Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de hugo,

Le Japon post-#metoo découvre les vertus des coordinatrices d'intimité

30 Avril 2023, 21:53pm

Publié par hugo

 Le Japon post-#metoo découvre les vertus des coordinatrices d'intimité
Détail de l'affiche de <em>L'empire des sens</em>, film de Nagisa Ōshima sorti en 1976
Détail de l'affiche de L'empire des sens, film de Nagisa Ōshima sorti en 1976
Détail de l'affiche de <em>L'empire des sens</em>, film de Nagisa Ōshima sorti en 1976Détail de l'affiche du film de François Truffaut <em>Baisers Volés (</em>1968)
27 AVR 2023
 Mise à jour 27.04.2023 à 12:31 par 
TerriennesLiliane Charrier
 
avec AFP
Désamorcer les crises, prévenir les abus et mettre tout le monde à l'aise pour tourner les scènes intimes sur les plateaux de cinéma : telles sont les missions des coordinatrices d'intimité. Essentiellement féminine, cette nouvelle profession née dans l'Amérique post-#metoo perce maintenant au Japon.
Assise à côté du réalisateur, Momoko Nishiyama observe sur l'écran de contrôle un acteur déshabillant sa partenaire. Elle est l'une des deux premières "coordinatrices d'intimité" du Japon, où l'industrie audiovisuelle a été secouée ces derniers mois par des accusations d'agressions sexuelles. Engagée sur des tournages pour le cinéma ou la télévision, comme pour cette série aux nombreuses scènes "intimes" filmée près de Tokyo, elle veille au bien-être des acteurs en servant d'interface avec le réalisateur, qu'elle aide à mettre en images sa vision.

Aux Etats-Unis, tout le monde sait ce qu'est une coordinatrice d'intimité, mais au Japon je dois expliquer ce que je fais.

Momoko Nishiyama, coordinatrice d'intimité

Cette profession, de plus en plus courante sur les tournages hollywoodiens depuis le mouvement #MeToo né de l'affaire Harvey Weinstein en 2017, est encore balbutiante dans l'archipel nippon. "Aux Etats-Unis, tout le monde sait ce qu'est une coordinatrice d'intimité, mais au Japon je dois expliquer ce que je fais, que je ne suis pas l'ennemie du réalisateur", dit Momoko Nishiyama, 43 ans.

Anticipation, facilitation
Son travail commence avant le tournage par une lecture attentive du script : "Je dis au réalisateur 'il est écrit que A enlace B, est-ce que ça va plus loin ? Jusqu'où se déshabillent-ils ?'" Elle s'entretient ensuite avec chaque acteur et actrice pour lui demander ses limites : "C'est une scène sans soutien-gorge. Si on ne voit pas votre poitrine êtes-vous d'accord ?"


"Grâce à sa présence, les échanges étaient plus faciles", confie Asuka Kawazu, 23 ans, l'une des actrices de la série. Sans coordinatrice d'intimité, "il arrive qu'on s'aperçoive le jour du tournage qu'on va plus loin que ce qui était prévu". La présence de Momoko Nishiyama "nous fait sentir qu'on prend soin de nous", ajoute l'actrice.
Une relation plus égalitaire 
Le réalisateur, Kenji Kuwashima, apprécie lui que la coordinatrice "défende les deux parties. Finalement tout le monde veut la même chose : fabriquer la meilleure production possible... Jusqu'à maintenant il y avait une relation assez verticale où le réalisateur disait : 'fais ça', mais elle devient plus égalitaire et les deux côtés en sortent grandis".

Pour tourner des scènes réalistes tout en protégeant les acteurs, Momoko Nishiyama ne se déplace jamais sans une panoplie de pads en silicone pour éviter les contacts entre les parties intimes et de maebari, des cache-sexes fabriqués sur mesure.
Elle sort d'un sac des culottes et strings de toutes formes dans plusieurs nuances de beige, pour s'adapter au mieux à chaque situation. "J'en ai toujours une trentaine avec moi", rit-elle.
Adapter, mais pas trop
Momoko Nishiyama a suivi en 2020 des cours en ligne organisés aux Etats-Unis pour se former à son nouveau métier, qu'elle adapte aux tournages japonais. "Je fais aussi attention de ne pas trop l'adapter, car cela empêcherait les nécessaires changements à la façon de faire japonaise", précise-t-elle.

Elles veillent à la sécurité et à la dignité des acteurs et de l'équipe pour créer une atmosphère dissuadant le harcèlement.

Miwa Nishikawa, réalisatrice

Ces derniers mois, les médias nippons ont relayé les accusations d'agressions sexuelles de plusieurs actrices, provoquant une réaction indignée d'un collectif de cinéastes, dont Koji Fukada, prix du jury au Festival du cinéma de Cannes 2016 pour Harmonium et Hirokazu Kore-eda, présent à Cannes en 2023 avec Monster et lauréat de la Palme d'or en 2018 pour Une affaire de famille. 

"Nous avons été choqués" par les faits rapportés et l'absence de réaction de l'industrie, explique Miwa Nishikawa, membre de ce collectif, qui a dénoncé les "actes impardonnables" des cinéastes abusant de leur statut pour commettre des violences. "Nous avons pensé que cela permettrait de faciliter la prise de parole", ajoute la réalisatrice de Under the Open Sky, estimant que le harcèlement "a toujours été là, sous la surface". 

"Malheureusement, contrairement à l'Occident ou la Corée du Sud où le mouvement #metoo a pris, l'industrie japonaise n'a pas su évoluer", signe, selon Miwa Nishikawa, "d'un manque de solidarité entre les travailleurs de l'industrie et d'une structure qui les unirait et les protégerait".
Effet dissuasif
<p>Miwa Nishikawa en 2016, au Festival du film de Rome où elle présentait son film <em>Nagai Iiwake</em>.</p>
Miwa Nishikawa en 2016, au Festival du film de Rome où elle présentait son film Nagai Iiwake.

©AP Photo/Domenico Stinellis
Le collectif appelle à la mise en place de formations et de règles à l'échelle de l'industrie pour encadrer castings et tournages, et à la généralisation des coordinatrices d'intimité. Selon Miwa Nishikawa, il serait cependant naïf de croire que la seule présence de ces coordinatrices va faire cesser le harcèlement sexuel. Mais leur présence montre à tous "qu'elles veillent à la sécurité et à la dignité des acteurs et de l'équipe", ce qui peut créer "une atmosphère dissuadant le harcèlement", pense la cinéaste.

Momoko Nishiyama avoue se sentir parfois "un peu impuissante" face à l'inertie de l'industrie pour combattre le harcèlement : "Il y a des gens qui veulent changer les choses, et de plus en plus de plateaux de tournage à l'atmosphère saine, mais je me dis qu'il faut que ça change davantage".

(Re)lire aussi dans Terriennes : 

► Théâtre : "l'emprise ne laisse aucune preuve"
► Anoushka, réalisatrice, promeut la "pornographie féministe"
► La pornographie s’expose à Bruxelles, grandeurs et misères d’une mécanique de l’intime
► En Espagne, Amarna Miller s’affiche actrice, réalisatrice porno, et féministe
► Retour de bâton ou "backlash" : une dynamique mondiale contre les droits des femmes ?

TerriennesLiliane Charrier
 
avec AFP
 Mise à jour 27.04.2023 à 12:31
SUR LE MÊME THÈME


https://information.tv5monde.com/terriennes/le-japon-post-metoo-decouvre-les-vertus-des-coordinatrices-d-intimite-489641

Commenter cet article