L'enquête réalisée par Ipsos pour Enfant Magazine auprès d'un échantillon représentatif de parents d'enfants de 0 à 7 ans avait donc pour objectif de voir jusqu'où les
pères étaient prêts à aller, que ce soit pour devenir pères, tout simplement, ou, ensuite, pour vivre plus intensément leur paternité. Les résultats de ce sondage montrent que les mentalités
ont effectivement beaucoup évolué même si quelques petits « blocages » subsistent. Par ailleurs, comme lors de l'enquête précédente, on observe à nouveau un décalage entre ce que les
pères se disent prêts à faire et la perception qu'en ont les mères.
Pères et mères sur la même longueur d'ondes concernant le nombre d'enfants souhaité
Premier indice de l'implication croissante des pères dans la paternité : contrairement à ce que l'on aurait pu imaginer, les hommes d'aujourd'hui ne souhaitent pas moins d'enfants que les
femmes (il est certain que, sur ce indicateur, une référence antérieure aurait été intéressante pour mesurer une éventuelle évolution). En effet, le nombre moyen d'enfants souhaité actuellement
par les pères interrogés par Ipsos (2,5) s'avère identique au nombre moyen d'enfants souhaité par les mères (2,5 également). Le milieu socioprofessionnel ne constitue pas un élément de clivage
sur cette question. On observe en revanche une très légère différence liée à l'âge : les parents âgés de 35 ans et plus comptent avoir un peu plus d'enfants (2,6 en moyenne) que les
parents de moins de 35 ans (2,4 en moyenne). Mais c'est la situation géographique qui constitue le facteur le plus déterminant : c'est en Ile-de-France que le nombre moyen d'enfants
souhaité actuellement est le plus élevé (2,7 enfants contre 2,5 en moyenne en Province). Or, depuis le milieu des années 80, on observe effectivement une plus forte fécondité en Ile-de-France
qu'en province.
Ces chiffres sont inférieurs au nombre d'enfants souhaité « dans l'idéal ». En effet, s'ils n'avaient aucune contrainte de temps ou financière, les parents interrogés par Ipsos
rêveraient d'avoir 3,3 enfants en moyenne. Cette fois encore, pères et mères se retrouvent. On note à nouveau une très légère différence en fonction de l'âge (3,2 enfants en moyenne pour les
parents de moins de 35 ans contre 3,4 pour les parents âges de 35 ans et plus). Le clivage géographique persiste : dans l'idéal, les Franciliens rêveraient d'avoir 3,8 enfants en moyenne,
contre 3,2 en moyenne seulement pour le reste de la France.
Ces résultats mettent donc en avant un décalage important, entre le nombre d'enfants souhaité « dans l'idéal », hors de toute contrainte temporelle ou matérielle, et le nombre
d'enfants voulu actuellement. Ils montrent clairement que les parents ne font pas autant d'enfants qu'ils le souhaiteraient. Au contraire, ils se brident, sans doute faute de temps et d'argent.
Pourtant, la réalité montre que les femmes font déjà de leur mieux pour concilier vie professionnelle et maternité, n'hésitant pas, dans de nombreux cas, à travailler à temps partiel ou
raccourcir leurs journées de travail, au risque de sacrifier leur carrière. Les pères seraient-ils prêts en en faire de même ? Jusqu'où « les nouveaux pères » sont-ils prêts à
aller pour vivre leur paternité ?
Les pères prêts à franchir un cap et à s'impliquer davantage
86% des pères interrogés par Ipsos déclarent être prêts, si cela avait peu d'impact financier pour eux, à « prendre un congé paternité de quelques mois au moment de la naissance »
pour vivre plus intensément leur paternité. Plus des deux tiers d'entre eux (67%) le feraient même « certainement ». On observe de ce point de vue un léger clivage
générationnel : près des trois-quarts des pères de moins de 35 ans répondent « oui, certainement » (74%) contre 62% seulement des pères âgés de 35 ans et plus.
