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Ariane Estenne, présidente du MOC : "Nous avons besoin d’actions collectives"

18 Décembre 2023, 05:38am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Ariane Estenne, présidente du MOC : "Nous avons besoin d’actions collectives"

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14 déc. 2023 à 19:31

Temps de lecture5 min
Par Jehanne Bergé pour Les Grenades
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Ce mardi 12 décembre, Ariane Estenne a été réélue à la présidence du MOC, le Mouvement Ouvrier Chrétien, et ce pour un second mandat de quatre ans. À cette occasion, Les Grenades l’ont rencontrée pour un entretien autour des questions de féminisme, d’engagement social et de lutte contre la fragilisation des solidarités.

Le MOC forme la coupole politique des organisations qui trouvent leur origine dans l’histoire ouvrière rattachée au pilier chrétien : la CSC, les équipes populaires, les Jeunes Organisés et Combatifs, les mutualités chrétiennes et Vie Féminine.

"Nous avons hérité de ces valeurs de gauche qui ont permis de remporter des combats pour les droits sociaux. Nous nous ancrons dans cette histoire, et depuis de nombreuses années, le MOC s’est distancié de l’église", introduit Ariane Estenne. En plus de 100 ans d’existence, elle est seulement la deuxième femme à la tête du Mouvement.

À travers cette position, aux côtés de ses collègues, elle a pour mission de porter les luttes contre les inégalités et de défendre l’action collective. D’hier à aujourd’hui, Les Grenades remontent le fil de son militantisme.


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Passer de blessures individuelles à une pensée collective
C’est avec le besoin de lutter contre les injustices qu’Ariane Estenne commence à s’investir dès le plus jeune âge. "Ma première source d’indignation vient des inégalités entre filles et garçons. Je me sentais très entravée dans ma liberté du fait d’être une fille." Mue par la volonté de comprendre les rouages de l’action politique, elle se dirige vers des études de Sciences Politiques.

Toutes les interactions sociales sont traversées si ce n’est pas par du sexisme, au moins par des rapports de domination ; je n’ai aucune illusion là-dessus

Au début des années 2000, c’est sur les bancs de l’ULB qu’elle découvre les penseuses féministes. "Ça a été transformateur. Pour moi le féminisme s’est révélé une maison. Passer de blessures individuelles à une pensée collective qui inscrit les inégalités dans un système de domination s’est révélé un processus réparateur." Au fil des années, elle approfondit ses connaissances des questions de genre.

Par ailleurs, elle s’investit dans des mouvements étudiants et participe à de nombreuses mobilisations, notamment de défense des sans-papiers ou d’alerte contre les dérives d’une société sous surveillance. "Ces mouvements, ça a été mon école d’action collective et de mon point de vue la puissance d’action se révèle par définition collective !"

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Partir du vécu des femmes
Une fois diplômée, Ariane Estenne est engagée chez Vie Féminine au sein du bureau d’études. "Je pouvais continuer à lire et réfléchir aux questions féministes sans toutes les questions de ‘neutralité de la recherche universitaire’. Produire de la connaissance à partir des réalités des femmes, c’est situé et engagé, et pour moi ça avait énormément de sens !"

Après 4 ans au sein du bureau d’études, elle se lance dans la coordination d’un projet d’ampleur : la caravelle des droits des femmes. "Pendant un an, nous avons mis en place un dispositif itinérant pour nous rendre dans toutes les fédérations régionales de Vie Féminine. Nous allions dans l’espace public pour informer les femmes sur leurs droits. Ce projet s’est révélé très mobilisateur."

L’année suivante, elle devient Secrétaire générale adjointe de Vie Féminine et se concentre sur les questions de mobilisation pour faire remonter les vécus des femmes à travers l’éducation permanente féministe.

"Mon féminisme me colle à la peau et me protège"
En 2016, Alda Greoli (Les Engagés) alors ministre de la Culture lui propose de rejoindre son cabinet comme conseillère en éducation permanente. Après cette mission de deux ans, le nom d’Ariane Estenne est mis en avant pour candidater à la présidence du Mouvement Ouvrier Chrétien et remplacer Christian Kunsch.

"Moi je venais d’un monde très militant, très féministe… Présider une telle institution n’avait jamais été quelque chose auquel j’aspirais, mais quand on m’a invitée à me présenter, j’y ai vu une belle opportunité politique, car le MOC est un outil de convergence des luttes entre les plus grandes organisations sociales du pays." Elle est élue et commence son mandat en 2019. Depuis ses plus de 100 années d’histoire, Ariane Estenne est seulement la deuxième femme à la tête du mouvement, Jeanine Wynants a été la première à assurer ce mandat de 1979 à 1985.

Aujourd’hui, observer cette jeunesse se réapproprier les pensées féministes me procure une joie inouïe. La relève est là ! Les filles et les femmes qui arrivent sont beaucoup plus outillées

"C’est sûr qu’il y a encore des logiques patriarcales au sein de l’institution, mais mon féminisme me colle à la peau et me protège. De mon point de vue, toutes les interactions sociales sont traversées si ce n’est pas par du sexisme, au moins par des rapports de domination ; je n’ai aucune illusion là-dessus. Alors oui j’ai dû et je dois affronter un certain sexisme et paternalisme, mais ça n’a pas été une surprise. Pour nous préserver et ne pas laisser passer les violences, avec mes collègues, nous mettons en place toute une série de stratégies collectives."


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Mener une action conjointe
À travers sa fonction, Ariane Estenne coordonne l’action conjointe entre les cinq organisations autonomes du MOC : la CSC, les équipes populaires, les JOC, les mutualités chrétiennes et Vie Féminine. "On avance sur de grandes thématiques : la sécurité sociale, la réduction collective du temps de travail, les questions de migration, de démocratie et d’écologie. Nous essayons de porter une parole conjointe ; mon travail est de piloter les processus internes de décision."

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Par ailleurs, la militante mène aussi une mission de représentation et de plaidoyer. "Chaque jour l’actualité nous montre que le socle de ce qui fait notre démocratie est menacé. Il y a urgence. Comment prendre soin de notre démocratie ? Comment la faire vivre ? Au niveau électoral, mais aussi au niveau de l’organisation du travail ou de la défense des droits ? Comment organiser des débats ?"

Elle continue : "Il faut prendre soin de nos espaces de délibération, se demander comment décider ensemble. Plus que jamais, nous avons besoin de la démocratie culturelle, et ce en renforçant le monde associatif qui permet d’offrir des boussoles pour comprendre les enjeux auxquels nous faisons face, et permet à chacun·e de reprendre prise sur son existence."


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Une génération radicale pour assurer la relève
"Le mouvement #metoo, ça a vraiment été décoiffant. Au début des années 2000, le mot féministe était connoté négativement et associé à une image rébarbative. Aujourd’hui, observer cette jeunesse se réapproprier les pensées féministes me procure une joie inouïe. La relève est là ! Les filles et les femmes qui arrivent sont beaucoup plus outillées, beaucoup plus radicales. Ma génération est sans doute en train de faire évoluer le monde institutionnel, mais j’ai tout à fait confiance dans les nouvelles générations pour aller encore plus loin !", conclut-elle.

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Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/ariane-estenne-presidente-du-moc-nous-avons-besoin-dactions-collectives-11301231

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