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"Huit battements d’ailes" de Laura Trompette : 24h dans la vie de huit femmes

23 Avril 2022, 23:13pm

Publié par hugo

 "Huit battements d’ailes" de Laura Trompette : 24h dans la vie de huit femmes
"Huit battements d’ailes" de Laura Trompette : 24h dans la vie de huit femmes
hier à 11:59

5 min
Par July Robert, une chronique pour Les Grenades
Les Grenades
Culture
Culture & Musique
Vingt-quatre heures dans la vie de huit femmes dans huit pays du monde en période de confinement quasi-généralisé, c’est le cadre posé par l’autrice Laura Trompette dans son dernier roman "Huit battements d’ailes".

Kirsten est enfermée avec son bourreau de mari dans leur petit appartement, Lucia, 91 ans, vit seule à Rome entourée d’une famille aimante mais infantilisante, Magali, conductrice de poids lourds, découvre une femme victime de la traite des êtres humains cachée à l’arrière de sa cabine… et puis il y a aussi Judy, Rafaella, Sahana Kumar, Hayley et numéro 9072.

Au fil des pages, nous les accompagnons dans leurs combats respectifs ou leurs engagements personnels. Qu’ils soient profondément humanistes, sensiblement égoïstes ou vitaux, ceux-ci sont d’une telle force qu’ils nous maintiennent en haleine de la première à la dernière page. La construction dramaturgique évoque ces scénarios des séries à suspens où l’on peine à reprendre son souffle entre les épisodes.

L’écriture permet en outre l’utilisation de procédés littéraires entre les chapitres, et Laura Trompette les utilise magnifiquement pour garder notre esprit en éveil et maintenir les lecteur·trices en lien avec ses héroïnes entre les "épisodes" au point que ce roman pourrait sans peine trouver place dans les rayons des thrillers.

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Ouvrir des fenêtres sur leur vie
La temporalité joue un rôle essentiel dans cette trame haletante. L’autrice a choisi d’aller ouvrir de petites fenêtres sur les vies de ses héroïnes et d’aller les ouvrir en une seule et même journée. D’un point de vue narratif, cela permet de faire lien entre chacune des femmes malgré la distance qui les sépare. Mais dans le même temps, dit-elle aux Grenades, "Je voulais qu’on ressente à travers ces personnages, leur vie, leur passé, leurs engagements, ce drame de la violence envers les femmes par de multiples biais. La dernière femme qui apparaît est enfermée avec son bourreau et, le but, c’était de traiter ça et cette urgence-là. Les sujets s’imbriquent et il y en a d’autres que celui de la violence, mais j’ai imposé ce rythme infernal pour faire saisir l’urgence de la situation pour toutes."

Son récit, ancré dans la pandémie, aurait tout aussi bien pu ne pas l’être. Mais la situation de confinement a provoqué, chez l’autrice, un profond sentiment de colère par rapport à cette politique de "la même règle pour tout le monde".

"J’avais la conviction que ça n’aurait pas du tout le même impact sur les gens, selon qu’ils soient riches ou pauvres, jeunes ou vieux, seuls ou à plusieurs, nés ici ou là… Et cette colère, elle devait s’exprimer. Et j’ai tout de suite pensé aux Kirsten de la planète et je me suis demandé comment ça se passait pour elles. Déjà, d’ordinaire, elles ne sont pas écoutées. Comment ça allait donc se passer là, pour elles qui se retrouvent confinées en permanence avec leur bourreau ? Et c’est en ça que pour moi, c’était encore plus fort de le mettre dans ce cadre-là", nous explique-t-elle.

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L’enfermement imposé aux êtres humains était aussi l’occasion de mettre en avant une cause qui lui tient à cœur, celle des ours lune en Chine, capturés pour leur bile, dont la pharmacopée traditionnelle chinoise défend les vertus. La mise en parallèle de ces situations ne peut que provoquer un malaise… Toutes ces situations font de "Huit battements d’ailes" un roman engagé.

Néanmoins, l’autrice ne souhaite "pas faire de ce livre quelque chose de politique, donc je m’exprime peu là-dessus. Le but, ce n’est pas de dire ce que les gouvernements ont fait de bien ou de mal, je ne suis pas là pour ça. Mais au fond, je trouve que cette période qui a distendu les liens entre les gens et au sein des familles, c’est dramatique. Parce que, finalement, il y a des gens qui sont morts de tristesse et de solitude. Et pas qu’un peu. Et ça, pour moi, c’est terrible."

Mais plus qu’un récit ancré dans son époque troublée, le roman de Laura Trompette est d’abord et avant tout un livre qui parle des droits des femmes et de leur place dans la société. Il est question de sororité, de soin aux autres, de solidarité entre les Suds globaux et le Nord, de bien-être animal.

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Lorsqu’on lui demande ce que lui évoque l’écoféminisme auquel toutes ces thématiques renvoient, l’autrice préfère parler de valeurs humaines. "Je ne suis pas quelqu’un qui porte des étendards. Les appellations, tous les noms qu’on met sur des concepts, je les entends, c’est absolument passionnant de lire, notamment sur l’écoféminisme. Mais je m’intéresse moins aux appellations et aux concepts qu’à la vérité qui se cache derrière. C’est elle qui m’intéresse. J’aime porter des causes qui me sont chères dans mes romans, comme la cause animale entre autres, le droit de mourir dans la dignité dans mon précédent livre La révérence de l’éléphant, le droit des femmes dans le monde, mais je ne me donne aucune étiquette. Je suis juste une femme qui rêvait d’être écrivaine lorsqu’elle était enfant, et qui trempe sa plume dans son cœur pour défendre ce qui lui semble juste et fondamental."

Déjà, d’ordinaire, elles ne sont pas écoutées. Comment ça allait donc se passer là, pour elles qui se retrouvent confinées en permanence avec leur bourreau ?

Ce récit est féministe, écoféministe, engagé, mais peut être lu par toustes… "Je pense que selon le type de personne que tu es, lorsque tu lis le livre, soit tu te dis en lisant les propos de Rafaella, qui sont toujours des propos plus inclusifs, non, ce n’est pas un roman féministe mais plutôt un roman humaniste qui inclut tout le monde, soit tu as un regard sur le féminisme avec une forme de recul et de compréhension des choses et tu te dis que c’est un roman féministe, voire écoféministe."

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L'écoféminisme et la revalorisation du care pour changer le monde
Vu sous cet angle, ce puissant roman peut sembler sombre, dur, voire pessimiste, mais les apparences sont trompeuses. De sa plume fine, l’autrice raconte une histoire, huit histoires emplies d’espoir, de sororité et de célébrations de la vie envers et contre tout.

Au milieu de ces vies confinées, on décèle un puissant appel à la solidarité entre les êtres humains, mais aussi avec les êtres vivants non humains. Les thématiques difficiles qui construisent le récit sont prétexte à une invitation au mieux vivre ensemble et c’est extrêmement inspirant.

Huit battements d’ailes, Laura Trompette, les éditions Charleston.

 
L’Incontournable – Laura Trompette pour son roman "Huit battements d’ailes"

July Robert est traductrice et autrice.

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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/huit-battements-dailes-de-laura-trompette-24h-dans-la-vie-de-huit-femmes-10979902

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