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Handicap : les dérives de l’exode vers la Belgique,handicap,

28 Juillet 2014, 02:13am

Publié par hugo

Région
Handicap : les dérives de l’exode vers la Belgique
PUBLIÉ LE 15/07/2014
PAR SOPHIE FILIPPI-PAOLI
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Au départ, il y a des histoires de douleur et d’angoisse. Celle de cette maman qui cherche en vain une école pour son fils autiste de 3 ans. Celle de ce papa qui, quarante ans, après ronge encore cette phrase : « Votre fille va rester dans un lit toute sa vie et il n’y a rien ici pour l’accueillir. » Des histoires qui poussent les familles à tenter leur chance en Belgique.


PHOTO PATRICK JAMES
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Face à cette demande en augmentation, les centres wallons, qui n’accueillent que des Français dont une majorité de Nordistes, poussent comme des champignons.
Et certains cherchent surtout à faire du business : « Il y a parfois de la maltraitance et de la surmédication », dénoncent les associations. Des dérives qui ont amené la Wallonie et l’agence régionale de santé du Nord à signer un accord-cadre en mars avec, notamment, la mise en place de contrôles conjoints. Pourquoi pas. Sauf que, pour les familles, la solution serait, avant tout, de pouvoir placer leurs enfants handicapés du côté français de la frontière.
Le côté obscur de la frontière
Estaimpuis, frontière belge, 10 000 habitants. En quelques minutes, on repère quatre centres pour adultes handicapés dont trois fraîchement ouverts qui accueillent uniquement des Français. L’un d’eux est une simple maison à l’entrée délabrée. Le constat est encore plus frappant à Taintignies (3 000 habitants) : dans un immense couvent reconverti sont accueillis 58 résidents, qui viennent, là aussi, tous de France.
Le site semble aménagé à la va-vite et les activités proposées sont minimales. D’ailleurs, la salle qui leur est dédiée est minuscule. Mais voilà, la demande de l’autre côté de la frontière se fait de plus en plus pressante : on compte environ 6 500 personnes handicapées dans l’Hexagone accueillies actuellement en Wallonie dont une majorité de Nordistes (plus de 1 000 cas). « Nous avons les chiffres exacts pour ceux qui dépendent de la CPAM, ils sont plus vagues pour les autres, explique Philip Cordery, député des Français du Bénélux, spécialiste de la question. Ce qui est sûr, c’est que les demandes sont de plus en plus nombreuses et que la France est loin d’y répondre. »
Depuis 2000, 140 centres ont ouvert près de la frontière. Ils se répartissent l’accueil de 5 000 Français (sur les 6 500) avec des séjours payés majoritairement par le conseil général (département) ou la Sécurité sociale. « Ces centres ont ouvert uniquement avec une autorisation de l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées, l’AWIHP, et ne sont pas soumis aux normes que celle-ci préconise. »
Á cela, s’ajoute une autre différence : certains centres sont des sociétés privées et d’autres sont à but non lucratif. « Forcément, la démarche n’est pas la même, note Isabelle Resplendino, d’Autisme France, en charge des Français en situation de handicap en Belgique et qui habite près de la frontière Le manque de structures en France a créé un business. Comme les Français paient plus pour une journée qu’un Wallon, c’est vite vu ! »
Une accumulation qui entraîne des dérives : « Il y a des problèmes de surmédication, voire de maltraitance », reconnaît Philip Cordery. « Parfois, on recherche plus le profit matériel que le bien-être », continue Isabelle Resplendino. Mais, assurent-ils, ces « dysfonctionnements » ne concernent qu’une minorité de centres : « Il ne faut pas non plus créer une psychose parmi les parents. » De plus, depuis le 1er mars, un accord cadre a été signé entre l’Agence régionale de santé (ARS) du Nord - Pas-de-Calais et l’AWIHP. « Les informations vont mieux circuler et il y aura des inspections communes. » Selon l’ARS, moins de dix plaintes émises par des familles de la région ont été enregistrées en 2013. « Cela ne veut rien dire, reprend la représentante de France Autisme. Il y a un tel manque de places qu’il y a à peine une famille sur les dix concernées qui ose porter plainte. »
Comme beaucoup, Isabelle Resplendino plaide avant tout pour un développement de la prise en charge en France : « Bien sûr, relever les normes dans tous les centres wallons serait une bonne chose. Mais si au moins, les enfants pouvaient être scolarisés en France, ce serait un début !
