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Le blog de hugo,

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Le porno est une lutte des classes”,femmes,violences,

12 Mai 2018, 08:45am

Publié par hugo

En juillet 2010 à l'Exxxotica Expo de Los Angeles. 9O% des films pornos états-uniens sont produits et/ou filmés à Los Angeles (Mark Ralston/AFP)
Sexe
“Le porno est une lutte des classes”
14/04/18 15h29
 Par
Clément Arbrun
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“Le porno, c'est un business”. Dans son enquête “Porn Valley”, Laureen Ortiz dévoile les dessous sulfureux de l'industrie du X, entre MST, perversions, consentement et solitudes éparses. Conversation classée X.
La Cité des Anges n'a pas toujours un goût de Paradis. C'est ce que nous démontre la journaliste Laureen Ortiz en nous promenant "une saison entière dans l'industrie la plus décriée de Californie", autrement dit la Vallée de San Fernando, ou "Porn Valley" pour les intimes. Au sein du nid de l'industrie pornographique californienne, performeurs et performeuses s'animent et (se) racontent. Par-delà le spectacle de leurs corps et à l'heure de l'hégémonie du porno gratuit en ligne, ceux et celles qui font le X détaillent leurs émois, mais aussi leurs contestations et revendications : précarité de leur situation, exigences syndicales, droit au port du préservatif durant le shooting de sexe explicite. Dans cette vallée s'entrecroisent entrepreneurs aux dents longues, femmes émancipées et âmes en perdition. Sacré road trip.
Sans nostalgie, Laureen Ortiz délaisse les fantasmes vintage des VHS polissonnes et s'attarde sur la mécanique du porno 2.0, celui des "hubs" et des "tubes". Cet "autre Hollywood" de l'ère Instagram puise sa rentabilité d'une efficacité de communication et de production que ne renieraient pas les winners de la Silicon Valley. Qu'elle épingle les méthodes mafieuses de l'entreprise du net MindGeek (propriétaire de PornHub et YouPorn), moguls soupçonnés de blanchiment d'argent, ou les conditions de tournage parfois éprouvantes d'actrices désœuvrées, la journaliste questionne le X comme elle le ferait de n'importe quelle autre industrie, alerte quant à ses acteurs et aux risques pernicieux de leur profession tant fantasmée. Rencontre.
Pourquoi as-tu décidé d'explorer la “Porn Valley” ?
Laureen Ortiz - C'est le Hell’s Angels de Hunter S. Thompson (le précurseur du journalisme gonzo, ndlr) qui m’a donné les clefs pour écrire ce livre. Je recherchais une même sensation de “distance proche” avec les acteurs de la Porn Valley, tout en privilégiant un type de journalisme un peu brut. Je voulais me confronter à un monde que l’on fantasme forcément, avec une vraie démarche littéraire, car j'aime quand la littérature raconte une société à travers les personnalités qui investissent ses marges.
Les pornstars sont des “Fantine” (l'un des personnages des Misérables de Victor Hugo) ou des Nana(s) zoliennes. Quand Zola écrit sur la prostitution, ce n’est pas du tout la thématique centrale de son roman. C’est pareil quand tu écris sur le porno : c’est toujours le reflet de quelque chose de plus vaste. Mais à travers cette démarche, il s'agit aussi de faire ressortir l’absurdité légère d’un monde qui peut être aussi tragique que grotesque. Je raconte par exemple la situation de Keiran Lee, un acteur qui travaille beaucoup pour les studios Brazzers : ses employeurs ont fait en sorte que son pénis soit assuré à hauteur d’un million de dollars ! C'est presque une blague.
Ton récit suit en filigrane le parcours (du combattant) des actrices Bobbi Starr et Phyllisha Anne, militant pour une amélioration des droits des travailleurs du sexe, en quête de ce qui pourrait être l'équivalent porno de la Screen Actors Guild (le syndicat des acteurs hollywoodiens). La syndicalisation des acteurs du X est-elle si complexe ?
Au sein de la Porn Valley, personne n'est effectivement là pour défendre ces acteurs. Il y a toute une complicité du consommateur à adhérer à ce système. On peut tout à fait parler d'exploitation du travailleur. Cette conscience est bien présente chez les pornstars, qui de manière générale "pensent" leur métier, lisent et intellectualisent. Et pas seulement Stoya ou Sasha Grey ! Beaucoup entretiennent un rapport cérébral à leurs pratiques. Les stars du X ne réfléchissent pas parce qu’elles ont fait de longues études, mais parce qu’elles ont eu une vie hors du commun, hors des normes, qui les poussent à questionner - parfois de façon existentielle ! - leur propre exploitation, leurs désirs et angoisses, leur cheminement de vie...
L'autre grand thème de Porn Valley est l'obligation du port du préservatif sur les tournages pornos - tu évoques le référendum de 2016 qui a eu lieu en Californie à ce sujet. On pense à la polémique suscitée par la "Mesure B" de 2012, visant précisément cela. A l'époque, certaines performeuses jugeaient cette mesure contraignante si ce n'est liberticide, bafouant le droit des acteurs à pouvoir disposer librement de leur corps (c'était par exemple le cas de Katsuni). Qu'en dis-tu ?
La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Quand on impose des normes à l’industrie alimentaire, cela dérange évidemment les gens qui y travaillent, mais c’est comme ca. Quand tu dois mettre un casque pour conduire en moto, tu le fais. Le port du préservatif est une question de bien commun, qui dépasse le cadre de l’industrie porno. C’est une question de bon sens à mes yeux. Quand on creuse les arguments contre, on sent qu’il y a surtout de grands intérêts économiques derrière cela. Mais on n’entend pas moins les voix dissonantes.
Il y a beaucoup de gens qui aimeraient que le port du préservatif soit obligatoire, mais ont peur d’être blacklistés s’ils l’expriment. La nécessité du port du préservatif est régulièrement bafouée au gré des tournages, et acceptée comme telle. Le combat pour la démocratisation du port du préservatif est celui de David contre Goliath - et on devine tous qui va l’emporter...Cela revient à se battre contre les GAFA du porno et c’est un lutte disproportionnée. La pornographie en soi est d'ailleurs un milieu plutôt inégalitaire, c'est un monde majoritairement blanc - si l'on excepte les vidéos dites interracial, qui jouent sur le fantasme de l'homme de couleur.
“Il y a beaucoup de gens qui aimeraient que le port du préservatif soit obligatoire, mais ont peur d’être blacklistés s’ils l’expriment”
Porn Valley nous rappelle que l'enfance d'actrices pornos comme Bobbi Starr ou Jessica Drake - et bien d'autres - est synonyme de stricte éducation religieuse. L'arrivée de ces jeunes femmes dans le X est-elle une réaction révoltée à ce conditionnement répressif ? Tu décris en ce sens la Porn Valley comme "la Californie des rebelles et des ennemis de la morale"...
Ces femmes entrent dans le X en réaction à toute une propagande, à une éducation liberticide, mais dans la plupart des cas, je dirais que c’est une rébellion qui émane de l'inconscient. Il n’empêche que le porno est un milieu de marginaux, où se réfugient tous ceux qui sont cabossés par la vie. On n'entre pas dans le X pour des raisons anodines. Les pornstars ont en elles une sensibilité si forte qu’il leur est impossible de se conformer au triangulaire métro-boulot-dodo. Comme le système des motards, l'industrie du porno est une culture marginale, finalement devenue mainstream. Ceux qui l'explorent et la font essaient d’échapper à une condition, à une norme, mais finissent par s’enfermer dans une nouvelle routine, celle de l'industrie.
Le porno s'esquisse en cousin éloigné d'une autre industrie justement : Hollywood. A l'instar de l'usine à rêves, le X est-il le reflet déformé de l'american dream ?
Certaines actrices que j'ai rencontrées, comme Phyllisha ou Kelly Holland, ont grandit dans une ferme au Texas. Autour d’elles, il n’y avait ni repère ni horizon. Phyllisha me raconte être partie parce qu'elle habitait "dans une ferme au milieu de nulle part, où il n'y avait rien à part un bureau de poste". Comme ceux et celles qui partent à Hollywood, les acteurs et actrices X sont des gens manipulables, qui recherchent la reconnaissance et l’amour, mais restent hyper fragiles psychologiquement.
En ce sens, Marilyn Monroe aurait pu faire du porno ! J'écris d'ailleurs de Jessica Drake qu’elle est "la Norma Jeane dans l'ombre de Marilyn". Dans le monde du X, on trouve beaucoup de bipolaires et de gens borderline, constamment sur le fil du rasoir, comme l'étaient Marilyn Monroe et Amy Winehouse. Des filles bercées par l'imaginaire de Los Angeles, l’illusion du succès. Qui déchantent vite. Dans le porno perdure toute une violence mentale et physique, il faut en être conscient.
Quand j'assiste aux tournages, je n’ai pas de préjugés, ça peut se passer sans problèmes, mais je vois aussi des gens qui souffrent. Comme lors des scènes de “facial abuse”, une pratique qui consiste à faire vomir l'actrice en lui enfonçant un pénis dans la gorge. A ce moment-là, l'actrice vomit vraiment ! On est loin des cascadeurs d'Hollywood, c'est réel. Les filles des productions de sexualité BDSM Kink.com (surnommé "le temple de la douleur" dans le récit) ressortent avec le dos lacéré et ensanglanté. 
“Quand j'assiste aux tournages, je n’ai pas de préjugés, mais je vois des gens qui souffrent”
Tu compares certaines méthodes de tournage à ce que l’on apprend dans les écoles de commerce. Lors du "shooting" d'une séquence X, le making of se tourne en même temps, via Snapchat, la communication est directe. Crois-tu que la Porn Valley soit une Silicon Valley du X, une industrie comme une autre ?
Aujourd’hui le porno c’est “Hollywood rencontre la Silicon Valley” ! Le X est devenu un business neutre...sans en être un. Aux manettes on trouve des gens soupçonnés d'activités mafieuses, usant de la couverture d'une activité légale. C’est ce qui se passe avec les moguls de MindGeek, possesseurs de Pornhub, YouPorn...au centre on trouve une forme de capitalisme débordant, drainant des milliers et des milliers de filles, quant à savoir s'il y a une niche porno “éthique”, je ne sais pas ce que c'est... de la petite production artisanale?
Que penses-tu justement de la pornographie éthique ? N'est-ce pas un "porno à solutions" face aux débordements des productions "mainstream" ? Ne peut-on pas également vouer du sens à l'idée de "porno éducatif" comme l'entend Nina Hartley ?
Je ne suis pas une idéologue du X mais je doute que le porno soit une solution au porno. Donner son corps en pâture, c'est violent. J'ai du mal à considérer une scène de double pénétration anale dans un motel comme une forme d'émancipation. Après, le point de vue que porte les actrices sur leur industrie est complexe. Dans le porno comme ailleurs, les discours ne sont pas arrêtés. Ils évoluent.
Grandir avec les images du X n'est pas chose évidente. Quand l’on est une fille et que l’on sort de l’enfance, on se rend compte que l’on est plus l’individu neutre que l’on était. On devient une femme. Les gens nous projettent des peurs ("fais pas ci, fais pas ca, ne fais pas de stop") et des fantasmes. Tu commences à te questionner, puis tu vois des affiches de films pornos dans les kiosques, alors tu t’identifies et tu demandes ce que tu es censée faire de ce corps qui est le tien. En partant pour la Porn Valley, j’ai pu constater ce que j’avais deviné très jeune déjà : ces actrices victimes de violences sexuelles, qui émergent de familles recomposées, détruites physiquement ou moralement durant leur enfance.
Dans Porn Valley, tu décris la sexualité BDSM comme un “consentement à la souffrance”. Quel regard portes-tu sur la notion de consentement au sein des productions pornographiques ? Où se situe la "zone grise" d'une industrie où, écris-tu encore, "l'absence de limites ne semble gêner que les vétérans du métier" ?
Le consentement n’est pas une fin en soi. Il s’obtient. C’est le fruit d’une manipulation. C’est pour cela que beaucoup de femmes violées culpabilisent, pensent que ce qui leur est arrivé naît d’un manque de défense, d’une sorte d'acceptation de leur part, d'une insuffisance. Le truc avec la pornographie, ce que l'on ne voit jamais vraiment ce qui se passe derrière. Il y a des filles qui finissent en pleurs, sont manipulées comme des objets par des producteurs qui alignent les awards aux AVN (les Oscars du porno). Il ne faut pas se fier à la surface de l’image. C'est ce qu'illustre le cas James Deen, que je décris comme "un acteur aux traits angéliques", et qui a fait l'objet d'accusation pour agressions sexuelles par son ex-petite amie Stoya et de nombreuses autres actrices. Il a finalement été blacklisté.
Dans mon récit j'écris que j'ai du mal à trouver glamour ces "visages enfantins couverts de sperme". Je raconte l'histoire de Savannah, une actrice pornographique toute mignonne, au visage poupin. Son cas est ambiguë, elle se fait manipuler et en a conscience, sait que des hommes vont la valoriser et en joue, mais sans perversité.
Tu nous explique également que le porno fonctionne par échelons. Une actrice débutera plus volontiers sur un "girl on girl" (une scène lesbienne) avant de s'essayer à des pratiques plus "extrêmes" (et mieux rémunérées). Pourquoi cette "popularité" du girl on girl ? Par peur d'une certaine violence phallocratique ?
Il y a beaucoup de femmes lesbiennes dans le X. Si elles se tournent plus facilement vers le "girl on girl" pour commencer, j'imagine que c'est parce que c'est assez violent de tourner sa première scène hardcore avec un mec. Je pense qu’en général, beaucoup d’actrices sont dégoûtées des hommes, n’entretiennent pas forcément le rapport le plus sain qui soit avec eux. Qu'il n'y a pas beaucoup de "modèles" dans ce milieu, en qui se référer et avoir confiance. Où sont les mentors dans le X ? J’évoque Kelly Holland, qui n’a pas été actrice mais tient cette position de mentor.
Quand je l'interroge, l'actrice Angela White oppose la prostitution au porno. Elle dit que lorsque l’on est performeuse, l’on est pas “totalement éradiquée en tant que personne”. C’est une expression très puissante ! Il faut comprendre que lorsque tu es “pornstar” il y a justement la possibilité d’etre...une star. Tu peux en tirer un nom, donc une identité : “devenir quelqu’un”. Exister. Mais White avoue également que lorsque tu bosse dans le X, tu es à la solde des réalisateurs, producteurs et entreprises pour qui tu bosses. Des hommes, généralement.
Paradoxalement, tu converses avec les pornstars les plus "dévergondées" mais il arrive qu'elles ne soient jamais tout à fait "à nu", que leur discours reste très promotionnel, calculé...As-tu eu des rencontres “sans filtre” ?
Avec des actrices comme Angela White, on sent qu’il y a tout le côté promotionnel qui fait office de mise à distance. Le producteur/réalisateur Greg Lansky (à qui l'on doit les très populaires channels Blacked et Tushy) est dans la méga-com’, un délire totalement corporate. Dans le X, il y a des personnalités très corporate qui incarnent “l'Amérique des winners” et adoptent des discours marketing. Moi ce qui me passionne c’est à l'inverse de partir à la rencontre des “losers”, ceux dont la parole ne trompe pas. C'est le cas avec un type comme Adam par exemple, un vidéaste geek qui se fait surnommer le "Tarantino XXX" parce qu'il pastiche les films de Tarantino à la sauce porno. Aujourd'hui, il est reparti chez lui, au Colorado, et gagne sa vie en tant que chauffeur VTC...
On ressent aussi une empathie de ta part pour ces actrices, non pas pour ce qui leur arrive, mais ce qui ne leur arrive pas, leurs instants de doute. Quel regard portes tu sur ces femmes que tu dépeins comme des âmes solitaires et isolées ?
Les pornstars sont souvent des personnes qui ont tout quitté du jour au lendemain. Il y a à travers l’histoire de ces “losers” un côté Conquête de l’Ouest, ruée vers l’or ! Ils désertent famille et maison pour rejoindre la Porn Valley, sont attirés par cette possibilité d'investir une communauté soudée, la “grande famille” du X.
Cet idéal de “communauté” est trompeur mais il rassure. Mais n'importe quelle actrice sait qu'elle est un produit catégorisable, avec sa date de péremption. J’évoque Phyllisha, qui a tourné plein de films dans les années 90 mais reste relativement méconnue. Pour une Sasha Grey, combien d’inconnues là-bas ? Cette solitude correspond bien aux tonalités "noires" que l'on associe à Los Angeles, qui est le terreau des romans de James Ellroy, de Bret Easton Ellis et de Charles Bukowski.
“J'ai l'impression que dans le porno, les actrices sont toujours en train d’éviter les balles. Celles qui ne meurent pas de façon sordide mènent un combat au quotidien”
Justement, ton épilogue est digne d'un roman noir. Tu reviens sur la série de d'overdoses et de suicides d'actrices pornographiques qui a pu marquer les esprits ces derniers mois (les décès de Roxy Nicole, August Ames, Olivia Nova, Olivia Lua)...Suite à ton immersion, ces drames te surprennent-ils à ce point ?
Après tout ce temps passé dans la Porn Valley, aucune de ces fins tragiques ne m’a étonnée. Si j’avais écrit de la fiction, je n’aurais pas osé inventer de telles fins ! Je ne dis pas que le porno est infernal mais, par exemple comment une actrice comme Angela White peut-elle dire à sa mère que cette industrie n’est pas horrible quand il y autant de morts ? D’actrices poussées à bout, exploitées par des vautours, qui ne survivent que par la drogue ? J'ai l'impression que dans le porno, les actrices sont toujours en train d’éviter les balles. Celles qui ne meurent pas de façon sordide mènent un combat au quotidien. Il n’est pas du tout question de les “victimiser”, ce sont des femmes plus ou moins fortes en quête d'émancipation. Mais quand tu t'informes un peu, tu sais que n’as pas envie de croiser la route de certains mafieux du porno...
Tu évoques Bret Easton Ellis. American Psycho est traversé par les sons du groupe Genesis. Dans Porn Valley, c'est l’album “Pornography” de The Cure qui fait office de leitmotiv. Quel rapport entretiens-tu avec cette "pornographie" à la Robert Smith ?
Lorsque j'ai parcouru la Porn Valley cet été, le hasard a fait que j’avais le Pornography de The Cure sur mon téléphone. C’est une belle ironie ! C'est un album spécial. Il est sorti en 1982, l’année de ma naissance, est traversé par une ambiance cold wave, lente et lugubre, mais aussi par des sonorités rythmées qui t’embarquent. C’est un album crade, non conventionnel et anticommercial au possible, qui oscille vers l’underground, parfait à écouter en traversant les routes californiennes la nuit.
L'ambiance de Pornography semblait convenir à celle de mon récit. Je suis récemment tombé sur une interview de Robert Smith qui parle justement du carcan religieux, et de sa réponse rock n roll à tout cela. On en revient au porno ! Ce sont des gens qui font des doigts d’honneur aux conventions. Dans mon livre j'évoque le “karaoké de pornstars” qui a lieu dans le bar Sardo's (à Burbank). Là-bas, les acteurs du X se rassemblent et écoutent...du Korn. C’est caractéristique d’un milieu qui se fiche de tout élitisme. J’écris : “La vache ! Il n'y a bien qu'à un karaoké de pornstars qu'on entend une musique pareille !”. Avec ces pornstars qui écoutent le Freak on a leash de Korn, on retrouve cette idée de rébellion ado. On est nombreux à avoir écouté du Korn, c’est ultra populaire, et pourtant qui ose l’avouer ?
Lorsque tu évoques dans Porn Valley des situations d'oppression et de jeux de pouvoirs, on pense immédiatement au scandale Stormy Daniels / Donald Trump. Comment envisages-tu toute cette affaire, encore en cours ?
On a là un politicien républicain qui méprise une ancienne porn star - le milieu du porno est plus démocrate que républicain, je ne l’ai pas particulièrement trouvé réac' ou conservateur. Tout ce scandale nous démontre que le porno est une lutte des classes. C'est le récit d’une fille qui ne vient de rien, a grandit dans la pauvreté, a su bâtir son empire toute seule, là où Trump a grandit dans un bain de fric, avec un sentiment de supériorité constant. Cette affaire est une histoire de caste sociale, de trahison aussi. Stormy Daniels a cru que Trump allait l’aider à participer à son émission de télé réalité The Apprentice, mais finalement non.
Dans les médias, je trouve qu’on la traite avec mépris. Personne ne s’intéresse à Stormy Daniels, si ce n’est en l’évoquant par le prisme de Donald Trump, qui a fait l'objet d'une dizaine d'accusations d'agression sexuelle. L’affaire Stormy Daniels a mis au moins trois mois à arriver en France, cela prouve il y a toute une condescendance autour d’elle, de son image d'ancienne star du X. Il faut se rappeler que la pornstar Jessica Drake était au même événement (le tournoi de golf du Lake Tahoe en juin 2006) et a également témoigné pour dire que Trump s’était mal comporté, avait eu des gestes condamnables...
Porn Valley, c'est enfin l'histoire d'une journaliste qui pénètre un milieu incompris des médias. Quel regard portes-tu sur le traitement médiatique du X ?
Rester dans le milieu du porno durant un an fut une expérience assez spéciale en tant que journaliste, car cela voulait dire : sortir du système médiatique. Se mettre en marge. C'est partager ce que ressentent toutes ces actrices finalement (elle sourit). J’ai aussi écrit mon livre pour aborder des sujets qui n’intéressent pas les médias. Avec Twitter, on est plus que jamais enfermé dans la “circulation circulaire de l’information” qu’évoquait Pierre Bourdieu il y a des années. Ils ne se posent pas forcément les bonnes questions, font du porno un sujet “pop” ou alors n’y connaissent pas grand chose, ne parviennent pas à rester neutre face à l’industrie.
Au sein des médias, certains sujets sont souvent considérés comme anecdotiques, jusqu’au moment où ils deviennent importants : lorsqu'un jour, quelque chose se passe, et que le sujet s’impose. La "série" de morts d'actrices pornographiques au début de l'année pourrait être ce "quelque chose". Mais je me dis qu'il suffirait d’un événement plus "explosif" pour que les médias commencent réellement à s’intéresser au porno.
Propos recueillis par Clément Arbrun
Porn Valley (éditions Premier Parallèle) de Laureen Ortiz, 19 euros.

