Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de hugo,

Restriction du droit à l'IVG aux Etats-Unis : médicaments sur la sellette,

1 Août 2022, 02:05am

Publié par hugo

 Restriction du droit à l'IVG aux Etats-Unis : médicaments sur la sellette
Le méthotrexate est un antimétabolite, c'est-à-dire qu'il empêche la division et la formation de cellules en prolifération rapide – les cellules cancéreuses, entre autres, mais aussi embryonnaires, d'où son effet abortif.
Le méthotrexate est un antimétabolite, c'est-à-dire qu'il empêche la division et la formation de cellules en prolifération rapide – les cellules cancéreuses, entre autres, mais aussi embryonnaires, d'où son effet abortif.
©WikimediaCommons
28 JUIL 2022
 Mise à jour 28.07.2022 à 10:41 par 
TerriennesLiliane Charrier
 
avec AFP
Dans les Etats américains qui ont profité de l'annulation de l'arrêt Roe vs Wade pour interdire l'avortement sur leur sol, les autorités traquent les médicaments risquant de provoquer une interruption de grossesse. Premières à en pâtir : les patientes en âge de procréer qui ne prennent pas de contraception. Parallèlement, un laboratoire veut développer une pilule contraceptive sans ordonnance.
Quand Melissa, une infirmière vivant dans l'Alabama, un Etat du Sud des Etats-Unis, est allée chercher son traitement habituel contre la polyarthrite rhumatoïde, on lui a répondu que le médicament était "mis de côté" en attendant que le pharmacien confirme qu'elle n'allait pas l'utiliser pour déclencher un avortement. "Il m'a dit : 'Il faut que je vérifie si vous êtes sous contraception'... Mais qu'est-ce qu'il raconte ?" s'est-elle dit.

Je me suis sentie attaquée... J'ai deux filles, je ne veux pas voir cela.

Melissa, atteinte de polyarthrite rhumatoïde

Melissa, la quarantaine et qui n'a pas souhaité donner son nom de famille, est finalement parvenue à récupérer son traitement en appelant son médecin : "Je suis passée le prendre quelques heures plus tard, mais je me suis sentie attaquée", raconte-t-elle, ajoutant avoir subi il y a six ans une hystérectomie – un retrait partiel ou total de l'utérus. Selon elle, son absence de contraception récente pourrait avoir poussé le pharmacien à penser qu'elle pouvait être enceinte.

Scandalisée, Melissa se dit scandalisée par l'iniquité de traitement qui a permis à l'un de ses meilleurs amis, un homme, de se procurer du méthotrexate sans aucun souci. "Nous allons dans la mauvaise direction et c'est terrifiant. J'ai deux filles, je ne veux pas voir cela pour leur futur," ajoute-t-elle.

Sans contraception, femmes suspectes
Des cas similaires ont émergé depuis la décision historique de la Cour suprême, le 24 juin, supprimant le droit constitutionnel à l'avortement et, dans la foulée, la décision d'Etats conservateurs d'interdire ou de restreindre fortement l'accès à l'IVG.

Notre dossier ► DROIT DES FEMMES À L'AVORTEMENT AUX ETATS-UNIS : UNE AFFAIRE PUBLIQUE

En témoigne la déconvenue d'une étudiante de l'Ohio, sous méthotrexate depuis 2020 pour traiter son lupus érythémateux disséminé, une maladie auto-immune qui touche son rein, son foie et provoque des douleurs articulaires. Le pharmacien d'une grande chaîne lui a expliqué qu'ils "n'acceptaient plus les ordonnances de méthotrexate sauf" dans le cas d'un traitement médical approuvé contre le cancer du sein ou si "la patiente n'est visiblement pas fertile".

L'étudiante dit avoir ensuite essayé dans une pharmacie familiale, sans succès. Puis le cabinet de son médecin lui a envoyé une lettre pour annoncer qu'il ne prescrirait plus ce médicament en raison de la difficulté des patients à y accéder. Même si, au final, la première pharmacie a pu lui vendre du méthotrexate, l'expérience l'a laissée "contrariée et énervée", conclut-elle.

Effets secondaires
Au coeur du problème, le méthotrexate, un médicament aux propriétés anti-inflammatoires couramment utilisé contre des maladies auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde. Or le méthotrexate est aussi un antimétabolite, c'est-à-dire qu'il empêche la synthèse de l'ADN d'une cellule en division. "Le méthotrexate agit en bloquant l'action de l'acide folique qui est indispensable à la division cellulaire. Ainsi empêche-t-il la division et la formation de nouvelles cellules, explique au Journal des Femmes Tiffanie Busson, pharmacienne à l'Institut Gustave Roussy de Villejuif. Le méthotrexate est donc efficace sur les tissus en prolifération tels que les cellules malignes, la moelle osseuse, les cellules fœtales et l'épithélium cutané."

Ainsi le méthotrexate est-il parfois utilisé comme moyen de pratiquer une IVG médicamenteuse – même si plus rarement que la combinaison mifépristone-misoprostol, approuvée par les autorités sanitaires américaines. Il est notamment le traitement privilégié de la grossesse extra-utérine : ces patientes représentent environ 2 % des 5 millions d'Américains qui prennent du méthotrexate.


Ainsi les nouvelles législations anti-avortement de certains Etats menacent-elles de poursuites médecins et pharmaciens fournissant du méthotrexate. S'ensuivent des problèmes d'accès pour ses utilisateurs réguliers, hors IVG, dont l'étendue est encore difficile à évaluer.

