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Le blog de hugo,

Fabrice Nicolino : "Nous sommes devenus des décharges chimiques ambulantes",sante

28 Septembre 2019, 00:09am

Publié par hugo

 Fabrice Nicolino : "Nous sommes devenus des décharges chimiques ambulantes"
Par Catherine Durand Publié le 25/09/2019 à 11:10
 

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Alors que des maires, partout en France, tentent d’interdire les pesticides et que des citoyens, inquiets de leur dangerosité, les soutiennent, Fabrice Nicolino, auteur de "Le crime est presque parfait"*, une enquête choc sur les pesticides, appelle à la révolte citoyenne.
Journaliste, cofondateur du mouvement "Nous voulons des coquelicots" à l’origine d’une mobilisation massive en France, Fabrice Nicolino est l’auteur de plusieurs best-sellers dont Bidoche et Qui a tué l’écologie ? L’industrie chimique, ses lobbies puissants, les ravages des pesticides, il connaît. Et pourtant, il va découvrir une nouvelle forme de pesticides, les SDHI qui, dans un silence assourdissant, sont déjà présents sur 80% des surfaces de blé, des semences, des tomates, des arbres fruitiers, des terrains de sport au gazon vert intense.
Or ces tueurs de champignons et de moisissures dans les récoltes s'attaquent aussi vers de terre, aux abeilles et aux humains, ils ne font pas la distinction. Cela a été prouvé in vitro. Mais malgré l’alerte d’éminents scientifiques, les autorités sanitaires jurent qu’ils ne posent aucun problème. Alors, Fabrice Nicolino a mené l’enquête dans ce monde où règnent le déni et la désinformation. A lire dans Le crime est presque parfait, aux éditions Les liens qui libèrent. Entretien.
Marie Claire : Dans votre livre Le crime est presque parfait, vous racontez l’histoire des pesticides et l’enthousiasme qu’ils ont soulevé après la seconde guerre mondiale…
La vidéo du jour :
Fabrice Nicolino : Les pesticides de synthèse ont été inventés, grosso modo, entre la fin des années 30 et le milieu des années 40. Dans les laboratoires par assemblages de molécules, on a créé ce qu'on appelle des chimères, c'est à dire des structures qui n'ont jamais existé dans l'histoire de l'évolution de la vie sur terre. Par exemple, le DDT découvert en 1870 a été oublié avant qu’un chimiste suisse, Paul Hermann Müller, ne s’y intéresse de nouveau en 1939, et constate avec stupéfaction que c’est un insecticide extraordinaire. Si j’avais vécu à cette époque, je n'aurais pas été plus malin que les autres, j’aurais été enthousiaste à l'idée que ces pesticides modernes règlent enfin le problème de la dévoration des récoltes par les ravageurs que sont les insectes, les moisissures, les champignons pathogènes, les herbes folles etc.
Aujourd’hui alors que l’on pense connaitre la toxicité de beaucoup d’entre eux, vous découvrez qu’une nouvelle forme de pesticides, les SDHI, inconnus du grand public sont épandus partout…
Les pesticides modernes, ce sont des insecticides, des herbicides et des fongicides. Mais une forme nouvelle de pesticides, les SDHI (Inhibiteurs de la succinate déshydrogénase), qui ciblent les champignons pathogènes dans les récoltes notamment de blé ont déferlé en France vers 2013. Très efficaces, ils n'ont cessé depuis de s'étendre. Il y en aurait aujourd’hui sur 80% des surfaces de blé, à peu près autant sur les surfaces d'orge, les pommes de terre, les semences, les arbres fruitiers, la vigne, et les terrains de foot et de golf pour maintenir un gazon bien vert.
Votre enquête choc démontre comment on empêche la vérité sur leur dangerosité d’éclater.
C’est un scientifique de réputation mondiale dans le domaine des maladies mitochondriales, Pierre Rustin, qui a donné l’alerte. Il a découvert que les SDHI tuent les champignons en inhibant leur fonction respiratoire. Or cette fonction respiratoire existe chez tous les êtres vivants, du plus petit vermisseau jusqu'à la baleine bleue. Il a pu prouver in vitro que les SDHI s'attaquent aussi aux cellules des vers de terre, des abeilles et des humains, ils ne font pas la distinction. Selon lui, le risque de voir apparaître à terme, d’ici 10, 15, ou 20 ans, des pathologies très graves chez les humains est évident. Il a donc contacté la direction de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), puisque c'est elle qui donne les autorisations de mise sur le marché des pesticides. C'est elle qui a donné le feu vert. Il serait donc normal que dans l'attente de compléments d'information, elle retire du marché au moins provisoirement ce qui paraît être une bombe sanitaire.
Étrangement, l’Anses se tait pendant six mois. Rejoint par huit autres scientifiques, certains de son laboratoire de l'Inserm, deux toxicologues de l'Inra, des cancérologues réputés, il rend cette alerte publique le 15 avril 2018. L’Anses les reçoit enfin le 14 juin 2018 mais comme s’ils étaient porteurs de la peste. On se moque d'eux, on tape du pied, on lève les yeux au ciel. Ces scientifiques réputés en sortent écœurés, "rincés", disent-ils. L’Anses forme un GECU, un groupe d’expertise collective en urgence, avec quatre experts extérieurs. Pierre Rustin demande à en faire partie pour apporter ses connaissances. Refus. Parmi ces experts extérieurs, une personne qui a travaillé sous contrat pour Syngenta, a des liens nombreux et variés avec l'industrie des pesticides. Le 15 janvier 2019, ils rendent leur rapport qui dit, grossièrement résumé, que tout va bien. Tout est sous contrôle. On ne va pas toucher aux SDHI en France. Le groupe des scientifiques fera une réponse diplomatiquement tournée, certes, mais qui dit que l'Anses s'est "foutu de leur gueule" et qu’elle ne répond pas aux questions posées. J’ai publié Le crime est presque parfait où je raconte par le menu ce qui s'est passé.