Parallèlement, une importante majorité des pères se déclare prête à « prendre une année sabbatique » (71%). Plus d'un père sur deux (56%) se dit même « certainement » prêt à
faire cet effort pour vivre plus intensément sa paternité. Les plus jeunes apparaissent à nouveau plus convaincus : 59% des pères de moins de 35 ans répondent « oui,
certainement » contre 53% des pères de 35 ans et plus. Enfin, les trois quarts des pères interrogés seraient prêts à « demander à travailler à temps partiel » pour vivre plus
intensément leur paternité si cela n'avait que peu d'impact financier pour eux (76%). 53% d'entre eux seraient même « certainement » prêts à le faire. A nouveau, les jeunes pères se
montrent plus enthousiastes : 59% des pères de moins de 35 ans répondent « oui, certainement » contre 49% seulement des pères de 35 ans et plus.
Cet effet de génération s'observe dans d'autres enquêtes relatives à la question du travail et de l'investissement personnel. Les études menées récemment (notamment pour l'APEC) montrent que la
jeune génération, entrée plus tardivement sur le marché du travail, au moment de la mise en place des lois sur les 35 heures, est plus attachée à l'équilibre vie professionnelle/vie privée.
Cette « génération RTT », comme on pourrait l'appeler, revendique le droit de préserver du temps pour sa vie personnelle. C'est peut-être ce qui explique que les jeunes pères soient
davantage prêts que leurs aînés à consacrer du temps à leurs enfants, au détriment de leur vie professionnelle. Le congé paternité de 15 jours au moment de la naissance n'a d'ailleurs été mis
en place que très récemment (janvier 2002). Ce qui semble « normal » aux jeunes pères l'est beaucoup moins pour les pères un peu moins jeunes, même si quelques années seulement les
sépare. Mais de nombreux changements sont intervenus au cours de ces dernières années, contribuant à expliquer ces différences liées à l'âge.
Au final, 7% seulement des pères interrogés ne seraient prêts à faire aucune de ces démarches pour vivre plus intensément leur paternité (5% des pères de moins de 35 ans et 9% des pères de 35
ans et plus).
Les mères encore un peu sceptiques même si elles confirment cette évolution des mentalités chez les « nouveaux pères »
Les hommes semblent davantage prêts à s'investir que les femmes ne se l'imaginent. Même si les mères croient en la volonté des pères de s'impliquer davantage, elles restent encore sur la
réserve.
C'est sur le congé paternité que l'écart entre ce que déclarent les pères et la perception des mères est le moins marqué. 83% des mères interrogées pensent en effet que le père de leurs enfants
serait prêt à « prendre un congé paternité de quelques mois au moment de la naissance » pour vivre plus intensément sa paternité si cela n'avait que peu d'impact financier pour lui
(-3 points seulement par rapport à ce que déclarent les pères). Il faut dire que cette démarche est moins engageante que le fait de demander à travailler à temps partiel ou de prendre carrément
une année sabbatique.
Par ailleurs, 72% des mères interrogées pensent que le père de leurs enfants serait prêt à « demander à travailler à temps partiel » alors que 76% des pères se disent prêts à le
faire.
C'est à l'inverse concernant la possibilité de prendre une année sabbatique que la perception des mères diffère le plus de ce que déclarent les pères. 61% seulement d'entre elles pensent en
effet que le père de leurs enfants serait prêt à « prendre une année sabbatique » pour vivre plus intensément sa paternité, alors que 71% des hommes se disent prêts à le faire. 44%
des mères interrogées pensent que le père de leurs enfants serait « certainement » prêt à le faire contre 56% des pères (soit un différentiel de 12 points). Cet écart passe à 18
points sur la génération des 35 ans et plus.
Comme pour les hommes, on observe sur les trois items testés un écart générationnel (les jeunes mères étant plus nombreuses à penser que le père de leurs enfants serait capable de faire l'une
ou l'autre de ces démarches pour vivre plus intensément sa paternité).
Globalement, même si les femmes se montrent un peu sceptiques, on peut quand même parler d'une évolution des mentalités. Les hommes, aussi bien que les femmes, conçoivent la paternité comme
quelque chose de beaucoup plus engageant pour les hommes.
Une évolution des mentalités en partie confirmée par ce que les pères seraient aujourd'hui prêts à faire pour accéder à la paternité
84% des pères interrogés auraient été prêts à « donner leur sperme pour que leur compagne puisse recourir à une Fécondation in vitro (FIV) » s'ils n'arrivaient pas à avoir d'enfant.
