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Agression sexuelle dans le métro bruxellois : Isabel filme l’auteur, sa plainte est classée sans suite

14 Avril 2022, 22:34pm

Publié par hugo

Agression sexuelle dans le métro bruxellois : Isabel filme l’auteur, sa plainte est classée sans suite
L’auteur des faits a été filmé par sa victime. Mais la plainte a été classée sans suite.
13 avr. 2022 à 09:31 - mise à jour 13 avr. 2022 à 12:03

6 min
Par Karim Fadoul
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METRO BRUXELLOIS
Une plainte suite à une agression sexuelle dans le métro bruxellois classée sans suite ! Cette agression, elle s’était produite fin 2018 et avait fait grand bruit. La victime, Isabel Morales Solis, 31 ans à l’époque, avait filmé son agresseur et partagé la vidéo sur les réseaux sociaux. Mais voilà, faute d’éléments, le parquet de Bruxelles nous annonce que la plainte n’a pas pu aboutir et que son classement date de 2019 déjà, ce qu’ignorait la victime.

Nous sommes le 19 décembre 2018. Isabel voyage sur la ligne 6 de la STIB. Elle écoute sa musique lorsqu’un homme s’installe à côté d’elle et va alors commettre son agression. "J’ai eu du mal à réaliser, j’ai vraiment eu une demi-seconde pour comprendre qu’il avait sa main dans mon entrejambe", raconte Isabel à l’époque à la RTBF. "J’ai eu une réaction assez violente, je l’avoue, dans le sens où je lui ai mis un coup de coude." L’homme va alors se lever, "tranquillement", comme le rapporte la victime et marcher jusqu’au fond de la rame.


"J’ai alors parlé à la personne en face de moi", poursuit Isabel, "en lui disant que l’homme avait mis sa main dans mon entrejambe. Et quand j’ai vu que l’homme était encore dans la rame, je me suis levé et j’ai été le voir."

Elle sort son téléphone et commence à le filmer. L’agresseur est face à la porte et se cache le visage. Isabel fulmine. Dans la vidéo qu’elle diffuse sur les réseaux sociaux, visionnée plusieurs centaines de milliers de fois, on l’entend crier : "Ce monsieur est en train de me toucher, en train de me toucher. J’étais assise tranquillement en train d’écouter ma musique et ce monsieur a mis sa main sur ma cuisse, dans mon entrejambe."

"C’est pas normal, c’est pas normal", répète Isabel, qui tente de retirer le manteau que l’homme a placé devant son visage pour le masquer. "Tu peux montrer ton visage de gros connard ? Montre ton visage ! Montre !", hurle Isabel.


Nous sommes en pleine heure de pointe. Dans la rame, personne ne réagit. Isabel va porter plainte et reçoit le soutien de la STIB. "Dès que nous avons vu la vidéo sur les réseaux sociaux", réagit à l’époque une porte-parole de la société des transports en commun bruxellois, "nous avons pris contact avec cette personne pour l’inviter à porter plainte pour que les images des caméras de surveillance (NDLR : de la STIB) puissent être utilisées par la police."

Le parquet de Bruxelles a-t-il réclamé les images ? La STIB n’a pas été en mesure de nous confirmer si une demande avait été introduite. Ce qui est sûr, c’est que la plainte d’Isabel Morales Solis a été classée sans suite, fin 2019. C’est la RTBF qui a annoncé la nouvelle à la victime.

Je n’avais pas beaucoup d’espoir, je l’avoue

"Lorsque j’ai déposé plainte à l’époque", réagit aujourd’hui Isabel, "je me souviens très bien que la policière qui m’avait reçu avec beaucoup d’attention m’avait dit que je faisais bien de porter plainte mais qu’il y avait de fortes chances pour que le dossier soit être classé sans suite. Je n’avais pas beaucoup d’espoir, je l’avoue. On m’a expliqué que comme il n’y avait pas d’agression physique ou de séquelles physiques, il allait être difficile de retrouver l’auteur. Ce qui est certain aussi, c’est que je n’ai jamais été contacté par la police pour m’annoncer le classement sans suite de ma plainte."


Mais tout n’est pas perdu pour autant. Il y a quelques mois, Isabel Morales Solis a été convoqué par les forces de l’ordre. Objet : un avis de recherche diffusé par la police fédérale fin 2020. Un homme est suspecté d’avoir, entre 2018 et 2020, commis au moins 15 attentats à la pudeur dans les transports publics, "souvent en Région bruxelloise ou en direction de Bruxelles".

Avis de recherche
"Il s’assied à côté ou en face de ses victimes, et ce même s’il y a encore des places libres ailleurs", dit l’avis qui reprend des photos du suspect prises dans les transports en commun. "Il se sert de sa veste pour cacher sa main et pouvoir la glisser entre les jambes des femmes afin de pouvoir toucher leurs cuisses et leurs parties intimes. Quand il est confronté à une réaction, il reste calme, utilise une excuse et dit qu’il n’a rien fait."