https://www.lesinrocks.com/2018/04/14/sexe/la-journaliste-laureen-ortiz-explore-la-porn-valley-le-porno-est-une-lutte-des-classes-111070481/

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De Libye en Italie, le rêve des migrantes, devenu cauchemar, de part et d'autre de la Méditerranée ,femmes,violence,

12 Mai 2018, 08:21am

Publié par hugo

 De Libye en Italie, le rêve des migrantes, devenu cauchemar, de part et d'autre de la Méditerranée
"Migrantes, survivre à l'enfer" un reportage grand format de JEAN-FRANÇOIS BÉLANGER ET SERGIO SANTOS pour Radio-Canada. Durée - 4'37
Après avoir échappé à la Libye et avoir survécu à la traversée de la Méditerranée, beaucoup de migrantes africaines se retrouvent obligées de se prostituer en Italie, victimes de réseaux de proxénètes bien organisés. Reportage auprès de celles, humanitaires, militantes, qui tentent de les prendre en charge.
11 mai 2018
Mise à jour 11.05.2018 à 10:07 par
Jean-François Bélanger, Radio Canada
dansAccueilTerriennesFemmes et migrations, réfugiées ou immigrées, la double peine
Soulagées d’être rescapées, les femmes tendent la main au sauveteur de SOS Méditerranée pour monter en premier dans le Zodiac et laisser sans regret derrière elles l’embarcation de fortune qui leur a permis de fuir la Libye.
Une fois en sécurité à bord du navire de sauvetage Aquarius, certaines se mettent à chanter; d’autres tombent dans les bras des membres de l’équipe médicale de Médecins sans frontières.
 
Légende :  Stefanie Hofstetter, sage-femme de Médecins sans frontières, tente de comprendre le parcours de chacune des femmes qui montent à bord de l’Aquarius.
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
Beaucoup de ces femmes ont été victimes de violences sexuelles. On voit des femmes qui ont été vendues, forcées de faire des actes sexuels, de se prostituer.
Stefanie Hofstetter, sage-femme à bord de l’Aquarius
Toutes reviennent de loin. Toutes sont mises à l’écart sur le navire, car elles sont considérées comme extrêmement vulnérables.
Le passage par la Libye a laissé des traces physiques et psychologiques. Stefanie Hofstetter, la sage-femme de Médecins sans frontières, le constate à chaque sauvetage
« Beaucoup de ces femmes ont été victimes de violences sexuelles. On voit des femmes qui ont été vendues, forcées de faire des actes sexuels, de se prostituer. »
explique Stefanie Hofstetter, sage-femme à bord de l’Aquarius
 
Catalina Arenas, responsable des affaires humanitaires à bord de l'Aquarius
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
 
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
Stefanie Hofstetter et Catalina Arenas, la responsable des affaires humanitaires à bord du bateau, discutent avec les femmes pour connaître leur histoire et pour les prévenir des autres risques qui les attendent à leur arrivée. « Lorsqu’on remarque des femmes jeunes qui voyagent seules ou en groupes de femmes, c’est une situation qui nous met en alerte.», dit Catalina.
Car, pour beaucoup de migrantes, le calvaire ne se termine pas avec leur débarquement en Europe. Bon nombre d’entre elles sont déjà piégées, victimes de réseaux de proxénètes qui ont payé leur voyage dans le but de les exploiter en Europe.
 
Légende : Une fois la dangereuse traversée de la Méditerranée accomplie, le calvaire des migrantes est loin d’être terminé.
 
