CATHERINE POEME DE HEINRICH HEINE
UNE BELLE ETOILE s eleve dans la nuit
Une etoile souriante qui me console
ET me promet une vie nouvelle -
JE t en supplie , ne me ment pas !
Tout comme la mer qui se tend vers la lune ,
Les flots joyeux et dechaines de mon ame
Tendent vers ta douce lumiere -
Je t en supplie , ne me ment pas !
II
<< NE Desirez vous point etre presente , <<
ME glissa la duchesse. -
<< Non , non de grace ,je n ai rien d un hero ,
deja sa simple vue m egare la raison. <<
Cette femme si belle me fait trembler !
Je le pressens , a ses cotes
Commence pour moi une vie nouvelle ,
Plaisir nouveau et nouvelle douleur.
Quelque chose m en eloigne qui ressemble a la peur ,
Le front serein. Y couve pourtant l orage
Et les eclairs futurs , la futur tempete
Dont les secousses m ebranleront
Au plus profond de moi
La bouche est sage .Mais sous les roses
Je vois deja avec effroi
Les serpents qui un jour me feront blessure
D un baiser perfide et dun mepris suave.
Le desir me pousse -IL faut que je m approche
De ce lieu a la fois si charmant et fatal -
Deja j entend sa voix -
Ses mots : des flammes qui resonnent.
Elle me demande << Monsieur , dites moi donc le nom
De la chanteuse qui chantait a l instant ? <<
Je n ai rien entendu de ce chant.<<
III
Tout comme le sage et vaniteux Merlin
JE suis un pauvre necromant
Pris au bout du compte au piege
De mes propres envoutement.
Pris au piege et a ses pieds
Me voila , Et pour toujours
Je plonge mon regard dans ses yeux ;
Et les heures passent.
Heures, journee, semaines entieres ,
Passent comme passerait un reve
Je ne sais guere ce que je dis ,
Ni ne sait de quoi elle parle.
IL me semble parfois sentir
Ses levres effleurer les miennes -
jusqu au trefond de mon ame
J en sens alors me bruler les flammes.
IV
Tu aimes tant etre dans mes bras ,
Tu aimes tant etre sur mon coeur !
JE suis tout ton firmament,
Tu es ma plus chere etoile.
Tres loin, en dessous de nous
Fourmille le genre humain,
Une sotte engeance qui crie, tempete, se fache,
Et tous ils ont raison.
ILS agitent les grelots de leur bonnet fou ,
SE CHamaillent sans raison ;
Et s enfoncent dans le crane
Leur sceptre de bouffon.
comme nous sommes heureux tous les deux
D etre blottis dans le ciel,
O ma plus chere etoile.
v
Que j aime ce corps laiteux,
Le svelte ecrin d une ame tendre,
Ces yeux sauvages et grands et ce font
Caresser de vagues de boucles noires !
Tu es bien de cette espece
Que j ai cherchee sous tous les cieux.
Ma valeur aussi , les femmes de ton rang
Ont , comme il se doit , su la reconnaitre.
En moi tu as su trouver l homme
Qu il te fallait .Par tes caresses et tes baissers
Tu sauras me combler de bonheur,
Puis me trahir , comme de coutume .
VI
Aux portes de la ville le printemps
Semblait deja m attendre .
La contree tout entiere
Est en fleur comme un jardin joli.
A mon cote ma bien aimee
Dans la caleche rapide
Me regarde tendrement
Je sens battre mon coeur
ET ca gazouille ,et ca embaume, et ca rit au soleil !
Ca scintille revetu de sa verte livree !
L arbriseau incline sa petite tete ,
De fleurs blanches joyeusement pare.
LES fleurs pointent leur nez de leur couche de terre
Et observent , curieuses ,
La belle femme que j ai choisie ,
Et votre serviteur , et sa bonne fortune.
Ah bonheur ephemere ! Demain deja
La faux sifflera a travers les semis ,
LE printemps si gracieux sera fletri
Et la femme m aura trahi.
VII
Juste hier je fis ce reve :
J y allais me promenant au royaume des cieux ,
J y etait avec toi - car sans toi
Le ciel me serait un enfer .
J y croisais les elus ,
Les justes et les pieux ,
Qui sur terre mortiferent
Leur corps pour sauver leur ame :
Des peres de l eglise et des apotres,
Des ermites , des capucins ,
De vieilles chouettes , des jeunes aussi
ET les jeunes etaient pires !
De tres saints visages moroses
Des cranes chauves , des barbes grises ,
(parmis eux des juifs aussi )
Nous croissaient d un air severe ,
Sans t accorder le moindre regard
Quand bien meme , ma toute jolie ,
Tu allais a mon bras , caline ,
Calinante , souriante , et faisant ta coquette!
Un seul d entre eux te regarda,
Et c etait le seul bel homme ,
Un seul bel homme dans ce cortege ,
Merveilleuse etait sa face .
Bonte humaine dans le sourire
Calme divin dans le regard,
Comme naguere sur madeleine
IL porta ses yeux sur toi .
Honni soit qui mal y pense !
Nul n est aussi noble et pur -
ET pourtant je fus saisi
Par une jalousie -
ET j avoue que j ai trouve
Le ciel bien inconfortable -
Dieu me pardonne , j etait gene
PAR JESUS DE NAZARETH.
VIII
Tout un chacun a emmene
A cetet fete sa bien aimee
Se rejouit de cette nuit fleurie
Et moi tout seul me manque le meilleur .
Je vais tout seul comme un malade !
Je fuis les plaisirs , je fuis la danse ,
La belle musique et l eclat des lumieres ; ----
Mes pensees sont en angleterre .
Je cueille des roses et des oeillets,
L esprit distrait , le coeur chagrin ,
Sans savoir a qui les donner ; --
Mon coeur se fletrit , les fleurs se fanent .
IX
J avais perdu mon chant , j avais perdu mon souffle
pendant longtemps - Me revoila poete !
Tout comme les larmes nous viennent subitement ,
Les chants aussi reviennent sans prevenir .
Voici que de nouveau mes plaintes sonr melodieuses ,
JE chante les grandes amours et les amours et les souffrances plus grandes
De coeurs qui ne s entendent guere
Et se brisent quand la vie les separe.
IL me semble parfois sentir bruiser les chenes
Au dessus de ma tete , les chenes d allemagne -
Leur murmures me promet meme des retrouvaillent -
Ce ne sont que des reves - Ils s effacent .
IL me semble parfois entendre les rossignols,
Ces rossignols d antan du pays allemand -
Combien leur chant m enlace tendrement !-
Ce ne sont que des reves-evanescents.
OU sont les roses dont l amour jadis
Me rendit si heureux ? -Depuis longtemps leur floraison
Est fanee- Seul le triste fantome
De leur parfum me hante encore.