Lire aussi :
Pesticides, nanoparticules... En quoi sont-ils dangereux pour notre santé ?
Il existe donc bien un lobby des pesticides ?
Après 1945, il s’est constitué en France un lobby des pesticides qui avait d'excellentes raisons de les défendre, à l'époque on ne connaissait pas leur toxicité. Le problème est qu’il a survécu à toutes les mises en cause. Quand on a commencé à savoir qu'ils étaient extrêmement toxiques, notamment grâce en 1962, au fameux livre Printemps silencieux de l'Américaine Rachel Carson, la messe était dite. A partir de là, ce lobby verse dans la désinformation, la manipulation d'opinion, le mensonge et n'en est jamais sorti jusqu'à aujourd'hui. Ce lobby est constitué de toutes sortes de personnes mais aussi de services essentiels de l’État français, comme celui de la protection des végétaux au sein du ministère de l'Agriculture.
Héritière de cette histoire confuse, l’Anses pour des raisons historiques et politiques, a privilégié d'une façon tout à fait scandaleuse les intérêts industriels au détriment de la santé publique. Il existe une sorte de consanguinité, de porosité entre tous les décideurs du lobby des pesticides, ce n'est pas un fantasme mais une réalité, qui fait que l'on ne protège plus correctement la société française contre de vrais dangers sanitaires.
Des maires ont pris des arrêtés anti-pesticides et demandent qu’une certaine distance sépare les habitations des champs ou des vignes traités. Mais les pesticides contaminent la nappe phréatique ou sont pulvérisés dans l’air quelle que soit la distance, non ?
Ces maires jouent un rôle très utile en mettant les pieds dans le plat. Mais je vous donne 100% raison : les pesticides sont des produits extrêmement volatiles. Ce sont des grands voyageurs que rien n'arrête. Répandus sur un champ, une partie lutte contre les ravageurs mais une autre poussée par le vent, s’évapore, remonte jusqu'aux nuages, pollue l’eau de pluie au dessus de Paris, Lyon ou Rennes. Des villes où des études ont démontré avec clarté que l'eau de pluie contient des molécules de pesticides. Elles retombent sur vous sans que vous le sachiez. Ce problème concerne donc toute la France. Elever un mur ridicule de 5 ou 10 mètres n’a aucun sens.
L'eau de pluie contient des molécules de pesticides
À Marie Claire, nous avons testé les enfants de la rédaction via le test Toxseek , ils se sont révélés tous contaminés par des composants chimiques. C’est préoccupant…
Je vous le dis : le jour où on testera non seulement les cheveux mais aussi le sang des enfants, on prendra une décharge électrique. L'expérience a été tentée aux États-Unis en 2005 : on a testé le sang du cordon ombilical de nouveaux nés. On y a trouvé en moyenne 200 composés chimiques différents ! Dont du DDT, des dioxines, des PCB C’est une vérité dure à entendre : nous sommes devenus des décharges chimiques ambulantes. Pourquoi ? À cause de la toute puissance de l'industrie chimique. On estime que la production de produits chimiques dans le monde est passée d’environ 1 million de tonnes en 1930 à 700 millions de tonnes aujourd'hui !
La solution est d’interdire les pesticides mais on nous dit qu’il serait alors impossible de nourrir 7 et bientôt 9 milliards d'habitants ?
C'est la phrase de propagande des lobbies : "On ne peut pas faire autrement". C’est faux. Aujourd’hui, l’essentiel de la production alimentaire mondiale est produite sans pesticides. D'autre part, des discussions passionnées et passionnantes sont menées dans les milieux économiques mondiaux, y compris au sein de la FAO, la grande agence de l’ONU pour l'alimentation et l'agriculture pour savoir comment nourrir 10 milliards d'humains à l'horizon 2050. Certains des plus grands agronomes de la planète expliquent que le seul moyen d'y parvenir c'est précisément de renoncer à l'agriculture industrielle et à l'utilisation massive de pesticides. Cela signifie certes des changements importants comme manger moins de viande. Des débats devraient avoir lieu devant la totalité de la société française parce que cela conditionne notre avenir commun.
Que pouvons-nous faire concrètement ?
C'est une situation effarante. La seule voie que je considère réaliste est de se révolter via la mobilisation citoyenne. De façon pacifique. On peut signer l’appel des coquelicots pour la fin de tous les pesticides de synthèse sur mouvementdescoquelicots.org. On a déjà récolté 890.000 signatures. Depuis un an, chaque mois, ce mouvement met devant les mairies de France jusqu'à 850 rassemblements simultanés où des milliers de citoyens déclarent, "on ne veut plus de pesticides". Une étude de l'Ifop réalisée en mai dernier, révélait que 89% des Français sont pour une sortie des pesticides sur 5 ans. Il faudrait une volonté politique inexistante aujourd'hui mais l'opinion est avec nous et les scientifiques démontrent chaque jour un peu plus leur extrême nocivité.
Le crime est presque parfait : L'enquête choc sur les pesticides et le SDHI 20,00 € sur Amazon

https://www.marieclaire.fr/fabrice-nicolino-livre-pesticides,1324728.asp
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