Un modus operandi qui ressemble à celui décrit par Isabel. "Ce n’est pas possible que personne ne puisse le reconnaître. Moi, je l’ai reconnu. Formellement. C’est lui sur les photos que l’on voit sur l’avis de la police. Après ma mésaventure, j’ai reçu plein de témoignages de personnes qui m’ont raconté avoir été victimes de ce même individu, qui ont reconnu son procédé. En tout cas, j’ai remis une nouvelle fois à la police la vidéo que j’ai filmée et les messages d’autres victimes…"

Mais le suspect court toujours. "Cet individu n’est pas encore interpellé", nous indique le parquet de Bruxelles qui poursuit ses investigations.

L’avis de recherche et le suspect, reconnu formellement par Isabel Morales Solis.
L’avis de recherche et le suspect, reconnu formellement par Isabel Morales Solis. Police fédérale
Scandaleux mais malheureusement assez fréquent

Reste que le classement sans suite de la plainte d’Isabel ne surprend pas l’ASBL Vie féminine, mouvement qui lutte contre toutes les formes de violences touchant les femmes. Pour sa présidente régionale de Bruxelles, Louise Metrich, "malheureusement, c’est assez fréquent tant dans les questions de harcèlement, de viols, de violences sexuelles, de violences conjugales".

Louise Metrich juge "scandaleux que la victime elle-même n’ait pas été tenue au courant que sa plainte a été classée sans suite. Ce serait la moindre des choses que de tenir les victimes informées de l’état d’avancement des procédures. C’est une défaillance. Comment maintenant faire en sorte que ce type de plainte puisse aboutir ? Il faut bien sûr plus de moyens, une meilleure formation des magistrats, une prise au sérieux de ces plaintes…"

Le cas d’Isabel Morales Solis n’est pas isolé. "Nous parlons régulièrement de ce genre d’agressions dans nos groupes de discussions. Les femmes font face à du harcèlement, qu’il soit sexiste mais aussi souvent mêlés à du harcèlement raciste comme celui qui touche les femmes voilées. Souvent, les deux sont conjugués."

En tout cas, une enquête menée en 2017 par Vie féminine a indiqué que 98% des répondantes disent avoir déjà subi le sexisme (harcèlement verbal et physique) dans l’espace public dont les transports en commun… "Ce ne sont pas des phénomènes ponctuels. C’est quelque chose de récurrent qui survient aussi bien en soirée qu’en journée. Cela crée un sentiment d’insécurité pour les femmes et de devoir sans arrêt être sur ses gardes, dans l’espace public et en particulier dans les transports. Cela signifie devoir sans arrêt mettre en place des stratagèmes pour se protéger, se demander est-ce qu’on va atteindre ta destination sans être embêté. Le fait que les faits sont minimisés, le faible soutien obtenu sur le moment même et par la suite, le fait que la plainte n’aboutit très souvent à rien, qu’on n’est pas tenu au courant de son cheminement : tout cela rend les femmes impuissantes. C’est anormal."

Louis Metrich rappelle également l’existence, selon elle, "d’un système patriarcal" qui crée une atmosphère "faisant que les hommes qui se comportent de cette manière se sentent intouchables, en droit de faire ce qu’ils font, d’agresser et d’insulter des femmes".

Depuis 2014, une loi permet de sanctionner les gestes et les comportements à caractère sexiste commis dans l’espace public. "Mais cette loi reste inapplicable dans les faits. On ne peut pas mettre un agent de police en civil derrière chaque agresseur potentiel. Ce genre de comportement est donc rendu possible."


Leila Agic est députée régionale PS et vice-présidente de la commission Droits des femmes. Ce classement sans suite ne l’étonne pas non plus. "Ce genre d’agressions est encore très peu puni dans notre pays, faute généralement de preuves. C’est en tout cas ce qui nous est répondu. Ici, ce qui est plus surprenant, c’est que la STIB a communiqué disant qu’elle avait mis les images de ses caméras de côté. Et donc, ce classement me paraît incompréhensible si la plainte a été classée sans suite alors qu’elle était accompagnée de preuves filmées de l’agression."

Une priorité pour la justice

Les violences faites aux femmes doivent devenir, ajoute Leila Agic, "la priorité de la justice. Que des moyens soient mis sur la table pour cela. La Belgique doit s’inspirer de l’Espagne qui est parvenue à réduire d’un quart le nombre de féminicides, par exemple, en mettant en place des tribunaux chargés exclusivement de traiter des affaires liées aux violences faites aux femmes."

Pour la mandataire, "la meilleure manière de prévenir ce type de traumatisme" comme celui vécu par Isabel Morales Solis dans le métro bruxellois, "c’est d’abord que l’agression n’ait pas lieu, évidemment. Mais lorsque celle-ci a lieu, l’important c’est aussi que les témoins réagissent. Cela n’avait pas été le cas à l’époque, cela avait marqué la victime. Pourtant, c’est simple : il suffit d’aller vers la victime, faire semblant qu’on la connaît, montrer à l’agresseur que cette femme n’est pas seule, l’accompagner jusqu’à la sortie… Bref, jouer son rôle de citoyen."


https://www.rtbf.be/article/agression-sexuelle-dans-le-metro-bruxellois-isabel-filme-lauteur-sa-plainte-est-classee-sans-suite-10972836

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