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
Les Nigérianes en première ligne
Selon l’Office pour les migrations internationales (OIM), 80% des migrantes d’origine nigériane arrivées par la Méditerranée en Italie sont victimes de trafic sexuel. L’organisme a d’ailleurs observé une hausse de 600% des arrivées de Nigérianes en Italie en 2016. Elles étaient plus de 11 000. Les travailleuses humanitaires estiment avoir affaire à des réseaux de trafiquants bien organisés.
Une simple visite le long de la route nationale 385 près de Catane, en Sicile, permet de constater le résultat. Des dizaines de femmes à peine vêtues tentent d’attirer l’attention des automobilistes pour leur offrir du sexe à bon marché. Ici, pas de luxe. Seules des chaises  blanches en plastique; parfois un matelas dans les sous-bois adjacents… mais le plus souvent, la relation est consommée en quelques minutes dans le véhicule du client pour une poignée d’euros.
 
Bien souvent, les relations entre les prostituées et les clients se déroulent dans le sous-bois, tout près de la route.
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
Je n’aime pas ce travail ; personne n’aime ce travail
Danielle, migrante, prostituée
Danielle raconte ne jamais faire plus de 50 € ou 60 € par jour, soit moins de 100 $ canadiens. « Je n’aime pas ce travail, personne n’aime ce travail », précise-t-elle, expliquant n’avoir pas trouvé d’autre moyen pour nourrir ses deux enfants restés au Nigeria. Elle a 29 ans, elle avoue avoir parfois peur et dit rêver de pouvoir arrêter pour trouver un travail plus décent comme coiffeuse ou femme de ménage.
Plus loin, Blessing, 23 ans, confie détester aussi ce qu’elle est devenue. Mais il est très difficile d’en sortir, explique-t-elle, avouant se sentir prise au piège. « Les filles et moi travaillons toutes de longues heures, comme des robots. »
 
Les prostituées doivent satisfaire plusieurs clients par jour pour un salaire dérisoire.
 
Crédit : Radio-Canada/Sergio Santos
Presque toutes les prostituées nigérianes proviennent de la même région, celle de Bénin City. Et beaucoup sont tombées dans le piège des réseaux de trafiquants avant même de quitter leur pays.
Angie se souvient encore des belles promesses qu’on lui avait faites. « Ils m’ont dit que j’allais vivre mieux en Europe; que je serais libre. » La jeune femme est partie à 17 ans du Nigeria, mais pas par choix. Elle raconte une nébuleuse histoire de dette à rembourser. La contrainte est l’arme première des trafiquants.
Si vous refusez de travailler, ils vous enferment et vous battent, sans eau ni nourriture
Angie, migrante, prostituée
Ils abusent aussi de la naïveté des villageois. La magie noire, appelée là-bas juju, est souvent invoquée pour convaincre les femmes d’obéir. « Avant de quitter le Nigeria, vous devez jurer que vous n’allez pas décevoir, sinon vous allez subir la malédiction pour le restant de vos jours », explique-t-elle.
Angie raconte comment elle s’est retrouvée forcée pendant 6 mois d’enchaîner les clients, parfois vingt par jour, dans une maison de passe sordide de Tripoli, en Libye. « Si vous refusez de travailler, ils vous enferment et vous battent, sans eau ni nourriture », dit-elle. Elle raconte que beaucoup de femmes ont été victimes de viols collectifs pour les forcer à se soumettre. Elle dit avoir attrapé la gonorrhée et eu des problèmes avec son utérus.
 
Angie a réussi à se défaire du réseau de prostitution. Elle aspire maintenant à une vie meilleure.
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
Mais Angie est une exception, car elle a réussi à s’enfuir du bordel. Elle est maintenant réfugiée dans un centre d’accueil à Mineo, en Sicile, où elle élève sa petite fille qu’elle a appelée Purity. Elle rêve de retourner à l’école, de fonder sa propre entreprise. Mais elle souhaite aussi témoigner de ce qu’elle a vécu pour éviter que d’autres Africaines subissent le même sort qu’elle.
« Avoir des relations sexuelles avec autant d’hommes, ce n’est vraiment pas une bonne idée. Si vous venez ici, ça va détruire votre avenir », prévient-elle.
La coordonnatrice du centre, Mariella Simili, déplore le fait que presque toutes ces femmes sont livrées à elles-mêmes. Elles ne font pas partie des statistiques et disparaissent dans la nature, forcées d’aller se prostituer ailleurs en Italie ou dans d’autres pays d’Europe. « Ces femmes ont besoin d’aide. Elles ne méritent pas de finir dans la rue, d’être ainsi exploitées et maltraitées. Elles ont besoin qu’on leur donne une deuxième chance », dit-elle.
 
La coordonnatrice du centre d’accueil à Mineo en Sicile, Mariella Simili
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
Une indifférence quasi générale
Mais le sort des migrantes forcées de se prostituer n’émeut que très peu de gens en Italie. Selon Blessing, personne ne s’intéresse à elles, sauf quelques religieuses franciscaines qui leur rendent visite tous les samedis. « Elles arrivent pieds nus et n’ont rien à nous offrir sauf du pain et des prières, mais au moins elles nous écoutent et ne nous jugent pas », dit-elle.
Sœur Chiara dit avoir remarqué les prostituées par hasard un jour près du rond-point de Caltagirone. « Au début, on ne savait pas comment les aborder, explique-t-elle, et puis finalement on s’est dit allons-y et le Seigneur fera le reste. »  La religieuse dit ressentir beaucoup d’empathie pour ces femmes. « Nous voulons surtout leur faire comprendre qu’elles ne sont pas seules, et qu’on les aime, comme des mères, comme des sœurs », ajoute-t-elle.
 
Soeur Chiara tente d'aider du mieux qu'elle peut les prostituées nigérianes, mais les ressources sont limitées.
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
Les religieuses invitent les femmes à passer des tests de dépistage du VIH et de l’hépatite, elles les incitent aussi à dénoncer leurs proxénètes et proposent d’accompagner celles qui souhaitent s’en sortir. « Nous sommes pauvres et ne pouvons pas aider beaucoup plus, s’excuse sœur Chiara, mais au moins quelqu’un s’intéresse aujourd’hui à ces femmes qui sont trop longtemps restées invisibles. J’espère maintenant que notre action ira crescendo et que d’autres s’impliqueront pour les aider à s’en sortir. »
 
Le sort des migrantes forcées de se prostituer n’émeut que très peu de gens en Italie
Crédit : Radio-Canada/Jean-François Bélanger
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> Ethnopsychiatrie : à Turin, les femmes migrantes sont accompagnées
> Femmes et migrations : raisons et routes de l'exil
> Alice Gautreau, sage-femme à bord du bateau l'Aquarius
> Les jeunes Nigérianes «courent» vers les trafiquants pour rejoindre l'Europe
> Migration : les Ethiopiennes victimes d'esclavage moderne au Moyen-Orient
Jean-François Bélanger, Radio Canada
Mise à jour 11.05.2018 à 10:07
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Ecrire le désir ,femmes,

11 Mai 2018, 08:42am

Publié par hugo

 Accueil Livre Roman et Nouvelles Roman érotique Meilleures ventes Roman érotique
Ecrire le désir
Julia Bracher (Direction) Paru le 2 octobre 2014 Roman (broché) 5 2 avis Questions et réponses
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C'est la première anthologie illustrée mettant en valeur d'un point de vue historique, social et littéraire la place des femmes écrivant l'érotisme. Conteuses, philosophes, illustres mystiques, mystérieuses inconnues, aristocrates, courtisanes, libertines et poétesses, parfois contraintes de se travestir ou d'avancer masquées... auteurs incontournables ou étonnantes inconnues. On s'est étonné, indigné souvent que des pages licencieuses aient été écrites par des femmes. L'érotisme en littérature n'est pourtant pas l'apanage des hommes. À rebours des préjugés, cet ouvrage dévoile qu'elles ont indéniablement marqué de leur sceau le genre « infernal ». Mais que fut la genèse de leurs écrits ? Comment furent accueillies leurs ouvres ? Scandale, publication sous le manteau, usage de pseudonyme. bien des histoires, parfois rocambolesques, jalonnent ce parcours littéraire.   Née en 1980, historienne de formation, Julia Bracher est éditrice et auteur-réalisatrice. Elle a dirigé  l'anthologie historique  Riom 1942 - Le procès,  et sa version bibliomnibus: Léon Blum face à Vichy (Omnibus) et a réalisé un documentaire à partir de ses recherches : Blum-Pétain, Duel sous l'occupation (France 5, janvier 2014). Elle va diriger une collection aux éditions Tallandier de littérature érotique féminine, des textes oubliés qui furent des succès... Fermer

https://livre.fnac.com/a4325171/Julia-Bracher-Ecrire-le-desir

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50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Marta Szymczyk milite pour le droit à l’avortement en Pologne,femmes,feminisme,IVG,sante

11 Mai 2018, 08:38am

Publié par hugo

 50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Marta Szymczyk milite pour le droit à l’avortement en Pologne
Ils n'ont pas fait Mai 68. Cinquante ans plus tard, ils vont faire 2018. Chaque jeudi, franceinfo met en avant un combat, un visage, une voix. Marta Szymczyk, militante féministe polonaise, est engagée pour le droit à l'avortement, de plus en plus menacé dans son pays.
 
FRANCEINFO
Isabelle Labeyrie
Radio France
Mis à jour le 10/05/2018 | 11:31
publié le 08/03/2018 | 18:40
En 2016, le gouvernement polonais envisage de contraindre chaque femme victime d’une fausse couche à s’en expliquer devant un tribunal. Jusque alors, Marta Szymczyk n'avait jamais manifesté, jamais écrit de tract, jamais organisé de groupes de parole. Le projet de loi la pousse vers le militantisme : "J'ai trouvé que c'était vraiment ignoble cette ingérence dans la vie intime des femmes, de les soupçonner d'avoir avorter alors qu'elles viennent de vivre un drame."
Il faut dire que quelques années plus tôt, la jeune à la silhouette frêle a perdu son bébé en cours de grossesse. "Je me suis imaginée dans cette situation : avoir fait une fausse couche et devoir aller me justifier devant un procureur. J'ai trouvé ça absolument humiliant. Ca brisait ma dignité de femme. J'ai dit non. C'était vraiment dépasser les limites de l'acceptable."
Alors pour la première fois de sa vie, Marta, institutrice de formation, descend dans la rue. Elle fait des pancartes, elle crie des slogans, elle raconte son histoire devant la foule des manifestants.
Le gouvernement recule, le combat continue
Face à la pression d'une partie de la population, le 6 octobre 2016, les députés polonais rejettent le projet de loi défendu par le gouvernement. Quant à Marta, désormais mère d’une petite fille, elle rejoint une association de sa ville, les "Filles de Łódź". Soutenue par son mari qui la couve d'un regard plein de fierté, elle organise des ateliers et des débats. "Sur le plan politique, dans ce pays on fait marche arrière, analyse Marta Szymczyk. Mais paradoxalement, le solidarité entre les gens progresse, et la société, elle, fait un pas en avant". Aujourd'hui, les conservateurs reviennent à la charge et veulent interdire l’avortement en cas de malformation du fœtus. "On veut nous forcer à mettre au monde des enfants qui mourront en quelques jours ? C’est un crime" s'insurge Marta, d’une voix douce avant de lancer : "On doit nous laisser choisir".
Confiante, la jeune femme sait que le combat qu’elle mène aujourd’hui n’aboutira pas avant plusieurs années. "Moi, je ne verrai pas les changements, reconnaît-elle, alors je le fais pour ma fille. Mais les femmes ont ouvert les yeux sur ce qui se passe, et nous allons réussir à changer ce pays. Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera !"
Le combat de Marta Szymczyk se poursuit aujourd'hui. Après avoir échoué en 2016, les conservateurs au pouvoir en Pologne veulent faire passer une nouvelle loi sur l’avortement. La loi, déjà l’une des plus restrictives d’Europe, prévoit de n’autoriser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) que dans deux cas : viol ou danger pour la vie de la mère.
La Polonaise Marta Szymczyk milite pour le droit à l'avortement : un portrait signé Isabelle Labeyrie

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Retrouvez la série "Sous les pavés 2018, les nouveaux combats" sur franceinfo et franceinfo.fr
Libertés individuelles, droits des femmes, lutte contre les discriminations, rejet de toute forme d’exclusion, protection de l’enfance... Cinquante ans après Mai 68, le plus important mouvement de contestation politique, sociale et culturelle de l’histoire récente française, franceinfo donne la parole, chaque jeudi, à celles et ceux qui portent les nouveaux combats de l'émancipation et des libertés.
> Max Schrems milite pour la protection des données personnelles sur le net
> Ousmane Baldé milite contre le racisme en France
> Mia Mason milite pour la reconnaissance des soldats transgenres
> Thierry milite pour la décroissance
> Mathilde milite, bénévole, milite pour l'accueil des réfugiés
> Fernande, agente de propreté, milite pour le respect au travail
> Ensaf milite pour la libération de son mari, le Saoudien Raif Badawi
> Ervé, sans-abri, milite contre l'exclusion
A lire aussi

https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/50-ans-apres-mai-68-les-nouveaux-combats-de-l-emancipation-marta-szymczyk-milite-pour-le-droit-a-lavortement-en-pologne_2646846.html

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50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Ynaée Benaben milite pour le droit des femmes,femmes,feminisme,,droits,

11 Mai 2018, 08:28am

Publié par hugo

 50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Ynaée Benaben milite pour le droit des femmes
Ils n'ont pas fait Mai 68. Cinquante ans plus tard, ils vont faire 2018. Chaque jeudi, franceinfo met en avant un combat, un visage, une voix. Ynaée Benaben, co-fondatrice de l’association En avant toutes, milite pour le droit des femmes.
 
