Droits de la santé sexuelle et reproductive des femmes en Afrique francophone : un enjeu de santé et de société,femmes,
Par Catherine François
25 juin 2019
Mise à jour 25.06.2019 à 15:22 par
TerriennesCatherine François
La santé sexuelle et reproductive des femmes était au centre de la conférence Women Deliver qui s’est déroulée à Vancouver du 3 au 6 juin 2019. Un enjeu pour les femmes, mais aussi un facteur de développement pour l'ensemble des sociétés en Afrique francophone.
Le cas du Burkina Faso
Au Burkina Faso, la situation pour les femmes s’est améliorée en matière de DSSR (Droits de la Santé Sexuelle et Reproductive des femmes). A Vancouver, Marie Laurence Ibouldo-Marchal, ministre de la Femme, de la Solidarité familiale et de la Famille du Burkina Faso l'expliquait : "Nous avons adopté en 2015 une loi qui autorise l’avortement en cas de viol, d'inceste, ou si la santé de la mère ou du fœtus est en danger, explique-t-elle. Par contre, cette loi est encore méconnue et nous rentrons toujours dans ce cycle d'avortement clandestin qui peut être dangereux pour les femmes, les tuer ou les rendre stériles."
Marie-Laurence Ibouldo Marchal, ministre de la Femme, Solidarité sociale et de la Famille du Burkina Faso.
©CF
Le gouvernement du Burkina Faso a adopté une approche préventive pour réduire au maximum le nombre d’avortements, notamment clandestins : "Nous mettons l'accent sur la prévention, l'objectif c'est de prévenir ces grossesses donc de mettre à la disposition de cette couche de la société des méthodes contraceptives qui vont aider ces femmes à prévenir leurs grossesses," précise la ministre. Plus d’un milliard de francs CFA ont déjà été investis pour offrir des moyens contraceptifs aux femmes et aux jeunes filles du pays. Mais la somme est insuffisante. Selon la ministre, il faudrait au moins 25 milliards de francs CFA pour généraliser l’utilisation de ces moyens contraceptifs dans son pays. Actuellement, seulement une femme sur quatre s’en sert au Burkina Faso.
Autonomiser les femmes
Marie Laurence Ibouldo-Marchal insiste sur l’importance d’offrir aux femmes ces moyens contraceptifs pour leur permettre de poursuivre leurs études, et de travailler : "Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, parler de l'autonomisation de la femme sans parler du droit à la santé sexuelle et reproductive, parce qu'aujourd'hui, tant que la femme ne peut pas maîtriser son taux de fécondité, elle ne sera pas active. Il est important qu'une femme puisse maîtriser son corps et décider le nombre d'enfants qu'elle veut et quand elle le veut pour être plus active. Nous travaillons dans ce domaine au Burkina Faso pour donner ces instruments aux femmes afin qu'elles puissent participer pleinement à la vie économique du pays".
Aujourd'hui, en Afrique de l'Ouest, une personne sur trois est jeune, alors que la sexualité reste tabou.
Alexia Hountondji est enseignante : elle déplore de voir trop de jeunes filles abandonner leurs études parce qu’elles tombent enceinte ou parce qu'elles sont mariées précocement : "Aujourd’hui, en Afrique de l'Ouest, une personne sur trois est jeune, et la sexualité reste un sujet tabou. Donc les droits sexuels, les services, les produits de contraception ne sont pas disponibles et il y a une poussée de grossesses précoces. Il est important d'investir dans la santé sexuelle des jeunes et des adolescents".
Alexia Hountondji, enseignante et jeune féministe du Bénin.
©CF
Selon la jeune féministe, des efforts ont été faits pour se doter de programmes d’éducation sexuelle dans les écoles béninoises. Il y a aussi eu des investissements pour la santé sexuelle des jeunes, mais "il faut aussi penser à ceux qui ne sont plus scolarisés. Ces investissements sont insuffisants, il y a encore beaucoup à faire".
Une certaine ambivalence
Aurélie Gal-Régniez, directrice de l'organisme français EQUIPOP, qui travaille dans les pays d'Afrique francophone sur la question des DSSR, constate sur le terrain une certaine ambivalence : "D'un côté on a une volonté politique qui s'affirme de plus en plus. On entend dans beaucoup de pays des leaders politiques qui se lèvent et qui affirment qu'il faut défendre les droits des DSSR. On a aussi des personnes au niveau de la société civile qui se mobilisent et qui fournissent un travail formidable pour faire avancer les choses. Mais de l’autre côté, on a des blocages socio-culturels extrêmement importants et un sous-investissement, ce qui fait qu'on est bien loin du compte en matière de respect des droits et de la santé sexuelle des femmes et des filles dans ces pays-là, vraiment très loin du compte. Il faudrait quadrupler les investissements dans les DSSR et que les gouvernements en fassent une priorité sociale et politique".
Aurélie Gal-Régniez, directrice d'Équipop.
©CF
Aurélie Raz-Régniez estime qu'il faudrait intervenir à tous les niveaux pour faire avancer la cause des droits sexuels et reproductifs des femmes : "Il n'y a pas de baguette magique ni de solution magique : la solution, c'est l'action collective, unir ses forces, faire en sorte qu'il y ait des mouvements et des efforts conjoints à tous les niveaux de la société. C'est important que les individus prennent leurs responsabilités et fassent changer les comportements au niveau individuel. Ensuite, il faut déconstruire un certain nombre d'idées reçues et de stéréotypes qui bloquent la mise en œuvre de ces droits, le dialogue social doit être porté, il faut qu'il y ait des endroits où on parle de sexualité et de droit des femmes, de masculinité et de féminité. Enfin les "politiques" doivent être des leaders de changement, faire avancer les normes sociales et prendre des engagements forts. C'est l'alliance de l'ensemble de ces énergies-là qui fera avancer les choses".
Faire entendre la voix des féministes de l’Afrique francophone
Equipop travaille en collaboration avec des organismes locaux, mais épaule aussi les jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest : "Nous aidons à sécuriser les espaces où elles peuvent échanger et avoir accès à l’information concernant les luttes féministes du monde entier et faire entendre la voix de ces femmes dans ce genre de conférence," précise Aurélie Gal-Régniez. L'Afrique francophone est sous-représentée dans la plupart des instances internationales et pour nous il est extrêmement précieux de faire entendre la voix des femmes d'Afrique francophone".
TerriennesCatherine François
Mise à jour 25.06.2019 à 15:22
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