Les organisations de spécialistes des maladies concernées invitent les patients à leur signaler les refus de vente. Car "sans le méthotrexate, beaucoup de jeunes malades atteints d'arthrite juvénile idiopathique ne pourraient plus tenir un crayon ou taper sur un clavier d'ordinateur. D'autres risquent des dommages irréversibles de leurs organes et articulations," alerte le docteur Harry Thomas, gastro-entérologue au Texas, sur Twitter. "Maintenant, ils vont devoir se démener pour trouver une alternative que leur corps tolérera et que leur assurance couvrira, ajoute-t-il. Car le méthotrexate n'est pas seulement efficace. Il est aussi extrêmement bon marché."


Associations et distributeurs en alerte
Jennifer Crow, 48 ans, habitante du Tennessee, un Etat du Sud des Etats-Unis, raconte avoir reçu de la grande chaîne américaine de pharmacies CVS un appel automatique indiquant que son traitement était suspendu, avant qu'elle ne parvienne, in fine, à y accéder. De fait, CVS et le géant de la distribution Walmart confirment se plier aux nouvelles législations étatiques, à la suite de la décision de la très conservative Cour suprême. "Nous encourageons les soignants à inclure leur diagnostic dans les ordonnances afin que les patients aient un accès facile et rapide aux médicaments", ajoute CVS.

Alisa Vidulich, la directrice des politiques publiques à la Fondation pour l'arthrite, se dit confiante dans une résolution rapide de cette situation avec la mise en place de directives par le personnel de santé et les pharmacies. "Mais ce pourrait ne pas être le cas dans tous les Etats, et cela pourrait se transformer en problématique de long terme", reconnaît-elle.

Une pilule contraceptive sans ordonnance ?
Parallèlement à ces difficultés d'accès à certains médicaments, un laboratoire anticipe sur les risques de limitation d'accès à la contraception qui, aussi, pourraient se profiler : "Le droit à la contraception est déjà très contesté par certains universités, églises et associations religieuses qui, par exemple, ne veulent pas voir mentionner dans les contrats d’assurance santé la prise en charge des moyens de contraception fournies à leurs employées, expliquait la spécialiste des Etats-Unis Nicole Bacharan à Terriennes début mai 2022. Une série de précédents juridiques existe, mais la question n’est pas encore parvenue jusqu’à la Cour suprême. Le cas échéant, il est tout à fait possible que l'interdiction de la contraception soit considérée comme une liberté religieuse par la Cour suprême."

Ainsi laboratoire Perrigo propose-t-il la première pilule contraceptive en vente libre aux Etats-Unis : Opill, une pilule à prendre chaque jour à base d'un progestatif de synthèse, sans oestrogène, disponible sur ordonnance depuis 1973.

Cette procédure historique marque un tournant dans l'accès aux contraceptifs et pour l'équité en matière de procréation aux États-Unis.

Frédérique Welgryn, HRA Pharma

Heureux hasard ?
C'est une filiale française du groupe pharmaceutique, HRA Pharma, qui a déposé le dossier pour obtenir le feu vert de l'agence américaine du médicament (FDA). Son approbation permettrait d'acheter "la pilule" sans ordonnance pour la première fois depuis que les contraceptifs oraux sont disponibles, depuis les années 1960. Le lancement de la procédure, peu après la décision de la Cour suprême d'anuler, le 24 juin, l'arrêt qui garantissait le droit à l'avortement sur tout le territoire américain, est "une coïncidence", assure l'entreprise en soulignant que HRA travaillait sur le dossier depuis sept ans. 

Reste que, selon Frédérique Welgryn, directrice des opérations stratégiques et de l'innovation chez HRA Pharma : "Cette procédure historique marque un tournant dans l'accès aux contraceptifs et pour l'équité en matière de procréation aux États-Unis". Si le feu vert est accordé, cela "aidera encore plus de femmes et de personnes à accéder à la contraception sans faire face à des obstacles inutiles".

Les femmes sont capables d'utiliser des outils d'auto-dépistage pour déterminer leur éligibilité à l'utilisation de contraceptifs hormonaux.

Conseil des obstétriciens et gynécologues américains

Les pilules contraceptives sont déjà disponibles en vente libre dans de nombreux pays, dont le Brésil, le Mexique, le Portugal ou la Turquie. D'autres pays préfèrent exiger une visite chez un professionnel de santé, notamment pour éviter d'éventuelles contre-indications et discuter des risques pour la pression artérielle. 

Pilules contraceptives hormonales.
Pilules contraceptives hormonales.
©WikimediaCommons
Plusieurs grandes organisations médicales américaines, dont le Conseil des obstétriciens et gynécologues (ACOG), ont déjà exprimé leur soutien aux pilules en vente libre. "Les données confirment que les méthodes hormonales progestatives sont généralement sûres et ne présentent aucun risque ou un risque minime de thromboembolie veineuse", également connu sous le nom de caillots sanguins, affirme ainsi ACOG dans un message sur son site. "Plusieurs études ont démontré que les femmes sont capables d'utiliser des outils d'auto-dépistage pour déterminer leur éligibilité à l'utilisation de contraceptifs hormonaux", ajoute l'organisation. 

A lire aussi dans Terriennes : 

► La Cour suprême contre "Roe vs Wade" : un coup fatal au droit à l'avortement aux Etats-Unis
► Droit à l'IVG : les Américaines peuvent compter sur les féministes latino-américaines
► États-Unis : plusieurs élues arrêtées pendant une manifestation pro-avortement
► Droit à l'avortement aux États-Unis : le début d'une longue bataille judiciaire entre États conservateurs et progressistes
► Manifeste des 343 : hommage en BD à celles qui ont osé dire "j'ai avorté"
► Niger : les femmes désespérément en quête de contraception


https://information.tv5monde.com/terriennes/restriction-du-droit-l-ivg-aux-etats-unis-medicaments-sur-la-sellette-464421

Commenter cet article