Grégoire Lecalot
franceinfo
Radio France
Mis à jour le 10/05/2018 | 11:26
publié le 15/03/2018 | 18:47
 
L'affaire Weinstein a remis au premier plan la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce combat faisait déjà partie de ceux de Mai 68. Ynaée Benaben, 28 ans, milite pour le droit des femmes. "Mon rêve de féministe est qu’un jour il n’y ait plus besoin d’être féministe. J’aimerais que ce ne soit pas une lutte."
En 2013, elle participe à la fondation de l'association En avant toutes qui propose un tchat sur internet pour aider les jeunes femmes et les adolescentes confrontées à des problèmes de violences conjugales. Dans le local parisien de la structure, deux ordinateurs portables constellés d'autocollants multicolores sont installés au centre d'une petite pièce décorée de fresques. Il s’agit du cœur du réacteur d’En avant toutes. "Quand elles se connectent elles dialoguent directement avec une professionnelle de l’association", explique Ynaée Benaben.
Envie d'agir
Les jeunes femmes qui ont recours à ce tchat peuvent poser toutes les questions qu’elles souhaitent. Ce peut-être "il s’est passé ça, je ne sais pas comment réagir", "il me rabaisse", "est-ce que c’est de la violence ?", énumère la jeune féministe qui précise que les membres de l’association peuvent les conseiller "si par exemple elles sont dans une situation de violence très pressante pour pouvoir les aider à avoir un hébergement ou pour avoir des informations juridiques." Cette envie d'agir, Ynaée Benaben raconte l’avoir quasiment reçu en héritage.
Mon père a eu son bac en juin 1968. Lui-même a essayé d’inventer d’autres manières de faire. Il a vécu en communauté. Il a proposé une lecture plus ouverte et plus libre des rapports humains. Le voir tel qu’il était a été pour moi un premier apprentissage qu'être soi-même était déjà un acte politique.
Ynaée Benaben, co-fondatrice d'En avant toutes
à franceinfo
Au fil des rencontres, son engagement se précise. "Il faut du culot aussi", s’amuse-t-elle. À la fin de ses études en sciences politiques, elle n'hésite pas à contacter ONU femmes, le département spécialisé des Nations unies. Dans ce cadre-là, Ynaée Benaben part au Brésil, qui est le pays d'origine d'une partie de sa famille. Elle y découvre les actions féministes sur internet.
Cette expérience lui donne la conscience très forte d'une lutte féministe à mener en France. "On est très mal lotis ici aussi, déplore-t-elle. On le voit avec ce qu’il y a eu autour de l’affaire Weinstein et Metoo. Aux États-Unis, il y a eu une mobilisation très forte des femmes à Hollywood. Et en France, il y a un retour de bâton quand des femmes se sont mobilisées pour la liberté d’importuner. On peut avoir un imaginaire d’une France très au fait des droits humains, du pays des droits de l’Homme. Pour autant ça demande beaucoup d’énergie pour faire bouger les choses. L’égalité est inscrite dans notre devise mais on n’y est pas encore."
Tordre le cou aux clichés
Selon la co-fondatrice d’En avant toutes, l'égalité, ce n'est pas effacer les différences masculin-féminin mais leur attribuer une valeur égale. Il faut tordre le cou aux clichés inculqués dès l'enfance, et surtout ne plus tolérer la violence. En libérant la parole, l'affaire Weinstein a provoqué une mobilisation que la jeune féministe a pu mesurer. Auparavant, l'association a accueilli une centaine de femmes en un an.
Depuis l’affaire Weinstein, Metoo, balance ton porc, en trois mois, on a eu plus de femmes qui sont venues sur le chat qu’en une année.
Ynaée Benaben, co-fondatrice d'En avant toutes
à franceinfo
Selon elle, il y a une prise de conscience collective. La jeune femme se souvient avoir assister à un rassemblement Metoo. "C’était très joli parce qu’il y avait beaucoup de jeunes. Tout d’un coup, une femme plus âgées prend la parole et dit ‘je suis militante depuis 30 ans et ce qu’on est en train de vivre, cela fait 30 ans que je l’attends'"
Les associations peinent à faire face à cette mobilisation. L'une d'elles, l'AVFT, a dû fermer son accueil téléphonique faute de moyens. Ynaée Benaben appelle les pouvoirs publics à jouer leur rôle pour faire aboutir enfin la lutte pour l'égalité des sexes si chère à mai 68. De cette manière, un jour son rêve se réalisera peut-être.
Ynaée Benaben milite pour le droit des femmes : un portrait signé Grégoire Lecalot

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Retrouvez la série "Sous les pavés 2018, les nouveaux combats" sur franceinfo et franceinfo.fr
Libertés individuelles, droits des femmes, lutte contre les discriminations, rejet de toute forme d’exclusion, protection de l’enfance... Cinquante ans après Mai 68, le plus important mouvement de contestation politique, sociale et culturelle de l’histoire récente française, franceinfo donne la parole, chaque jeudi, à celles et ceux qui portent les nouveaux combats de l'émancipation et des libertés.
>  Marta Szymczyk milite pour le droit à l’avortement en Pologne
> Max Schrems milite pour la protection des données personnelles sur le net
> Ousmane Baldé milite contre le racisme en France
> Mia Mason milite pour la reconnaissance des soldats transgenres
> Thierry milite pour la décroissance
> Mathilde, bénévole, milite pour l'accueil des réfugiés
> Fernande, agente de propreté, milite pour le respect au travail
> Ensaf milite pour la libération de son mari, le Saoudien Raif Badawi
> Ervé, sans-abri, milite contre l'exclusion
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Du Pain & Des Roses: un avenir pour les femmes demandeuses d’asile,femmes,

11 Mai 2018, 07:59am

Publié par hugo

 France
Du Pain & Des Roses: un avenir pour les femmes demandeuses d’asile
 
Marie Reverchon anime des ateliers d’art floral pour les femmes en attente de demande d’asile dans les locaux de France Terre d’Asile en région parisienne. En sept semaines, son association Du Pain & Des Roses suscite des vocations, révèle des compétences, et redonne un lien social à ces femmes venues de tous les continents.
Elles sont six à s’installer autour de la grande table à Asnières-sur Seine. “Moi, j’aimerais continuer à faire des bouquets et les vendre, en faire mon métier”, affirme fièrement Liliane. Cette ancienne commerçante ivoirienne, très élégante, participe aux ateliers d’art floral de Marie Reverchon depuis plusieurs semaines et a trouvé sa voie: “Je suis trop vieille pour être embauchée dans un bureau et j’aime beaucoup faire ça!”, ajoute-t-elle.
D’autres participantes viennent pour la première fois et sont plus timides. Marie annonce la création du jour, un éventail de fleurs. Très pédagogue et souriante, la jeune femme explique avec douceur, en français et en anglais, la méthode pour fabriquer le support floral en forme d’éventail. Chacune consolide les tiges de fer, les doigts collent, la voisine aide, les langues se délient; le résultat est super.
Il reste à y placer les pois de senteur, aspargus, chardons et épis de blé qui sont sur la table. Les femmes hument les fleurs, commentent, demandent comment cela s’écrit et Marie Reverchon note tout sur le tableau blanc, avant de demander à chacune de prendre le bon nombre de fleurs. Très vite, l’éventail prend forme; Marie-Rose, congolaise, chante, et la fierté se lit sur les visages. On se prend en photo avec sa composition devant le petit garçon d’Alina, médusé.
Marie Reverchon, 25 ans, a créé il y a un an, avec Margaux Caussil, le projet Du Pain & Des Roses. L’idée lui est venue de l’entreprise britannique Bread & Roses, pour laquelle elle a travaillé en tant que bénévole pendant son année d’étude à Londres. Enchantée par le concept, Marie décide de l’importer en France et sera conseillée à ses débuts par l’entreprise britannique.
Du Pain & des Roses a pu voir le jour grâce à l’association Singa, spécialisée dans l’entrepreneuriat social des réfugié.e.s, qui a été séduite par son projet et l’a retenu pour prendre forme dans son incubateur, Finkela, pendant une période de six mois. “Cette période a été particulièrement enrichissante, j’ai fait partie de cette communauté où j’ai rencontré des réfugié.e.s, qui sont passé.e.s par cette période de la demande d’asile et m’ont renseignée”, explique la fondatrice.
Elle apprécie le fait que Singa n’assiste pas des personnes dans le besoin mais les fait se rencontrer pour qu’elles soient actrices de leur futur. “C’est vraiment ce que j’ai voulu retranscrire dans le projet Du Pain & Des Roses: il n’y a pas d’aidantes-aidées, chacune apprend à faire son bouquet. Il faut sortir de ce carcan de l’assistanat dans lequel les gens ne savent plus se gérer eux-même”, précise la jeune femme.
“Nous faisons des formations d’art floral pour des femmes en demande d’asile”, explique elle. “Nous répondons au problème majeur qui se pose à elles en arrivant en France: en attendant la réponse de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), elles n’ont pas le droit de travailler. Cette période de six mois à un an en théorie, peut durer jusqu’à cinq ans”.
Restées longtemps inactives, elles auront du mal à justifier auprès d’un futur employeur de ce qu’elles ont fait pendant cette longue période, après l’obtention de leurs papiers. Cela s’ajoute aux épreuves difficiles qu’elles ont déjà traversées pour venir en France. Elles vivent souvent très mal cette longue période forcée d’assistanat pour être logées et nourries.
Du Pain & Des Roses travaille en partenariat avec France Terre d’Asile, association qui gère les centres d’accueil et d’hébergement et fait du conseil juridique auprès des demandeurs d’asile pour toutes leurs démarches auprès de l’OPFRA. Elle met à leur disposition une salle dans les Cada (centre d’accueil pour demandeur d’asile) de Châtillon, Asnières et Créteil, où sont dispensées ces formations d’art floral pendant sept semaines, à raison d’un atelier de trois heures par semaine.
“J’apprends à ces femmes des techniques de fleuristes. Cela leur permet de développer leur créativité; pouvoir faire quelque chose de manuel est assez agréable et confortable quand on remet un pied dans l’emploi”, explique Marie Reverchon. “Cela permet aussi à ces personnes d’être impliquées dans un projet professionnalisant qu’elles pourront mettre en valeur dans leur future recherche d’emploi.”
A côté des ateliers, Marie les implique dans la logistique et la communication autour du projet. Cela concerne la distribution des bouquets et aussi des évènements organisés en dehors des ateliers. Ces femmes peuvent ainsi utiliser ou développer d’autres compétences pendant cette période d’inactivité, qui leur seront utiles dans le futur.
A l’atelier d’Asnières, elles apprennent aussi les gestes techniques pour composer des petits bouquets: couper les tiges en biseau, enlever les feuilles jusqu’aux ⅔ de la tige, vriller les tiges. Aronias, oeillets et frésias sont désormais placés à la perfection et liés d’un brin de raphia.  Ceux-ci seront placés dans des petits vases-bocaux, prêts à être livrés dans les restaurants.
“Nous avons mis en place un système de dépôt-don dans six restaurants partenaires et un kiosque. Chaque semaine, après les ateliers, nous allons y déposer les bouquets créés; une étiquette et un petit panneau expliquent le projet aux clients de ces restaurants ou aux personnes qui passent devant le kiosque, qui peuvent faire un don à l’association contre un bouquet. Cela nous permet d’acheter les fleurs de l’atelier suivant”, explique la jeune femme. “Nous souhaitons aussi faire changer cette image des demandeuses/demandeurs d’asile qui ne font rien, montrer que tout le monde peut faire quelque chose de joli et d’enchanteur”.
Un partenariat a été établi avec des kiosques Lulu dans ma rue à Paris: en marge des dépôts-dons, Du pain & Des Roses organise des ateliers en plein air. Les femmes demandeuses d’asile peuvent alors enseigner au public comment fabriquer un bouquet. “Cela leur donne des responsabilités et change aussi le regard des passant.e.s sur ces personnes. C’est un rôle nouveau, c’est très valorisant pour ces femmes”, précise la formatrice. Pour clore la séance à l’atelier d’Anières, elle propose d’ailleurs des jeux de rôle à ses élèves pour apprendre les techniques de vente.
Du Pain & Des Roses fait également de l’événementiel, comme la décoration de mariages. Marie Reverchon montre à ses élèves de l’atelier d’Asnières, les photos des superbes bouquets qu’elles ont confectionnés, placés sur les tables du dernier mariage. Celles qui le souhaitent peuvent l’accompagner pour livrer les bouquets. Pour le mariage, elles étaient venues les installer avec elle, et voir où allaient être exposées leurs créations.
L’association se fournit en fleurs bio et de saison chez Fleur de Cocagne en Essonne, horticulteur qui emploie des personnes en insertion, ou encore en fleurs locales à Rungis, où les femmes sont également invitées à venir participer aux achats.
A plein temps sur le projet, Marie Reverchon reconnait ne pas pouvoir animer davantage d’ateliers. C’est pourquoi elle aimerait, dès septembre, embaucher d’anciennes bénéficiaires du projet, comme fleuristes animatrices pour des ateliers supplémentaires. “Malheureusement, il faut attendre qu’elles obtiennent leurs papiers pour pouvoir les embaucher”, ajoute-t-elle.
Un autre atout de ces ateliers est que cela leur permet de rencontrer d’autres personnes et de se faire un petit réseau d’entraide. Ces femmes sont souvent isolées. La plupart d’entre elles ont des enfants et il est très difficile pour elles d’avoir une vie sociale; elles viennent donc quand les enfants sont à l’école. Certaines femmes étaient commerçantes, couturières, infirmières, étudiantes ou institutrices. Elle étaient très actives dans leur pays et cette inactivité forcée est souvent difficile à vivre.
Le poème Bread & Roses de James Oppenheim a inspiré le nom de l’association, il avait été repris par des mouvements féministes aux Etats-Unis et en Angleterre: “il signifie que dans la vie, on a besoin de pain pour se nourrir, mais aussi de roses, de beauté, de créativité, de se sentir également bien dans sa tête. Nous essayons de réunir un peu les deux, c’est à la fois professionnalisant, créatif et agréable”, conclut la fondatrice de l’association.
 
