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Le blog de hugo,

Cancer du sein après 70 ans : le dépistage oublié ?

8 Février 2024, 04:52am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Cancer du sein après 70 ans : le dépistage oublié ?
Campagne menée en France pour sensibiliser au cancer du sein des femmes âgées
© Ligue française contre le cancer

14 janv. 2024 à 07:00 - mise à jour 04 févr. 2024 à 10:58

Temps de lecture6 min
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Par Anne Poncelet
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Nous vous reproposons cet article à l'occasion de la Journée mondiale contre le cancer, le 4 février.

L’alerte nous vient d’un chirurgien oncologue qui voit arriver dans son cabinet liégeois des femmes âgées, atteintes de cancers avancés "avec un sein dans un état que vous n’imaginez même pas". Des femmes qui ont fini par consulter à cause de la douleur ou d’une grosseur, d’une nécrose, ou en raison de l’inquiétude d’un proche. "J’ai eu aussi une patiente envoyée par son cardiologue, poursuit Pino Cusumano. Lors du contrôle, le cardiologue a remarqué que le sein n’était pas normal, et l’a donc envoyée faire une mammographie. Et des cas comme ça, identifiés trop tard, je peux vous en raconter des dizaines."

Pour ce professionnel de la santé, il y a clairement une sous-estimation des cancers après 70 ans, et en particulier ceux du sein ; des femmes qui passent sous le radar de la prévention et dès lors d’une prise en charge rapide. Ce constat se retrouve également dans des études françaises qui montrent que les femmes âgées de plus de 70 ou 75 ans "consultent plus souvent avec des tumeurs importantes".

Le message le plus important à faire passer est que, quel que soit l’âge, il ne faut jamais hésiter à en parler à son médecin. Car plus on détecte la maladie tardivement, plus les traitements seront lourds et invasifs. "Il y a une méconnaissance de ce qui est possible de demander en Belgique", poursuit le chirurgien. Les femmes au-delà de 70 ans pensent parfois que ce dépistage ne les concerne plus. C’est tout le contraire.

Un cancer du sein sur trois touche une personne de plus de 70 ans
En 2021, 11.319 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués, dont plus d’un tiers au-delà de 70 ans (3979)
Comme le montre le graphique, le cancer du sein n’est pas anecdotique chez les femmes âgées. En 2021, 11.319 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués en Belgique, dont plus d’un tiers au-delà de 70 ans (3979). L’émergence de la maladie après 70 ans est donc loin d’être négligeable.

Dépistage en Belgique : que peut-on faire et à quel âge ?

Chez nous, une femme sur huit risque de développer un cancer du sein. Et les cas de guérison concernent 90% d’entre elles. C’est dire l’importance d’un dépistage précoce de la maladie. Le taux de survie est légèrement inférieur (87%) pour les femmes plus âgées.

Le dépistage, tous les deux ans, est gratuit et encouragé entre 50 et 69 ans. C’est dans cette fourchette d’âge que "le risque de cancer du sein est le plus important et que le dépistage est le plus efficace", mentionne la Fondation contre le cancer.

Logique donc, de placer le focus de la prévention (et des budgets) sur cette tranche d’âge. Dans ce cadre, le mammotest peut être prescrit par le médecin, sinon les femmes reçoivent une lettre d’invitation. Et la facture est à charge de l’INAMI.


© RTBF – Belgian Cancer Register
Avant 50 ans et surtout au-delà des 70 ans, le médecin évalue au cas par cas, selon les antécédents familiaux de la patiente ou une prédisposition génétique, selon le résultat de l’autopalpation et les inquiétudes de la patiente.

Le dépistage reste évidemment accessible mais il n’est pas automatique, il se fait plus rare. Les médecins ne l’encouragent plus, la plupart du temps, et il ne bénéficie plus de la gratuité complète (les visites médicales et l’imagerie médicale restent remboursées partiellement).

Et c’est là que le bât blesse. Absence d’incitants et de rappels systématiques, moins de remboursements, voilà deux éléments qui font chuter le dépistage. A cela s’ajoutent des visites moins fréquentes chez le gynécologue. Et il faut aussi considérer la situation très particulière des femmes en maisons de retraite, où le personnel soignant est rarement formé à cette prévention (et a rarement le temps de s’en préoccuper).

Ce n’est pas parce que le programme de dépistage systématique s’arrête qu’il n’y a plus de risque. "Il est vraiment important de continuer à être vigilant lorsqu’on est une femme par rapport au cancer du sein, conseille Véronique Le Ray, de la Fondation contre le Cancer. Même si on n’est pas encore ou plus dans les critères de mammographie gratuite, donc de dépistage systématique, il est important de rester attentif aux signes d’appel. Quelques-uns qui sont évidents : une boule dans le sein, un mamelon rétracté, un changement de couleur, etc. Si on a une inquiétude, il faut en parler à son médecin traitant qui peut prescrire un examen de mammographie avec ou sans échographie et consultation chez un spécialiste. Donc surtout, ne jamais hésiter à consulter si on a un doute au niveau d’une suspicion de cancer du sein."