65% d'entre eux auraient même été « certainement » prêts à le faire. Sur ce point, en dépit d'un très léger décalage, les mères ne doutent pas vraiment de la bonne volonté des hommes.
80% d'entre elles pensent qu'en cas de difficultés pour avoir un enfant, le père de leurs enfants aurait été prêt à donner son sperme pour qu'elles puissent recourir à une FIV (dont 63%
«certainement »).
81% des pères interrogés auraient par ailleurs été prêts à « suivre un traitement médical pour accroître leur fertilité », dont 59% « certainement ». Sur cet item, les
pères de moins de 35 ans se montrent un peu plus ouverts (62% répondent « oui, certainement » contre 56% des pères de 35 ans et plus). La perception des mères est là aussi très proche
de ce que déclarent les pères : 83% d'entre elles pensent que le père de leurs enfants aurait été prêt à suivre un traitement médical pour accroître sa fertilité (dont 60%
« certainement »). On retrouve le même léger décalage lié à l'âge.
Les pères auraient par ailleurs été majoritairement prêts à adopter un enfant, s'ils n'arrivaient pas à en avoir (86% dont 59% « certainement »). On observe à nouveau un décalage
générationnel : 91% des pères de moins de 35 ans auraient pu se tourner vers l'adoption en cas de difficultés contre 82% des hommes de 35 ans et plus. La perception des femmes diffère sur
ce point : 74% seulement d'entre elles pensent que le père de leurs enfants aurait été prêt à adopter un enfant (-12 points par rapport à ce que déclarent les pères). Un quart d'entre
elles pense qu'il n'aurait pas voulu (25% contre 13% des hommes seulement). L'orgueil masculin laisse peut-être croire aux mères qu'il est plus difficile pour un homme d'élever un enfant qui
n'est pas le sien.
En revanche, 40% seulement des pères interrogés déclarent qu'ils auraient été prêts à « recourir à un don de sperme » pour pouvoir devenir père s'ils n'arrivaient pas à avoir
d'enfant, dont 22% seulement « certainement ». 54% n'auraient pas été prêts à franchir ce pas (dont un tiers « certainement pas »). Les écarts générationnels s'effacent sur
ce point. Les femmes apparaissent presque aussi réservées que les hommes. Est-ce parce qu'elles-mêmes n'auraient pas souhaité recourir à une telle méthode ? Toujours est-il que si 47% des
femmes pensent que le père de leurs enfants aurait été prêt à recourir à un don de sperme, une proportion quasi-identique (45%) pense qu'il n'aurait pas accepté.
Les pères sont donc prêts « presque à tout » pour devenir pères, même si certaines barrières subsistent aujourd'hui. Soulignons toutefois que 3% seulement des pères interrogés ne
seraient prêts à recourir à aucune de ces méthodes pour accéder à la paternité.
La paternité de demain : les hommes « enceints » ?
Dernier signe de la révolution qui est en cours en matière de paternité : plus d'un tiers des pères interrogés aimeraient ou auraient aimé porter leur enfant si un jour le progrès
permettait aux hommes d'être « enceint » (38%). Si 30% des pères interrogés répondent simplement « oui, pourquoi pas », 8% répondent « oui, beaucoup ». Si ce
résultat peut sembler faible au premier abord, il convient de le reconsidérer à l'aune du sujet dont il est question : près d'un homme sur 10 aimerait « beaucoup » être enceint
et près de 4 sur 10 pourraient l'envisager.
Les résultats sont assez similaires chez les mères. 40% d'entre elles déclarent qu'elles aimeraient ou auraient aimé que leur conjoint porte leur enfant si un jour le progrès permettait aux
hommes d'être enceint (dont 10% beaucoup). Ces résultats sont presque surprenants : on aurait pu penser que la volonté des mères de partager les tâches avec les pères trouverait ici ses
limites et qu'elles considèreraient en quelque sorte la grossesse comme leur « domaine réservé ». Or, 4 mères sur 10 se montrent ouvertes à l'idée d'une grossesse masculine. Reste que
60% d'entre elles se montrent hostiles à cette idée.