Anne-Christine Frèrejacque  50-50 magazine
https://www.50-50magazine.fr/2018/05/09/du-pain-des-roses-un-avenir-aux-femmes-demandeuses-dasile/

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10 mai, commémoration de l'abolition de l'esclavage: hommage aux femmes esclaves, héroïnes méconnues,femmes,violences,

11 Mai 2018, 07:55am

Publié par hugo

 10 mai, commémoration de l'abolition de l'esclavage: hommage aux femmes esclaves, héroïnes méconnues
 
La Guadeloupéenne Solitude (en haut à gauche), Sanite Belair lieutenante haïtienne, (en haut à droite), la marronne Heva de la Réunion (en bas à gauche), et Claire, ici monument rendant hommage aux marrons de la Guyane française (en bas à droite).
DR
En cette date symbolique du 10 mai, jour de commémoration de l'abolition de l'esclavage en France, accordons un peu de lumière à ces oubliées de l'histoire, ces femmes esclaves qui ont lutté pour la liberté, et dont on ne sait pas grand chose. Solitude, Sanite, Heva, Claire : portrait de quatre héroïnes ayant combattu contre l'ex-France coloniale esclavagiste.
10 mai 2018
Mise à jour 10.05.2018 à 12:35 par
Isabelle Mourgere
dansAccueilTerriennesAfro-féminisme : par et pour les femmes noiresFemmes : résister autrement
On les appelle les femmes debout, ou femmes-courage, mais sont-elles, pour autant, des femmes sans histoire ? Car d'elles, on ne sait finalement pas grand chose, en tout cas moins encore que leurs alter-ego masculins, eux aussi peu reconnus dans l'histoire française, hormis peut-être l'icône de l'indépendance haïtienne, Toussaint Louverture.
Elles, ce sont ces héroïnes, esclaves qui au nom de la liberté se sont levées face à l'oppresseur, face au système esclavagiste. Avec si peu d'archives et de documents les concernant, il est bien difficile d'aller à leur rencontre. Tout de même,  donnons-leur un peu de cette lumière historique. Elles le méritent. Voici donc quatre d'entre-elles : Heva, de la Réunion, Claire de Guyane française, Sanité Belair d'Haïti, et Solitude la Mulâtresse, de Guadeloupe.
Un tiers des personnes déportées d'Afrique étaient des femmes
Sur les 15 millions de personnes déportées d'Afrique lors de la traite esclavagiste transatlantique, entre le XVIe siècle et le XIXe siècle, plus d'un tiers étaient des femmes. "Les navires négriers amènent deux hommes pour une femme", peut-on lire dans le rapport Les esclaves femmes du Nouveau Monde (signé Arlette Gautier et publié à l'issue du colloque Femmes et esclavage, novembre 2001, ndlr).
Pour ces millions de femmes, ce fut la triple peine. Outre les travaux forcés et les conditions cruelles dans lesquelles vivaient ces populations esclaves, elles ont subi de multiples discriminations en raison de leur sexe et de leur couleur de peau.
 
Les femmes esclaves pendant la traite négrière, du statut d'objet meuble, comme le définissait alors le Code noir de 1685, à celui d'objet sexuel de leur maître.
(c) Schomburg Center for Research in Black Culture, New York
Non seulement violées et abusées par les maîtres, elles représentent aussi une forte valeur économique pour leur ventre. Utilisées pour leur reproductivité, elles vont permettre la repopulation dite "naturelle" de la main d'oeuvre dans les plantations. Toujours ce même ventre, instrument de pouvoir et de domination masculine dont parle Françoise Verges, dans son livre "Le ventre des femmes" (Editions Albin Michel), qui raconte le scandale de l'avortement et de la stérilisation forcée de milliers de femmes "noires et racisées" dans les années 70 à la Réunion.
A retrouver sur ce sujet dans Terriennes :
> > Le ventre des femmes de La Réunion, une autre terre de colonisation pour la France
Dans le Code noir de 1685, en vigueur dans les colonies françaises, les esclaves sont réduit.es au statut d’objets-meubles, sans distinction entre les sexes. En réalité, des différences existent, la situation des esclaves femmes variant d’une colonie à l’autre, et d’un siècle à l’autre.
 
Le Code noir préparé par le ministre Jean-Baptiste Colbert (1616 - 1683) fut promulgué en mars 1685 par Louis XIV. La seconde version fut promulguée par Louis XV en 1724. Il sera définitivement abrogé lors de l'abolition de l'esclavage par la France, à la traîne d'autres nations, en 1848.
DR
 
Des formes de résistance tous azimuts
La maternité revêtait pour la femme esclave une dimension d’une rare violence, parfois cela donnait lieu à des infanticides, pour lesquels elles étaient durement punies.
(c)unesco
Dans les plantations, elles ont les mêmes taches que les hommes.
Enceintes, elles doivent travailler jusqu'à l'accouchement et revenir dès le lendemain, sous peine d'être sévèrement châtiées. Par manque de nourriture pendant leur grossesse, beaucoup y laissent leur vie. Pour celles qui parviennent au bout, certaines préfèreront avorter pour que leurs enfants échappent à leur sort, ce qui a donné lieu dans certaines colonies à de forts taux d'infanticides. Une fois mères, elles ont aussi la charge d'élever leur famille tout en étant au service de la maison des maîtres. Souvent maltraitées voire torturées par les maîtres ou leurs épouses, d'objets meubles, elles peuvent aussi devenir objets sexuels de leurs propriétaires blancs. Sur les marchés d'esclaves, femmes et enfants étaient vendus à part des hommes, ce qui a donné lieu à la séparation des familles d'esclaves à travers les colonies.
De la survie à la résistance, beaucoup s'organisent malgré tout, en développant leurs  compétences, leurs talents (couturières, cuisinières, sages-femmes...), elles arrivent à construire un foyer, et certaines vont tenir des étals au marché ou de petites boutiques pour les maîtres.
Esclaves productrices et vendeuses de lait. Surinam.1839
(c)Capture écran/Grioo.com
 Pour certaines, la voie du salut se présente sous la forme d'un mariage avec un esclave affranchi, avec l'espoir d'obtenir leur liberté et celle de leurs enfants. Dans le même espoir, d'autres choisissent, si on peut parler vraiment de choix, de devenir la concubine du maître.
Parfois, les plus fortes d'entre-elles vont endosser le rôle de chef spirituel de leur communauté, un engagement allant parfois jusqu'aux armes, faisant d'elles des combattantes de première ligne lors de révoltes.
Autre arme de lutte, la loi.
Exemple aux Antilles françaises, plusieurs femmes esclaves intentent des procès pour faire appliquer l’article du Code Noir qui fait de leurs enfants des personnes libres si elles-mêmes le deviennent, démontrant ainsi leur capacité d’agir et d’être actrices de leur destin.
 
Les esclaves femmes, au pouvoir reproducteur, deviennent valeur économique pour repeupler les colonies.
DR
Si aux Etats-Unis, des esclaves femmes ont laissé des ouvrages, des recueils de poèmes ou de textes, rien du côté des esclaves françaises, ou francophones. Aucune biographie n’existe à ce jour.
HÉVA, à l'ombre d'Anchaing, son héros de compagnon
Heva, héroïne marrone.
DR
Heva fait partie de ces héroïnes, indissociables de leur héros de mari ou compagnon. Elle est donc connue comme la compagne d'un certain Anchaing, célèbre marron qui a laissé son nom à un piton dans le cirque de Salazie dans l'île de la Réunion. Ce couple a donné lieu à l'une des plus mythiques légendes de l'île. Légende aux multiples versions, car sur le papier, difficile d'en écrire l'histoire avec précision. Les informations laissées par les  autorités coloniales concernant l’état civil des esclaves sont très insuffisantes.
Les marrons, ce sont les esclaves, en majorité d'origine malgache, qui, pour fuir les propriétés des colons français, se refugient dans les montagnes réunionnaises. Pendant des années, ils se cachent, résistent et subsistent en vivant de pêche, chasse, cueillette et petites cultures. Colonisée définitivement à partir de 1665 par la France, la traite se développe vers l’île à partir de 1725. Entre  1730 et 1770, les colons français s’organisent militairement et mènent une véritable chasse aux marrons. Parmi ceux et celles qui sont capturé.e.s, il y a entre 24% et 39% de femmes.
C'est dans la plantation où elle est jeune esclave qu'Héva rencontre Anchaing. Ils tombent amoureux. Un jour, Anchaing assiste aux coups de fouet qu'elle reçoit pour avoir brisé un vase, punition qui vient s'ajouter à de multiples maltraitances. Le couple décide de s'échapper la nuit même, pour rejoindre un piton réputé inaccessible (et qui porte aujourd'hui le nom d'Anchaing). Pendant des années, ils réussissent à échapper aux chasses à l'homme menées par les soldats français. Ils auront entre 7 et 8 enfants.
Dans les ouvrages évoquant la légende du marron Anchaing, Heva n'est que peu citée.
Comme le montre cet extrait de l’ouvrage de Louis Hery, (Le Piton d’Anchaing, Album de La Réunion, Louis Hery,  édité par Louis Antoine Roussin, 1860), « Il gravit le piton presque inaccessible qui s’élève à une hauteur de dix-huit cents pieds au-dessus des forêts environnantes, et, suivi de sa femme, il y planta sa tente. »
 