Augmenter l’âge du dépistage systématique ?
Le débat d’élargir le dépistage systématique pour les femmes de plus de 70 ans n’est pas à l’ordre du jour chez nous, pour l’instant. Ni le fédéral (chargé notamment des remboursements via l’Inami), ni les entités fédérées (en charge de la prévention) n’ont placé cette extension à l’agenda. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne s’occupe pas de prévention (un arrêté wallon consacré au dépistage du cancer en général est, par exemple, en préparation).

Mais pour le reste, la politique de prévention se conforme aux recommandations du KCE, le centre fédéral d’expertise en soins de santé.

Le dernier rapport du KCE, sur le thème du dépistage du cancer du sein, date de 2012 (nous n’en avons pas trouvé de plus récents). Ce rapport ne conseillait pas l’extension du dépistage de 70 à 74 ans. "Cette extension n’apporterait pas forcément plus d’avantages que d’inconvénients", détaille le rapport. "On gagnerait certes quelques années de vie (13 pour 1000 femmes dépistées). Mais avec un risque que la qualité de vie des participantes soit affectée en raison de fausses alertes trop fréquentes et d’un surdiagnostic."


© Getty
Une nouvelle impulsion européenne
L’Union européenne a récemment présenté ses recommandations en matière de prévention du cancer du sein, dans le cadre plus large de son nouveau "plan européen pour vaincre le cancer" doté d’un budget de quatre milliards d’euros.

Ce plan, qui met à jour et renouvelle les politiques européennes établies en 2003, préconise notamment d’élargir le dépistage du cancer du sein entre 45 et 75 ans. "Le Conseil propose, dans sa recommandation, une limite d’âge inférieure de 45 ans et une limite d’âge supérieure de 74 ans (en plus du dépistage par mammographie recommandé pour les femmes âgées de 50 à 69 ans), précise un communiqué du Conseil de l’Union européenne, en décembre 2022.

La recommandation n’est pas une obligation. Mais c’est en tout cas une direction.

Des dépistages étendus dans plusieurs pays européens
La France, tout comme l’Espagne, la Suède ou les Pays-Bas, appliquent depuis plusieurs années un dépistage étendu, jusque 74 ans accomplis.

Dans l’Hexagone, certains médecins, gynécologues, sénologues et cancérologues, vont plus loin. Ils ne réclament pas à proprement parler un dépistage systématique au-delà de 75 ans mais insistent sur la nécessité d’efforts de communication pour les plus de 75 ans. "On constate en effet qu’un grand nombre de patientes pensent qu’il n’est plus nécessaire d’effectuer de suivi, ce qui induit la prise en charge de cancer à des stades tardifs", note la Société française de sénologie et pathologies mammaires. "Un suivi clinique annuel est indispensable, malheureusement rarement effectué notamment en raison de la crise démographique médicale mais aussi d’un déficit d’information des professionnels de santé, notamment paramédicaux", complète encore la Société de sénologie.

En France, la campagne "Trop vieille pour ça ? Seuls les autres le croient"

En 2019, la Ligue française contre le cancer et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français ont porté une campagne de sensibilisation très claire, intitulée "Trop vieille pour ça ? Seuls les autres le croient". "Le dépistage du cancer du sein organisé devrait être recommandé chez les femmes de plus de 75 ans, plaide le CNGOF.

Elles ont 75, 78 ou 82 ans. L’âge d’être grand-mère, une vie derrière elles, mais pour beaucoup d’entre elles, encore des années devant. Et ce devrait être bien assez pour qu’on leur manifeste le même égard qu’à leurs filles. Mais qui se soucie de surveiller la santé de leurs seins à cet âge ? (extrait de la campagne).


Dans cette campagne, complétée entre autres de vidéos YouTube, Carole Mathelin, présidente de la commission de sénologie du CNGOF souligne qu’il y a une méconnaissance du cancer du sein de la femme âgée. "Il faut expliquer aux patientes, à la société civile, aux médecins, les caractéristiques qu’il faut connaître sur ce cancer des femmes âgées, […] c’est un cancer fréquent. C’est un cancer mortel avec à peu près 40% à 50% de la mortalité totale des cancers du sein qui touchent des femmes âgées. Et c’est un cancer qui serait guérissable s’il était diagnostiqué tôt."

Informer, sensibiliser encore et encore
Sensibiliser les femmes, leurs proches, le monde médical et paramédical, c’est bien là l’objectif de Pino Cusumano, chirurgien oncologue belge qui nous interpellait en début d’article. D’autant, argumente-t-il, que des prises en charge peuvent aujourd’hui être calibrées pour permettre des traitements adaptés pour obtenir, si pas une guérison, une meilleure qualité de vie.

Un arrêté wallon en préparation pour pérenniser le dépistage
Le gouvernement wallon devrait, dans les prochaines semaines, faire atterrir un projet d’arrêté consacré à la prévention du cancer (du sein, du colon et de col de l’utérus). Ce projet ne comporte actuellement pas d’extension du dépistage systématique mais il permettra de pérenniser les structures de dépistage qui dépendaient jusqu’à présent de budgets reconduits annuellement et d’indexer les budgets consacrés à la prévention.

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Interview de Véronique Le Ray, directrice médicale - Fondation contre le cancer
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https://www.rtbf.be/article/cancer-du-sein-apres-70-ans-le-depistage-oublie-11311096

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