Nous avons besoin d’une combinaison de réformes juridiques et de politiques gouvernementales audacieuses qui permettent aux femmes de lutter contre les normes sociales et culturelles discriminantes, et nous avons besoin que les initiatives et les engagements soient pleinement financés. Les actions de la communauté mondiale détermineront désormais les perspectives, non seulement de la génération actuelle de jeunes femmes, mais aussi des générations futures. Le changement est urgent et ne sera possible que si tous les pays unissent leurs forces et agissent avec détermination pour obtenir l’égalité des sexes et la justice pour toutes et tous.

Les organisations féministes sont à l’avant-garde du changement grâce à leur travail et à leur mobilisation, malgré les immenses obstacles auxquels elles se heurtent, tant financiers que politiques. Ces dirigeantes féministes considèrent la lutte pour l’égalité entre les sexes comme indissociable des luttes plus larges pour la justice raciale, les droits des travailleuses et travailleurs, la justice climatique, les droits des LGBTQI+… Et nous devons amplifier cette voix collective pour transformer nos sociétés !

Pensez-vous que l’Europe soit suffisamment ambitieuse dans sa diplomatie féministe ?

Pendant de nombreuses années, l’Europe a joué un rôle actif et de chef de file dans l’adoption d’engagements, de traités internationaux et de résolutions des Nations Unies pour protéger les droits des femmes et promouvoir l’égalité des sexes. Aussi bien sur le plan international que sur le plan national dans les pays du continent.

En plus de cette diplomatie active, l’Europe a également pris des mesures pour faire progresser l’égalité des sexes en fournissant un soutien financier et politique aux organisations de la société civile et aux gouvernements du monde entier. La Commission européenne et les différents pays européens sont des alliés solides d’ONU Femmes depuis sa création et sont des partenaires solides du FGE.

Chloé Cohen 50-50 magazine

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