Le couple légendaire de la résistance des marrons à la Réunion, Heva et Anchaing.
DR
Le poète réunionnais Auguste Vinson prête à Heva un cauchemar qu’elle aurait fait avant leur capture : « Je suis triste depuis quelques jours. J’ai eu un songe : je dormais près de toi avec nos enfants ; j’ai cru voir, sur un sommet, au milieu des branches amassées, un nid de colombes. Le père et la mère étaient avec leurs petits, ceux d’une première et ceux d’une seconde couvée. Ils étaient quatre d’une inégale grandeur comme nos enfants, joyeux et bien portants comme eux. Tout à coup j’ai vu de l’horizon venir un oiseau de proie, la papangue aux pieds jaunes ; qui s’est abattu sur le nid, en un instant le père, la mère et les petits étaient sous sa serre… Alors je me suis reveillée avec effroi. » (Salazie ou le Piton d’Anchaine, légende créole, Auguste Vinson, 1888.)
Sur le blog réunionpassion, on trouve aussi ces quelques lignes évoquant la situation d'Héva, esclave : « Héva, il ne l'aimait pas. Il la trouvait trop jolie pour une esclave, de plus elle était intelligente. Quelquefois il reconnaissait que si elle n'était pas noire ; il aurait peut être tenté une aventure avec elle. Mais l'affaire se corsait du fait qu'Héva était au service de Madame, qu'elle ne quittait jamais. Et puis ce qui l'énervait davantage, c'est qu'Héva avait un amoureux depuis quelques temps, un certain Anchaing, un cafre de belle allure, musclé et sachant bien réfléchir. ( …) Si un jour vous passez près du piton d'Anchaing, écoutez bien, peut-être entendrez vous Héva et Anchaing qui tout là haut défrichent un autre carré de terre pour planter... »
Les versions diffèrent sur la date et la manière dont Heva et Anchaing sont morts. On notera que ce sont dans des oeuvres plus contemporaines qu'Heva voit sa stature légendaire s’affirmer pour devenir à l’égal d’Anchaing, une grande figure de femme libre. Des batiments publics portent son nom, et de nombreuses statues peuplent les montagnes réunionnaises.
CLAIRE, marronne guyanaise, étranglée puis pendue
La statue « Marrons de la liberté » en Guyane.
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Autre héroïne marronne, Claire est une esclave fugitive, morte en se battant pour conserver sa liberté dans le courant du 18ème siècle en Guyane française.
La traite négrière vers la Guyane commence en 1660. Elle aussi, comme à la Réunion, est marquée par le marronnage et les récits d’esclaves fugitifs. Ceux qui réussissent à s’échapper forment des groupes, pour survivre en forêt et se défendre contre les expéditions menées par les autorités. Leurs campements prennent la forme de véritables villages où les activités de subsistance (chasse, pêche, agriculture) se développent. Le Code Noir prévoit déjà des punitions sévères pour les marrons, mais les colons obtiennent plus dans sa nouvelle version en 1724, où l'article 35 les autorise à tirer à vue sur eux.
Sur le site LaMontagnePlon, dans un rapport baptisé La montagne plomb : une histoire exemplaire de femmes et de territoire (1742-1767) on peut lire le témoignage de Louis, un jeune marron capturé en 1748, permettant de reconstituer la vie d’une communauté d’esclaves en Guyane. Les femmes y sont nombreuses, quasi-la moitié, et participent activement à la vie du camp. Cette forte présence de femmes, toujours selon le récit de Louis, confirme que l’aspiration à la liberté existait chez les femmes comme les hommes. Le nombre important d’enfants dans le camp cité dans ce témoignage montre aussi que malgré un environnement hostile, elles n’hésitent pas à marronner avec leurs enfants comme l’a fait Claire, la compagne de Copena. "Cette forte présence féminine représente à n’en pas douter un facteur de pacification à l’intérieur du groupe, les conflits générés par la pénurie de femmes n’ont pas lieu d’être. Cette configuration renforce la sécurité du camp puisqu’il n’est pas nécessaire de prendre des risques avec des « opérations coup de poing » pour s’approvisionner en femmes dans les habitations limitrophes", apprend-on.
C'est courant septembre 1749, qu'un détachement de soldats français, d’Amérindiens et de colons lance l'attaque sur la Montagne Plomb. Ils parviennent à capturer au fin fond de la forêt épaisse amazonienne, le "Grand bois" comme l'appellent les Guyanais, un couple de marrons. Claire et Copéna. Ce dernier, jugé comme récidiviste, est accusé de pillage et d’incitation au marronnage, il est condamné au supplice de la roue jusqu’à ce que mort s’ensuive. Claire, elle, est étranglée puis pendue. Une double exécution qui se déroule en place publique à Cayenne à laquelle sont contraints d'assister les deux enfants du couple.
Le 10  juin 1848, le décret du 27 avril 1848 abolissant l’esclavage est promulgué et appliqué le 15 juillet. 12 500 esclaves sont touchés par le décret.
SANITE BELAIR, rebelle et soldate haïtienne
Portrait de Sanite Bélair par le peintre haïtien Mackenley Darius.
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Elle porte le nom de son officier de mari, Charles Belair, mais elle a su se faire un prénom, par les armes. Sanité Belair fait partie de ces nombreuses esclaves qui se sont soulevées, et qui ont participé à l'insurrection sur le front haïtien.
L'origine de la révolte remonte à août 1791. Les esclaves de St Domingue entrent en rebellion. Parmi eux, figurent de nombreuses femmes, difficile de connaître néammoins leur nombre exact. Ce qu'on sait, c'est que certaines sont au cœur de la stratégie conçue par Toussaint Louverture pour organiser des guérillas contre les Français, notamment dans les territoires intérieurs.
Sanite Bélair est l'une des figures de proue de ces commandos, mais d'autres s'illustrent aussi par leur bravoure et leur courage dans les combats : Défilée (appelée également Dédée Bazile), ou encore Claire Heureuse, épouse de Jean-Jacques Dessalines.
Sanite, de son vrai prénom Suzanne, est une jeune esclave affranchie lorsqu'elle épouse en 1796, Charles Bélair, neveu, aide de camp et lieutenant de Toussaint Louverture. Elle est de tous les combats, jamais très loin de son époux. Elle fera d’ailleurs montre d’un tel acharnement qu'elle finira, dit-on, par figurer comme l'âme même de la conjuration.
Sanite tombe dans un gets apens, et se fait capturer lors d'une attaque surprise, menée alors que la plupart du contingent rebelle est partie chercher des munitions et des renforts. Apprenant son arrestation, son mari décide de se rendre. Quelques heures plus tard, ce 5 octobre 1802, tous deux sont condamnés à mort. Le tribunal colonial « considérant le grade militaire de Charles et le sexe de Sanite, son épouse, condamna ledit Bélair à être fusillé et ladite Sanite, sa femme à être décapitée ». Les récits rapportent que lorsque Charles Bélair se retrouve devant le peloton d'exécution, il entend la voix calme de son épouse l'exhortant à mourir en brave, c'est alors la main sur le coeur qu'il tombe sous les balles. Vient ensuite le tour de Sanite. Elle refuse qu'on lui bande les yeux, et le bourreau ne parvient pas à lui faire courber le dos pour installer sa tête sur le billot : « L’officier qui commandait  le  détachement fut obligé de la faire fusiller. »
C'est ce que Sanite voulait, mourir dignement, comme un soldat. (Sources Mémoire de Femmes. Claude-Narcisse, Jasmine -en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE-Port-au-Prince, 1997 )
 
Billet édité en 2004 à l'effigie de Sanité Bélair, en commémoration du Bicentenaire.
(c)monnaiedumonde.net
Le 1er janvier 1804, la République d’Haïti est proclamée. Cette indépendance n'a cependant pas les mêmes conséquences pour les deux genres. Voici ce que dit la première constitution d'Haïti en 1805 dans son article 9 : "Personne ne peut être haïtien s'il n'est un bon père, un bon fils, un bon mari et surtout un bon militaire". Surprenant et tellement injuste, quant on sait la lutte féroce des femmes contre l'esclavage et que le quart des esclaves venaient de zones où les femmes avaient certaines formes de pouvoir politique. Maigre revanche pour Sanite Belair, son visage figure depuis 2004 sur le billet de 10 gourdes, imprimé à l'occasion du Bicentenaire de l'Indépendance.
SOLITUDE, icône de la résistance guadeloupéenne
Solitude, statufiée aux Abymes, Guadeloupe.
DR
Connue également sous le nom de Mulâtresse solitude, née sur la petite île de Sainte Lucie vers 1772, elle était "Libre de couleur" avant l'abolition de l'esclavage décrétée en juin 1794. On la surnomme la Mulâtresse Solitude à cause de sa peau claire, conséquence du viol d’une captive africaine sur le bateau qui l’entraînait vers les Antilles. Une fois sa liberté acquise, Solitude rejoint une communauté de Marrons retranchés dans les mornes.
Malgré l'abolition, la situation reste confuse et conflictuelle dans l'île, théatre d'affrontements et de rebellions, entre propriétaires blancs et affranchis noirs.
En novembre 1801, Napoléon décide d'y rétablir l'ordre colonial et y envoie plusieurs bataillons. Des officiers de l’armée décident de résister au nom des Lumières et de la liberté. Parmi eux, Louis Delgrès, qui le 10 mai 1802 lance ce slogan :"A l’univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir". Placardée sur les murs de Basse Terre, cette formule sert de cri de ralliement.
Dans cette guérilla, les femmes combattent aux côtés des hommes. Parmi elles, Solitude, qui pistolet à la main rallie les maigres forces de Delgrès. Elle est enceinte de son compagnon, un Nègre marron qui se bat comme elle et sera bientôt atteint par un obus. Elle se fait capturer le 23 mai 1802, lors de l’attaque du camp de Palerme menée par le général Gobert. Elle est condamnée à mort. Enceinte, elle ne sera exécutée qu'après la naissance de son enfant, le 29 novembre 1802. La foule qui l’accompagne vers la potence est immense et silencieuse. A 30 ans, elle laisse un enfant à l’esclavage : le nouveau-né dont elle a accouché la veille. Ce n'est que 46 ans plus tard, en 1848 que sera décrétée la deuxième abolition de l’esclavage (Source afrikhepri.org).
 
La Mulâtresse Solitude, de André Schwarz-Bart (Points).
(c) Points
 
Dans un roman paru en 1972, l’écrivain de la résistance, contre l’esclavagisme, contre l’antisémitisme, André Schwarz-Bart fait entrer Solitude dans la légende, sous le titre La Mulâtresse Solitude. ( Le Seuil)
Elle n'est ni noire ni blanche. Solitude, la fille mulâtresse d'une Africaine arrachée à son village par des trafiquants d'esclaves, est condamnée à servir les Blancs. Mais dans ses veines brûle le feu de la révolte. Aux côtés de Maïmouni et des troupes noires cachées dans les forêts de la Soufrière, elle lutte pour la liberté.
Extrait La Mulâtresse Solitude, André Schwarz-Bart (Le Seuil, 1972)
En 2017, la metteure en scène de théatre contemporain Fani Carenco porte à la scène le roman d’André Schwarz-Bart, dans une atmosphère baignée des croyances antillaises. Trois comédiens portent le récit de ce destin exceptionnel. La pièce a été jouée à la Grande Halle de la Villette, ainsi qu'au festival OFF d'Avignon, mais aussi en Guadeloupe et en Martinique.
Devenue une figure emblématique de la résistance des esclaves noirs antillais, plusieurs monuments lui rendent hommage. La commune des Abymes en Guadeloupe a érigé une statue à sa mémoire, sur le boulevard des Héros, en 1999. Elle est l'œuvre du sculpteur guadeloupéen Jacky Poulier. En 2007, une autre statue a été érigée à Bagneux (Hauts-de-Seine) à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière . Dernier hommage en date, en 2014, la ville d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) a décidé de baptiser une allée à son nom.
 
Une allée portant le nom de la Mulâtresse Solitude a été inaugurée le 3 décembre 2014 à Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne.
(c)David Merle pour Ivrymaville.com
Fanny Glissant, réalisatrice.
DR
Ce qui est paradoxal, c’est que l’intégration de la descendance de ces femmes esclaves va contribuer à la perpétuation de l’esclavage.
Fanny Glissant, co-réalisatrice du documentaire en 4 épisodes Les Routes de l'esclavage.
Terriennes : Les femmes esclaves, il y en a eu de tout temps, mais leur statut diffère selon les périodes…
Fanny Glissant : Il est important de replacer le système esclavagiste dans son contexte historique et de montrer la capacité de cette institution qu’est l’esclavage à s’adapter au système économique dans lequel il se trouve. Par exemple, du 7ème au 13ème siècle, première partie historique de notre documentaire, on se rend compte que deux tiers des esclaves sont des femmes. Pendant cette période, les descendants d’esclaves ne sont pas forcément esclaves. C’est le statut du père qui conditionne le statut de l’enfant. Beaucoup de femmes esclaves s’intègrent ainsi dans la société, sous forme de concubines, de femmes d’agrément, de domestiques. On est vraiment sur l’examen d’un marché matrimonial.
Il y a des esclaves à tous les rangs de la société. Cet esclavage féminin est permanent sur toute cette période. Ce qui est paradoxal, c’est que l’intégration de la descendance de ces femmes esclaves va contribuer à la perpétuation de l’esclavage. Comme on avait besoin d’une main d’œuvre servile, le fait que la descendance soit affranchie avait pour conséquence qu’il fallait que l’on renouvelle sans cesse le contingent. 
Lors de la période suivante, au moment de la création des plantations sucrières, les hommes et les femmes avaient les mêmes taches. Il n’y avait pas de spécificité. Et les contingents étaient à peu près composés pour moitié d’hommes et de femmes. Mais à partir du moment où les femmes travaillent aussi dur que les hommes, vous avez une mortalité infantile qui est vertigineuse. 90% des enfants de ces femmes meurent. Cela s’explique aussi par la durée de vie sur les plantations qui était de 7 à 10 ans.
Le ventre des femmes va devenir un placement... A partir de là, le maître en a l’entière jouissance. Ce qui aboutit à une banalisation complète du viol.
Fanny Glissant
Les choses vont changer à partir de 1807 pour les Britanniques, 1815-1830 pour les Français, 1851 pour les Portugais et les Brésiliens, on va arrêter de déporter de nouveaux captifs venant d’Afrique. Du coup, on se retrouve dans une situation où l’accroissement du cheptel se fait par un accroissement naturel. Ce fut d’ailleurs un des arguments des abolitionnistes de la traite  négrière. Il faut désormais pratiquer un esclavage plus clément et améliorer les conditions de vie des esclaves pour favoriser un renouvellement naturel de cette main d’œuvre. Le ventre des femmes va devenir un placement, va rentrer dans le système économique de la plantation et du système esclavagiste. A partir de là, le maître en a l’entière jouissance. Ce qui aboutit à une banalisation complète du viol. Il y a par exemple l'histoire de Celia une enfant de 14 ans, qui dans une plantation du Missouri, est régulièrement violée par son maître qu’elle finira par assassiner à ses 18 ans, alors qu’elle a déjà eu trois enfants de lui. On va aussi encourager les mariages entre esclaves pour permettre l’accroissement  des populations. Vous avez des familles avec un nombre d’enfants incroyable. Il y a aux Etats unis, le cas de deux femmes qui à elles deux ont eu 25 enfants et qui ont peuplé toute une plantation, avec au total 200 descendants.
Retrouvez aussi l'article de Marion Chastaing
« Les Routes de l’esclavage » : une série-documentaire française interroge les racines de l’esclavage
Pour d'autres infos rdv sur memorial.nantes.fr (notamment l'exposition 10 femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l'esclavage colonial qui a beaucoup contribué à la réalisation de cet article), le site du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage www.cnmhe.fr mais aussi  rememberslavery.un.org
Isabelle Mourgere
Mise à jour 10.05.2018 à 12:35
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https://information.tv5monde.com/terriennes/10-mai-commemoration-de-l-abolition-de-l-esclavage-hommage-aux-femmes-esclaves-heroines

