Street art féministe : visite guidée à la Butte-aux-Cailles, un "musée à ciel ouvert",feminisme,street art
Fresque murale réalisée par Kashink, une street artiste gender fluid, en collaboration avec les enfants de l'école maternelle située rue Vandrezanne.
© Nioucha Zakavati
06 aoû 2019
Mise à jour 06.08.2019 à 08:56 par
TerriennesNioucha Zakavati
Dans le 13e arrondissement de Paris, le quartier de la Butte-aux-Cailles, avec ses airs de village urbain, est le fief du "street art" à la française. "Tags", dessins ou collages - une multitude de street artistes féministes investissent les lieux... et les murs. Reportage.
Qui sont les Feminists of Paris ?
A l'origine de ce projet, deux filles : Cécile et Julie. L'idée de faire des visites guidées leur est venue lors d'un cours d'entrepreunariat à Sciences Po. Initialement lancées sur "AirBnB expérience", les visites ont rapidement attiré beaucoup de curieux.
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Première étape : entre l'ardoise du menu et l'entrée du restaurant Chez Gladine, un dessin de Miss Tic passe presque inaperçu. Cette artiste, considérée comme la pionnière du street art en France, est connue pour ses dessins de femmes, accompagnées de citations mêlant jeux de mots et libération sexuelle. Et puis tout le long de la rue des Cinq-Diamants, son art, maintenant, saute aux yeux. Miss Tic privilégie le pochoir, une technique qui lui permet, grâce à un support découpé et des bombes de peinture, d'imprimer ses messages sur les murs.
C'est sans doute le passif avec la commune de Paris en 1871 qui a poussé les artistes à choisir ce lieu.
Manon, guide Feminists of Paris
Pourtant, ses oeuvres sont critiquées par des street artistes féministes, qui estiment qu'elles ne reflètent pas la diversité des corps de femmes. La silhouette est blanche, fine, et répond en réalité aux codes de beauté ambiants, souvent édictés par des hommes. Miss Tic ne se revendique pas féministe.
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Vers la rue Alphand, ce sont les "stickers" qui ont investi les murs. Ces autocollants permettent aux artistes de poser leurs tags ou graffs instantanément et n'importe où, en minimisant le risque de se faire arrêter.
Problème : ces oeuvres sont souvent vandalisées. Si l'art urbain est par définition éphémère, l'hostilité qu'il peut susciter l'est moins. Tout en présentant la peinture murale de COMBO Culture Kidnapper, un artiste homme hétérosexuel qui fait des oeuvres LGBTQ, Manon explique que ces oeuvres sont systématiquement abîmées. Sa première fresque montrait les personnages de bande dessinée Tintin et Haddock en train de s'embrasser. Résultat : quelques jours plus tard, elle est saccagée par le collectif la Manif pour Tous, raconte Manon. La même chose arrive une deuxième, et une troisième fois, avec des commentaires haineux sur Twitter, dont l'artiste décide alors de faire une oeuvre à part entière.
La guide montre la peinture murale de COMBO Culture Kidnapper vandalisée. La mention "PD" est inscrite sur le torse d'une des figures.
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Parfois le vandalisme manifeste un caractère explicitement antiféministe. Sur une autre oeuvre de COMBO Culture Kidnapper, une superhéroïne de comics porte un t-shirt sur lequel est inscrit, en anglais, "Le futur appartient aux femmes". La superhéroïne porte aussi un badge où elle embrasse sa petite amie. Le sabotage est étrangement ciblé : la mention Future is female et le badge ont été arrachés.
La mention Future is female a été arrachée.
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A chaque étape de la visite, Manon contextualise les questions abordées par les tags et apporte un éclairage historique. Pourquoi le quartier de la Butte-aux-Cailles abrite-t-il une telle concentration d'oeuvres féministes ? "C'est sans doute le passif avec la commune de Paris en 1871 qui a poussé les artistes à choisir ce lieu, énonce-t-elle. Sur cette place [de la commune, ndlr.] s'élevait une barricade. C'est en quelque sorte l'expression de la première révolte communiste et féministe, qui en plus était menée par Louise Michel. Elle et les femmes ouvrières réclamaient le même salaire que les hommes".
Mais depuis peu, un nouvel acteur sillonne les rues du quartier à la recherche de la perle rare : le collectionneur, qui voit dans le street art les prémices d'une entreprise lucrative. Dans son viseur, entre autres, Intra Larue. Cette artiste utilise de l'argile pour mouler son sein, qu'elle dépose ensuite un peu partout dans Paris, souvent à des endroits incongrus.
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TerriennesNioucha Zakavati
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