Témoignages de parents
Toutes deux souhaitent garder l’anonymat, toutes deux ont des fils autistes d’une dizaine d’années accueillis dans le même centre pour Français et toutes deux, enfin, se plaignent des conditions proposées. La première a retiré son enfant, la seconde cherche désespérément un autre centre.
« C’est de l’occupationnel ! Lorsque l’on visite, on nous montre deux unités qui, au final, ne sont pas celles où mon fils a été, ils ont deux encadrants pour 22 enfants, c’est n’importe quoi !
Mon fils était très constipé et plutôt que de chercher pourquoi, ils allaient encore augmenter la dose de médicaments pour le calmer. Du coup, je vais le garder à la maison en attendant d’en trouver un autre.
La France ? J’ai complètement démissionné, il n’y a rien. »
« Lorsque l’on visite, le staff médical est mis en avant mais dans les faits, il n’y a que deux psychologues pour tout le monde, les éducateurs ne sont pas assez nombreux, il n’y a aucun lien entre les parents, on dirait que l’on fait tout pour que nous ne communiquions pas. En fait, comme le nombre d’autistes explose, ils en accueillent mais leur proposition n’est pas adaptée ! J’ai l’impression que mon fils est dans une voie de garage.
Enfin, on a le sentiment qu’il ne faut pas trop râler parce qu’ils ont déjà la gentillesse de nous accueillir. »
Les autistes français bientôt concernés?
« Il avait trois ans, cela aurait dû être sa première rentrée mais aucune école ne l’a accepté. J’en ai pleuré » Sept ans plus tard, Amandine Weaver a encore la voix qui tremble pour son petit Maxence qui, à l’époque, souffrait d’un autisme sévère : « J’ai dû le garder à la maison jusqu’à ses six ans. » Une école près de Mons, en Belgique, accepte enfin l’enfant. Et depuis, il a fait des progrès spectaculaires : « Le système belge est incroyable. »
Depuis, cette mère de trois enfants qui vit dans le Valenciennois, a créé une association (Le Monde de Maxence) qui aide notamment les familles à « traverser la frontière ». « Le problème est qu’il y a partout de plus en plus d’autistes, c’est d’ailleurs un phénomène que l’on s’explique mal. Dans l’école de Maxence, il y avait, en 2010, 40 % de Français. On est passés à 60 %. À un moment, les Belges vont manquer de places pour leurs propres enfants et il y aura un embargo. Et alors qu’est-ce qu’il se passera ? »
Comme le rappelle cette jeune femme de 32 ans, la France est le seul pays qui considère encore l’autisme comme une maladie psychiatrique : « On parle de maltraitance dans les centres wallons mais, en France, il y a 650 000 autistes sans aucune solution. Nous-mêmes si on n’avait pas vécu près de la frontière, nous nous en serions peut-être pas sortis. »
Comment la Wallonie a changé leur vie... en bien
« Bonjour, je suis le papa de Valérie. » Dans l’interphone, la voix répond : « Entrez M. Buiron. » Pas besoin de beaucoup d’explications : l’enchaînement est le même depuis plus de quarante ans. L’arrivée en voiture le vendredi, l’entrée dans le hall immense, impeccable. Sa fille en fauteuil qui lui sourit, poussée par une éducatrice, ses affaires à prendre dans son casier pour le week-end.
Clairement, pour la famille Buiron, le home Philippe, à Rumes (Wallonie) a changé leur vie. En bien. À tel point qu’Edmond Buiron, 72 ans, de Wattignies, a l’enthousiasme d’un propriétaire pendant que la sous-directrice, Marie-Claire Sutherland ouvre les portes pour une visite : « Vous voyez, ils ont une balnéo, plein d’activités, des salles pour les sens, la psychomotricité, un grand jardin... » Et des résidents belges et français.
Valérie a 48 ans, elle est arrivée dans le centre à 5 ans avec une déficience physique et intellectuelle lourde. « Elle n’a été diagnostiquée qu’à un an et demi. On a cherché des places dans toute la région, il n’y avait rien. Le seul retour qu’on ait eu, c’était qu’elle allait passer sa vie dans un lit ! Quand vous voyez ce qu’elle est capable de faire grâce à ce qu’elle a appris ici... On était livrés à nous-mêmes. C’est un professeur qui nous a conseillé la Belgique. Même si aujourd’hui, avec toutes les nouvelles techniques, on se dit qu’on aurait dû faire ci ou ça... On culpabilise beaucoup dans tous les cas. Et puis, on n’est pas tout jeunes. Qui va venir la chercher tous les week-ends après nous ? »
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