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Angela Davis en France pour évoquer son "héritage" de Mai 68,femmes,feminisme

11 Mai 2018, 07:45am

Publié par hugo

 Angela Davis en France pour évoquer son "héritage" de Mai 68
 
Angela Davis, lors de la conférence "Solidarité et alliances", organisée au théâtre des Amandiers à Nanterre (92), dans le cadre d'une série de débats "Global 68" à Paris, Nanterre, et Londres.
(c) Nadia Bouchenni
L’activiste américaine Angela Davis, mondialement connue pour sa lutte contre contre le racisme, le sexisme et le système carcéral américain était de passage à Paris début mai 2018 pour une série de rencontres. Invitée par le théâtre des Amandiers à Nanterre (92), dans le cadre du festival « Mondes possibles », et de la série de conférences « Global 68 » portant sur l’héritage militant des évènements de Mai 68, elle est intervenue aux côtés de l’historien britannique d’origine pakistanaise Tariq Ali pour parler de son engagement, des luttes à mener et de ses espoirs. Reportage
09 mai 2018
Mise à jour 09.05.2018 à 15:54 par
Nadia Bouchenni
dansAccueilTerriennesAfro-féminisme : par et pour les femmes noiresLes femmes de mai 68FéminismesIl y a 50 ans, mai 68 en France et dans le monde
Acclamée par une foule déjà conquise, Angéla Davis, militante féministe et anti raciste, aura donc répondu pendant près de deux heures aux questions de la chercheuse Françoise Vergès et de l’historien Marcus Rediker. Ces deux derniers ont souhaité lancer la réflexion sur l’héritage des mouvements révolutionnaires de 1968, et en particulier Mai 68 en France. « Solidarité et alliances », c’est le nom de cette conférence, est un moyen, non pas « de regarder en arrière mais de constater quelles sont les luttes qui se poursuivent dans une approche anti impérialiste et féministe anti raciste » rappelle Angela Davis. Une vie de lutte, une « lutte sans trêve » comme le souligne la militante afro-américaine de 74 ans, plus que jamais impliquée.
A propos des travaux de Françoise Vergès dans Terriennes :
> Le ventre des femmes de La Réunion, une autre terre de colonisation pour la France
 
Françoise Vergès, Angela Davis, Tariq Ali et Marcus Rediker répondent aux applaudissements du public.
(c) Nadia Bouchenni
1968, l'assassinat de Martin Luther King, et la révolte
Angela Davis revient sur les débuts de son engagement, quand dans les années 1960 elle était étudiante à l’Université de Californie (UCLA), à San Diego. D’abord membre du Black Panther Party à Los Angeles, elle rejoint ensuite le SNCC (littéralement « Comité de coordination non-violent des étudiants »), puis le parti communiste américain. L’année 1968 a été marquante à bien des égards : « Je réalise combien il s’est passé de choses cette année là. 1968 a été l’année la plus complexe tant sur le point personnel que politique », confesse l’activiste.
Elle revient sur ses souvenirs de cette année particulière, l’assassinat du Dr Martin Luther King, le 4 avril 1968, et la réponse policière très violente. Son souvenir du moment où elle a appris la tragique nouvelle est encore précis : « J’organisais alors pour le SNCC une campagne pour lutter contre les violences policières racistes, exactement comme ce dont on parle aujourd’hui. Quand j’ai appris la nouvelle de l’assassinat du Dr King, j’étais en train d’imprimer une affiche, un avis de recherche d’un policier blanc qui venait de tuer un jeune homme noir. Au SNCC, nous savions que la police prévoyait de déployer des actions militaires en cas de soulèvement en réponse à cet assassinat. On devait s’organiser au mieux pour catalyser la colère de la communauté et éviter d’être la cible de la police. Deux jours plus tard, la police a violemment brutalisé un jeune homme noir et l’a déposé devant nos locaux par la suite, en espérant que ça nous aveugle de colère pour qu’ils puissent répondre avec leur stratégie oppressive. »
Je ne sais pas si j’aurais voulu d’un socialisme qui serait resté hétéropatriarcal, et aussi raciste que le capitalisme que nous avions.
Angela Davis
Angela Davis revient, aux côtés de Françoise Vergès sur l'importance du féminisme dans son engagement.
(c) Nadia Bouchenni
La question du genre et la lutte pour le droit des femmes n’avaient pas encore fait leur entrée dans les mouvements contestataires de cette époque, malgré un grand intérêt pour les combats et épisodes révolutionnaires partout dans le monde, nous dit elle. « On sentait que la révolution était au bout de la rue. On était dans une démarche anti capitaliste, anti raciste, mais nous n’avions pas encore intégré le genre comme on aurait dû le faire. D’une certaine manière je suis contente que nous n’y soyons pas parvenus à ce moment. Nous aurions eu beaucoup de problèmes pour aborder ces questions si cela avait été le cas. »
Provoquant les rires et la surprise du public par cette phrase, elle revient sur l’ironie de son propos (à retrouver en anglais dans la vidéo ci dessous) : «J’aurais aimé que nous prenions en compte d’autres besoins de changement. Je ne sais pas si j’aurais voulu d’un socialisme qui serait resté hétéropatriarcal, et aussi raciste que le capitalisme que nous avions. Je ne veux pas d’une révolution simpliste qui ne changerait qu’un aspect de notre société. »
 
 

(c) Nadia Bouchenni
Solidarité, et les femmes ?
La solidarité entre les peuples à travers le monde a été le ciment des luttes révolutionnaires de cette époque.  Mais cette solidarité ne s’est pas exprimée envers les femmes. L’invisibilisation de ces dernières dans ces mouvements a été la cause de ruptures internes dans de nombreux cas. C’est particulièrement ce problème qui a poussé Angela Davis à changer d’organisation.
On sait très bien qui travaillait dans l’ombre, n’est-ce pas ? Les hommes étaient toujours les porte-parole des mouvements. Nous faisions le travail domestique de l’organisation.
Angela Davis
« La solidarité est importante aussi dans le féminisme. Pendant les années 1960, les luttes concernant le genre ont été aussi des luttes internes. Elles interrogeaient aussi chacun sur la question du travail fourni et de la mise en lumière. Qui produisait le travail de terrain ? Qui étaient les visages publics de ces organisations ? On sait très bien qui travaillait dans l’ombre, n’est-ce pas ? Le SNCC à Los Angeles, dont je faisais partie a été démantelé justement parce que les femmes en avaient assez. Les hommes étaient toujours les porte-parole des mouvements. Nous faisions le travail domestique de l’organisation.
Il y a une corrélation entre cette invisibilisation et ce que nous vivons aujourd’hui. Nous n’avons pas à reproduire ce genre de vieux modèles masculinistes de pouvoir, basés sur des individualités, du charisme personnel, ce qui reproduit justement ce que nous combattions. »
 
Malgré tout, des changements surviennent dans les mouvements contestataires aujourd’hui. De nombreuses initiatives importantes sont menées par des femmes, notamment aux USA, évoque Angela Davis, comme le mouvement Black lives matter, ou le mouvement anti-Trump, avec la marche des femmes (Women’s march). La militante reprend le concept d’assignation à un genre pour décrire ce qui composait ce mouvement : « La marche des femmes était ouverte à toutes les personnes qui s’identifient comme telles. C’était une marche de femmes dans toute leur diversité. Il y avait des femmes noires, asiatiques, latinas, musulmanes, et aussi des blanches issues des classes ouvrières. Il y avait aussi des femmes queers, trans. Il est important de faire bouger les lignes dans nos mouvements, de questionner les catégories qu’on utilise, comme celle du genre. Notre compréhension de la classe "femme" est parfois incomplète. Quand on dit "femme", très souvent, cela ne concerne que les femmes blanches. Dans cette Marche des femmes, tous les groupes étaient représentés, c’est ce qui rendait cet événement pertinent et fort. »
A retrouver dans Terriennes sur la Women's march 2018 :
> Marche des femmes, Women's March 2018, point de départ d'une année encore plus féministe ?
Peut-être que si nous avions eu un mouvement féministe intersectionnel plus fort aujourd’hui aux USA, nous aurions pu éviter l’élection de Donald Trump.
Angela Davis
Le féminisme serait alors le pilier de tout changement sociétal ? Pour l’activiste, le combat des femmes a bien entendu joué un rôle important dans son engagement et lui a permis de mieux définir et comprendre les besoins à prendre en compte pour mener une révolution.
Elle précise cependant : pas n’importe quel type de féminisme, un engagement intersectionnel, qui reprendrait toutes les autres luttes en son sein : « Je parle d’un féminisme bien particulier. Un féminisme anti capitaliste, un féminisme anti raciste. On utilise le terme intersectionnel, il s’agit de connexions profondes avec notre réalité en fait. Ce concept est le résultat des luttes de 68. C’était l’émergence du mouvement de libération des femmes, aux USA. Déjà en 1968, il y avait des alliances de femmes dont les slogans étaient anti imperialiste, anti raciste, et anti sexiste, c’était déjà l’intersectionnalité. Peut-être que si nous avions eu un mouvement féministe intersectionnel plus fort aujourd’hui aux USA, nous aurions pu éviter l’élection de Donald Trump. » 
Elle revient d'ailleurs sur la défaite d'Hillary Clinton, plus que la victoire de Donald Trump : « Hillary Clinton s'inscrit énormément dans un féminisme, fémininisme blanc, qui ne considère que le plafond de verre pour les femmes blanches, et laisse de côté toutes les autres femmes. »
 
 
Le public a assailli la scène du théâtre des Amandiers à la fin du débat pour solliciter l'activiste Angela Davis. Photos, dédicaces, elle a joué le jeu avec ses admirateurs.
(c) Nadia Bouchenni
Dimension artistique
Alors que faire pour garder le lien avec les luttes passées ? Y ajouter une dimension spirituelle, voire artistique, selon Angela Davis : « Je ne sais pas si on avait compris l’importance des artistes en 1968. Les artistes ont été capables de représenter notre lutte. L’art, la musique, le dessin, devraient être aux avant postes des changements révolutionnaires. Ils savent où nous voulons aller, et marquent notre société. » Les personnalités présentes dans la salle, comme Béatrice Dalle ou Amandine Gay ne pourront qu'approuver ce propos.
A retrouver dans Terriennes sur mai 68, l'art et les femmes :
> Mai 68 : quand les femmes des Beaux-Arts racontent la lutte
> Femmes de mai 68 : Marguerite Duras, la désobéissance joyeuse par l'art du slogan
Angela Davis finit la soirée en insistant sur la patience à avoir dans ces luttes. Les résultats ne sont pas toujours concrets tout de suite. « Les changements que nous voulons, nous ne les verrons peut-être pas de notre vivant. Mais ce sont des changements que l’humanité à venir aura la chance d’expérimenter. Nous vivons les changements obtenus par les gens qui ont été esclaves, les gens qui ont lutté contre le colonialisme. »
Sur Angela Davis, relire aussi :
> Si Angela Davis…
Nadia Bouchenni
Mise à jour 09.05.2018 à 15:54
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https://information.tv5monde.com/terriennes/angela-davis-en-france-pour-evoquer-son-heritage-de-mai-68-235228

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Cinéma : à l'occasion du festival de Cannes les actrices noires réclament le droit à la lumière,femmes,societe

11 Mai 2018, 07:37am

Publié par hugo

Cinéma : à l'occasion du festival de Cannes les actrices noires réclament le droit à la lumière
Parmi les seize actrices du livre collectif "Noire n'est pas mon métier", Marie-Philomène Nga, elle était l'invitée du journal Afrique, présenté par Dominique Tchimbakala, dimanche 6 mai 2018.
Crédit Tv5monde/JTA
Femme et noire, la double peine dans le cinéma français ? Dans Noire n'est pas mon métier, livre-tribune publié aux Editions du Seuil le 3 mai 2018, soit quelques jours avant le coup d'envoi du Festival de Cannes, 16 actrices dénoncent les discriminations dont elles sont la cible.
08 mai 2018
Mise à jour 08.05.2018 à 09:56 par
Isabelle Mourgere
dansAccueilTerriennesAfro-féminisme : par et pour les femmes noiresFemmes de cinéma#MeToo #BalanceTonPorc contre les violences sexuelles, partout les femmes passent à l'offensiveLe Festival de Cannes dans le viseur des femmes
"Il est temps de sublimer les couleurs qui sont les nôtres, de rompre avec des cloisons mentales dangereuses pour qu'enfin seules nos salles restent obscures". C'est par cette phrase que la comédienne Rachel Khan conclut sa tribune intitulée "Noires nous sommes les invisibles du cinéma français", publiée sur le site du Huffingtonpost.
 
