In Pamela Morinière We Trust, redonner espoir après une séparation
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20 janv. 2024 à 12:34
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Par Jehanne Bergé pour Les Grenades
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Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Aujourd’hui, nous brossons le portrait de Pamela Morinière, juriste et hôte du podcast Quelque chose à vous dire dédié aux questions de parentalité et de rupture.
Nous retrouvons Pamela Morinière, 48 ans, dans un café de Boisfort. Entre lutte contre les inégalités hommes-femmes, et connaissance de soi, pour Les Grenades, elle revient sur son parcours et les éléments qui l’ont menée à créer un podcast consacré aux parents séparés.
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Pour une meilleure représentation des femmes dans les médias
Après ses études de droit entre la France et l’Irlande et une spécialisation en droit d’auteur, cette Bretonne d’origine arrive à Bruxelles pour effectuer un stage à la Commission. "Après cette expérience, j’ai vu passer une offre d’emploi à la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) pour gérer les droits d’auteur des journalistes, et je me suis dit ‘c’est pour moi’."
En 2002, elle entre au sein de cette organisation qui représente 600.000 professionnel·les des médias à travers le monde. Très vite elle se retrouve notamment en charge des questions de genre. "J’ai par exemple coordonné le projet Portraying in politics qui se concentrait sur l’image des politiciennes dans les médias. Cette initiative était assez novatrice à l’époque, et pour moi ça a été une grande prise de conscience des inégalités hommes-femmes."
Les années passent, sa fonction au sein de la FIJ évolue, et Pamela Morinière ne cesse de défendre la place des femmes dans l’information. "C’est vraiment très important pour moi ! Il faut continuer de sensibiliser les journalistes, mais aussi changer les mentalités au sein des rédactions. Il est clair que les pratiques s’améliorent en matière de représentations, mais oui, parfois, il faut lancer un coup de pied dans la botte de foin !"
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L’effondrement et le retour à soi
À côté de son travail, en 2022, elle lance sa série de podcasts Quelque chose à vous dire né de son histoire intime… "En 2020, après 13 ans de relation, je me suis séparée du père de mes deux enfants. Je n’avais pas d’exemple de familles séparées autour de moi, je dirais même que c’était un peu tabou dans mon entourage. Je me suis retrouvée assez démunie."
Elle poursuit : "Notre séparation ne s’est pas du tout déroulée dans la violence, mais se quitter c’est toujours douloureux, il faut tirer un trait sur une espèce d’idéal. Au début, tout s’écroule, il y a de nombreux ajustements à réaliser."
Après cette période cataclysmique suit alors pour elle un retour à la sérénité, du fait de se retrouver elle-même. "Si tu te sépares, souvent, c’est que tu ne te sens plus épanoui·e dans ta relation alors ça peut faire beaucoup de bien aussi."
La séparation appauvrit, et elle appauvrit d’autant plus les femmes
Des propos qui font écho à l’essai Rupture(s) de la philosophe Claire Marin qui y parle de la séparation comme d’une possible révélation à soi-même, un moyen de reconstruire son identité, de se réapproprier son existence…
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Une nouvelle vie à inventer
Pour mieux se saisir de ce nouveau quotidien de mère célibataire, Pamela Morinière ressent à ce moment-là le besoin d’entendre des histoires auxquelles s’identifier. "Malgré le fait que je sois très entourée, je me sentais vraiment seule face à tout ça. Je pense que les personnes qui ne se sont pas séparées ne peuvent pas comprendre le gouffre qu’il faut affronter. J’avais besoin d’entendre d’autres parents, d’être rassurée."
Notre séparation ne s’est pas du tout déroulée dans la violence, mais se quitter c’est toujours douloureux, il faut tirer un trait sur une espèce d’idéal
Amatrice de podcasts, c’est vers ce format qu’elle se tourne pour trouver des récits. À sa grande surprise, alors que plus de quatre parents sur dix à Bruxelles et en Wallonie sont séparés, elle ne trouve pas de programme audio spécialisé sur ces questions. "Faute d’avoir accès à un programme qui correspondait à mes attentes, j’ai décidé de créer mon propre média !"
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Donner la parole pour faire résonner l’espoir
En octobre 2022, elle lance son projet Quelque chose à vous dire, ainsi que des pages dédiées sur les réseaux sociaux. Depuis un an et demi maintenant, toutes les deux semaines, elle tend le micro à des invité·es qui partagent avec les auditeur·rices des conseils liés à leur vécu.
La juriste-journalsite interroge aussi des expert·es qui apportent des éclairages professionnels. Les thématiques abordées sont multiples : la charge mentale, les aspects juridiques, le bien-être des enfants, les vacances solo, mais aussi les violences conjugales. "Mon moteur, c’est vraiment de porter ces questions publiquement pour tenter d’aider d’autres personnes, j’ai envie de diffuser un message positif en soulignant qu’il y a des clés pour s’en sortir, et ce, même dans les situations très compliquées."
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Ruptures et inégalités de genre
Si en Belgique depuis 2006, la loi encourage la garde alternée des enfants pour une durée égale chez les deux parents, il demeure de grandes inégalités. Dans les couples hétéros, ce sont les mères qui réduisent davantage leur temps de travail, car ce sont elles qui restent majoritairement en charge des tâches liées au ménage et aux soins. "La séparation appauvrit, et elle appauvrit d’autant plus les femmes en raison notamment des écarts salariaux", souligne notre interlocutrice.
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Aussi, comme l’indique le Baromètre des parents de la Ligue des familles, à la tête des familles monoparentales, on retrouve 69% de femmes et 31% d’hommes. Et, toujours selon ce baromètre, 25% des familles monoparentales ont des revenus mensuels inférieurs à 1500 euros.
Ces différences peuvent créer de grosses inégalités économiques au moment de la rupture en défaveur des femmes, qui sont dès lors plus exposées à des risques de précarité. "Ces aspects font partie de ma grille de lecture, et si besoin pendant mes interviews, je recadre les discussions dans ce sens."
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Repenser les modèles
Outre son envie de libérer la parole sur les séparations, Pamela Morinière pointe la nécessité de repenser les modèles.
"Je crois que c’est important de diffuser d’autres représentations. Les femmes sont encore soumises à beaucoup trop de pression. Nous ne sommes pas obligées d’être en couple ou d’avoir des enfants pour être accomplies. J’observe justement de plus en plus de journalistes qui se prononcent sur ces questions, mais en fait ça ne devrait même pas être un sujet. Il est temps de remettre en cause cette espèce d’idéal de la famille nucléaire et de pouvoir revendiquer ses choix sans être jugée", conclut-elle.
Dans le reste de la série In We Trust
In Audrey Adam We Trust, la défense des journalistes contre le cyberharcèlement
In Marie-Claire Desmette We Trust, les récits pour affirmer sa place
In Lola Clavreul We Trust, les vécus intimes comme moteurs de lutte
In Anne Francotte We Trust, briser les tabous autour des problèmes de grossesse
In Selma Benkhelifa We Trust, défendre les droits des opprimé·es
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be
Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.
https://www.rtbf.be/article/in-pamela-moriniere-we-trust-redonner-espoir-apres-une-separation-11315888