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Sexualité, religion et ethnicité : les LGBTQIA + d’origine maghrébine en Belgique

2 Octobre 2022, 22:48pm

Publié par hugo

 Sexualité, religion et ethnicité : les LGBTQIA + d’origine maghrébine en Belgique

30 sept. 2022 à 17:13

Temps de lecture
5 min
Par Manel Hamrouni*, une chronique pour Les Grenades
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Cet article est le résumé d’un mémoire, ce travail de recherche universitaire est publié en partenariat avec le master Genre.

A mes frères et sœurs : J’ai essayé de survivre… mais j’ai échoué ; pardonnez-moi.
À mes amis : l’épreuve est dure et je suis trop faible pour l’affronter ; pardonnez-moi.
Au monde : Tu as été extrêmement cruel mais je te pardonne

C’est avec ces mots que Sarah Hegazi a décidé de mettre fin à ses jours le 14 juin 2020, alors qu’elle était en exil au Canada. Cette jeune militante égyptienne des droits LGBTQIA + a souffert de troubles post-traumatiques après avoir été emprisonnée pendant trois mois en Égypte, torturée, violée et violentée psychologiquement pour avoir "atteint à la pudeur" dans un lieu public en portant le drapeau arc-en-ciel pendant un concert.

Comme Sarah, d’autres personnes originaires du monde arabo-musulman sont contraintes d’immigrer en Europe pour fuir des pays qui n’acceptent pas leur homosexualité ou leurs identités de genre.

Nombre de pays par exemple condamnent l’homosexualité, et les peines peuvent aller d’un emprisonnement de quelques années (Tunisie) jusqu’à la peine de mort (Arabie saoudite).

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LGBTQIA + au Maghreb
Dans ce mémoire, j’essaye de savoir si la migration en Belgique est la meilleure solution pour les personnes LGBTQIA + d’Afrique du Nord et je retrace leurs parcours migratoires. Pour ce faire, j’ai interviewé six personnes (deux femmes lesbiennes, deux hommes gays, un homme transgenre, et une personne drag) d’origine tunisienne, marocaine et algérienne.

Ces personnes avaient plus ou moins le même vécu. Grandir dans un pays nord-africain en tant que personne homosexuelle ou transgenre n’a pas été facile sur le plan psychologique. Le sentiment de culpabilité par rapport à la religion vient très vite s’installer après la découverte de l’orientation sexuelle, suivi par la solitude et l’absence du soutien familial. La majorité des personnes que j’ai rencontrées ont vécu des situations traumatisantes à cause de la violence physique et psychologique dès que leur identité de genre ou leur orientation sexuelle a été dévoilée ("outée" dans la majorité des cas).

Ces agressions se produisent dans tous les milieux : à l’école, dans la rue, de la part des personnes qui les connaissent, des policiers ou encore des inconnus. "J’ai été agressé au moins cinq fois l’année dernière, des voisins m’ont poignardé. Le médecin qui m’a ausculté m’a dit que si la plaie avait été deux centimètres plus larges, j’aurais perdu la vie", témoigne l’une des personnes interviewées.

Face à toutes ces peurs et insécurités, ces personnes sont toutes parties en Europe dans l’espoir d’avoir une meilleure vie. La route qu’empruntent beaucoup d’entre elleux n’était pas toujours légale.

Driss, par exemple, a emprunté la voie clandestine car sa demande de visa a été refusée deux fois. Il est allé en Serbie par avion et a ensuite continué son voyage soit à pied ou en train. Au total, cela lui a pris 42 jours pour arriver à Bruxelles, risquant de se faire attraper par la douane ou la police à n’importe quel moment de son voyage et de se faire expulser.

Une fois arrivées en Belgique, les personnes interviewées ont fait face à plusieurs difficultés notamment financières, sociales et légales. Fayez, qui est arrivée dans le cadre d’un regroupement familial, s’est retrouvé à la rue après que son mari l’a quittée, sans travail, ami·es ni famille.

Double stigmatisation : homophobie et racisme
Quand leur parcours d’intégration commence, les personnes que j’ai rencontrées ont toutes vécu des discriminations liées au genre et à leur origine ethnique. La violence homophobe était ressentie quasi quotidiennement : des regards ou des remarques dans la rue.

Celle issue du groupe d’origine reste néanmoins très présente : "J’ai été agressé par des arabophones à Etterbeek, parce qu’ils n’ont pas compris si j’étais un homme ou une femme". Dans leurs témoignages, les personnes LGBTQIA + expliquent en effet bénéficier rarement du soutien et de l’accueil de leur communauté ethnique une fois arrivés dans leur pays d’asile. Selon elles, leurs compatriotes reproduisent le comportement des personnes qu’elles ont fuies.

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Concernant le racisme, les personnes interrogées ont toutes vécu des situations différentes de racisme ordinaire. "Parfois en soirée les gens m’abordent pour me demander de leur vendre de la beuh parce que je suis arabe", raconte l’une d’entre elles. Ce racisme est vécu au quotidien, à travers des remarques et des commentaires sur le physique, ou en associant des comportements négatifs aux origines nord-africaines.

Une des personnes que j’ai interviewées a reçu des remarques racistes de la part de son conjoint : "J’ai découvert qu’il a une espèce de racisme intériorisé au fond de lui ! Pour lui, je reste un Africain !". Le racisme est aussi vécu sur le plan professionnel, médical ou même pour trouver un logement.

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"Joyful migration"
Les personnes migrantes LGBTQIA + peuvent se retrouver dans des conditions difficiles : précarité, complexité des procédures administratives, chocs culturels,… Mais le fait de bien vivre leur sexualité et leur identité de genre librement est la plus grande motivation pour rester en Europe. "Je fais du drag maintenant, c’est cool ! Je n’ai plus besoin de me cacher, je m’affirme, je sors en robe, je ne crains personne." Une personne que j’ai rencontrée a commencé sa transition et une autre a trouvé l’amour. "En Belgique je me sens libre, je ne risque pas d’être sanctionnée par les lois, je me sens accepté, donc je suis là pour ma paix intérieure."

Qu’elle soit légale ou clandestine, la migration en Belgique a été la solution trouvée par les personnes LGBTQIA + maghrébines rencontrées dans ce mémoire afin de mieux vivre leur sexualité ou identité de genre.

Même si elles ne sont pas à l’abri de l’homophobie et du racisme, qui s’accentuent avec la montée des mouvements de droite extrémistes, les personnes interrogées semblent satisfaites de leurs vies ici, où elles sont plus épanouies dans leur vie privée, professionnelle et familiale.

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*Manel Hamrouni est titulaire d’un master en marketing et communication. Elle a travaillé durant deux ans dans la publicité et le marketing en Tunisie et en Côte d’Ivoire, avant de suivre le Master de spécialisation en étude de genre de 2019. Elle a ensuite effectué une mission dans un bureau d’accueil des primaux arrivants à Bruxelles en 2020.


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