"On est beaucoup d'actrices à en avoir marre d'être sur les bords du Mississipi, avec Mam Scarlette et les couleurs pourpres dans la tête, que notre pays c'est la France, que nos fleuves sont la Loire et la Seine. Ou la Scène !",  écrit-elle, racontant son coup de téléphone avec l'actrice Aïssa Maïga, lui expliquant avoir eu une idée. Il est temps de passer aux actes, de prendre les stylos, lui dit son amie. Ainsi nait le livre collectif Noire n'est pas mon métier, qui est sorti en ce début mai 2018, quelques jours avant qu'un tapis rouge ne se déroule sur les marches d'un palais sous les palmiers cannois. Un avatar aussi de ce #MeToo qui n'en finit pas d'onduler à travers le monde.
Des rôles aux relents néocoloniaux
Elles sont donc seize à jeter ainsi à l'encre noire sur pages blanches, leurs expériences professionnelles et intimes en tant qu'actrices et femmes afrodescendantes. Toutes se retrouvent alors à raconter comment casting après casting, on leur propose encore et toujours "tous ces personnages, qu'on nous donne à jouer, bloqués dans des cases aux relents néocoloniaux assortis d'une pointe d'exotisme sexuel".
 
L'autre victime. C'est la France elle-même (...) coincée dans une imagerie des siècles esclavagistes et coloniaux ...
Rachel Khan
Sur son blog, Rachel Khan dénonce une situation intenable pour notre France symbole de liberté, d'égalité et de fraternité. Car si, pour elle si  la première victime de cette exclusion, c'est le cinéma français, l'autre victime, "c'est la France elle-même (...) coincée dans une imagerie des siècles esclavagistes et coloniaux". Une phrase qui résonne alors que la même France commémore chaque 10 mai l'abolition de l'esclavage.
 
Elle aussi membre du collectif qui a signé ce livre, la comédienne mauritanienne Assa Sylla (Bandes de filles de Céline Sciamma sorti en 2014 ndlr) pointe du doigt le manque de représentation des actrices noires à l'écran, "Si mon père avait vu d'autres actrices noires jouer dans des films, il n'aurait pas eu peur, il aurait été plus rassuré. (...) Ce sont les productrices qui sont venues à la maison pour le convaincre de me laisser jouer".
 
Pour une Noire, vous êtes vraiment intelligente ! Vous auriez mérité d'être blanche ...
Extrait Noire n'est pas mon métier (Seuil)
"Pour une Noire, vous êtes vraiment intelligente ! Vous auriez mérité d'être blanche..."
"Oh la chance d'avoir des fesses comme ça, vous devez être chaude au lit ... "
"Parlez-vous africain ?", question entendue sur un plateau, "car, oui c'est bien connu, l'Afrique est un grand pays et on y parle africain !", ironise Aïssa Maïga, l'initiatrice du livre, à l'occasion d'un entretien décapant sur France Inter. Voilà parmi ces nombreuses perles rapportées de castings ou de tournages.
 
"Il y a parfois de la violence. Il y a des choses douloureuses que nous avons vécues, et que nous découvrons avoir en commun. Mais la manière dont nous livrons cela, c'est avec beaucoup d'humour, d'autodérision, et aussi de questionnements. Nous ne sommes pas des victimes, mais nous voulons que le public sache vraiment ce qu'est notre condition !", s'exclame Marie-Philomène Nga, invitée du journal Afrique dimanche 6 mai 2018.
Trop souvent on me demande de jouer la mama, (...) la grosse mama africaine, c'est assez dérangeant !
Marie-Philomène Nga
"Il n'est pas normal qu'en 2018 en France, au théatre, au cinéma, dans la publicité, il n'y ait pas le vrai visage de la France, celui de la diversité !". Souvent au cinéma, on la choisit pour incarner l'éternel et symbolique rôle de mère, d'ailleurs c'est elle qui était la voix de la maman du petit Kirikou, et encore dans son dernier film, Il a déjà tes yeux (réalisé par Lucien Jeanbaptiste), dans lequel elle incarne "la mama africaine". "Ce n'est pas tant le fait de jouer la maman qui est gênant, parce que j'en suis une ! Mais trop souvent on me demande de jouer soit l'infirmière, à tel point que je dis en rigolant que je sais bien faire les piqûres, soit la mama. La grosse mama, car une actrice noire est forcément grosse ! C'est la grosse mama africaine, mère d'un jeune délinquant des cités... C'est assez dérangeant ", ajoute la comédienne.
Un salaire cinq fois inférieur aux actrices blanches
Autre tabou : l'argent. Firmine Richard déclare que pour le même rôle, elle est payée cinq fois moins qu'une actrice blanche. Ce que confirme sa consoeur sur le plateau de TV5monde : "Ce n'est pas un cas isolé hélas. Déjà, vous le savez bien, les femmes sont sous-payées par rapport aux hommes dans les entreprises, alors imaginez bien, femme et noire !".
Seize comédiennes, rassemblées dans un livre, parlant d'une même voix. Le fait que le livre Noire n'est pas mon métier soit un ouvrage collectif aura sans doute plus d'effet que s'il avait été signé par une seule, "On aurait dit 'Bon celle-là elle a eu un problème, elle a déliré ou quoi ?' mais là nous sommes toutes générations confondues à vivre la même chose". Et Marie-Philomène Nga de citer ce proverbe africain, "Si tu veux aller vite vas-y seule, si tu veux aller loin, allons-y ensemble". Le 16 mai 2018, à la veille de la clotûre de l'événement cinématographique planétaire, toutes monteront d'un même pas les marches du Palais du festival à Cannes, sans film à vendre mais emplies d'une cause à défendre.
#Yaduboulot mais #Caavance (tout doucement)
 
Noire n'est pas mon métier est un recueil de témoignages publié aux éditions du Seuil. Le livre dénonce le racisme et le sexisme dont sont victimes les comédiennes noires en France.
DR
"Noire n'est pas mon métier" sorti aux Editions du Seuil, le 3 mai 2018, édité par Charlotte Rotman sur une idée d'Aissa Maïga avec Nadège Beausson-Diagne, Mata Gabin, Maïmouna Gueye, Eye Haïdara, Rachel Khan, Aïssa Maïga, Sara Martins, Marie-Philomène Nga, Sabine Pakora, Firmine Richard, Sonia Rolland, Magaajyia Silberfeld, Shirley Souagnon, Assa Sylla, Karidja Touré - France Zobda, constituées aujourd'hui en Collectif DiasporAct
Isabelle Mourgere
Mise à jour 08.05.2018 à 09:56
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https://information.tv5monde.com/terriennes/cinema-l-occasion-du-festival-de-cannes-les-actrices-noires-reclament-le-droit-la-lumiere

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Le monde de la variété pleure la mort de la chanteuse belge Maurane

10 Mai 2018, 08:42am

Publié par hugo

 Le monde de la variété pleure la mort de la chanteuse belge Maurane
Maurane lors des 25e Victoires de la Musique le 6 mars 2010 à Paris
afp.com - LIONEL BONAVENTURE
08 mai 2018
Mise à jour 08.05.2018 à 14:00
Par Matthieu DEMEESTERE
AFP
© 2018 AFP
dansAccueilInfoFemmes, artistes, défricheuses
Le monde de la chanson française pleurait mardi le décès brutal de la chanteuse belge Maurane, retrouvée morte lundi soir à son domicile de Bruxelles, alors qu'elle venait d'amorcer à 57 ans son retour sur scène après plus de deux ans d'absence.
De son vrai nom Claudine Luypaerts, Maurane a été retrouvée inanimée dans son lit lundi soir par une de ses amies, à son domicile du quartier de Schaerbeek, a précisé mardi à la mi-journée le parquet de Bruxelles dans un communiqué.
Une autopsie a été requise et devait être pratiquée dans la journée, mais "les résultats ne seront pas connus avant plusieurs semaines", a-t-on souligné de même source.
De la "famille" de la chanson --Lara Fabian, Michel Fugain, Catherine Lara, Hélène Ségara ou Liane Foly--, mais aussi du monde politique belge francophone, les réactions attristées ont afflué au lendemain du décès de Maurane.
Tous ont salué en elle une "très grande voix", connue notamment pour ses reprises de Nougaro et de Brel, mais qui avait dû mettre sa carrière entre parenthèses en 2016 et subir une délicate opération aux cordes vocales.
"Je suis dévastée d'entendre cette nouvelle. C'est terrible. On a quarante ans d'amitié", a réagi Catherine Lara à la radio française Europe 1, racontant avoir trouvé Maurane "fatiguée" lors de leur ultime rencontre il y a trois semaines.
"Mais elle m'a parlé du futur, elle m'a dit qu'elle préparait un album de Jacques Brel, qu'elle rechantait. Elle me semblait aller beaucoup mieux de ce point de vue là", a ajouté l'auteure du tube "La rockeuse de diamants", comptant parmi les nombreux artistes, hommes ou femmes, avec qui Maurane avait chanté en duo.
-'On manque d'amour de plein de choses'-
Maurane, qui avait brièvement participé à la fin des années 1980 à la deuxième version de l'opéra-rock "Starmania", était une figure très connue des fans de chanson française. Elle avait été jurée entre 2012 et 2014 de l'émission de télévision "La nouvelle star".
A grands renforts de messages enthousiastes sur les réseaux sociaux, la chanteuse venait d'annoncer elle-même son grand retour, promis pour la rentrée avec un album de reprises de Brel à l'occasion des 40 ans de sa disparition.
"Côté album, les choses avancent bien puisque 14 maquettes sont enregistrées (...) Un premier single devrait sortir dans le courant de cet été", écrivait-elle jeudi dernier sur sa page Facebook.
Samedi et dimanche à Bruxelles, elle avait chanté du Brel en duo avec d'autres artistes à l'occasion d'un mini concert puis d'un festival en plein air devant des milliers de personnes.
Mardi matin, Liane Foly s'est dite "très émue" sur Europe 1. "Souvent nous les artistes femmes, on manque d'amour, de plein de choses. Ce n'est pas évident. Quand j'ai appris cette nouvelle, je me suis effondrée", a déclaré la chanteuse, qui partageait l'admiration de Maurane pour leur "père spirituel" Nougaro.
"On ne s'attend pas à ce que quelqu'un qui fait partie de sa famille disparaisse comme ça d'un coup alors qu'on n'est pas là", a confié pour sa part à RTL un Michel Fugain "dévasté".
-Un square Maurane à Bruxelles-
L'engagement de Maurane pour les causes humanitaires a été très largement mentionné, notamment par Line Renaud, qui a salué "une alliée fidèle de Sidaction". Elle avait aussi participé avec les "Enfoirés" à plusieurs levées de fonds pour les Restos du Coeur.
"Une artiste engagée nous a quittés cette nuit, Maurane, une chanteuse hors du commun, une voix inspirante, une personnalité attachante", a tweeté à l'aube le Premier ministre Charles Michel.
Son prédécesseur socialiste Elio di Rupo a parlé d'"une tragédie", "elle laisse un vide incommensurable dans le monde de la chanson".
Née le 12 novembre 1960 à Ixelles d'une mère pianiste et d'un père directeur d'une académie de musique, Claudine Luypaerts, la future Maurane, avait grandi à Schaerbeek, autre commune de Bruxelles où elle était revenue vivre après ses années parisiennes.
La commune va lui dédier "un square Maurane" dans la rue où elle résidait, a rapporté l'agence de presse Belga.
Mardi matin, devant la porte de sa maison, dans cette zone résidentielle de Bruxelles, un bouquet de roses et le mot d'une voisine avaient été déposés à même le sol, a constaté l'AFP. "Ton départ nous laisse sans voix", pouvait-on y lire.

https://information.tv5monde.com/terriennes/la-chanteuse-belge-maurane-retrouvee-morte-chez-elle-bruxelles-235895

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